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Aux sources du phénomène Hillary Clinton(info # 011508/16)[Analyse]

Par Sébastien Castellion© MetulaNewsAgency

 

Dinesh D’Souza, Hillary’s America (Kindle Edition, livre ou DVD)

 

Dinesh D’Souza est l’un des auteurs les plus importants de la droite intellectuelle américaine. Arrivé de Bombay en Californie pour y faire ses études à la fin des années 1970, il a rapidement entamé une carrière d’auteur spécialisé dans la dénonciation de l’influence culturelle de la gauche sur la société. Ses livres ont notamment analysé les sources des tensions entre blancs et noirs (The end of racism, 1991), l’influence délétère de la gauche dans les universités (Illiberal education, 1995), l’influence internationale de l’Amérique (What’s so great about America, 2002) et l’apologétique de la religion chrétienne.

 

En 2010, il avait fourni l’analyse la plus convaincante à ce jour de l’idéologie du président Obama. Selon D’Souza, Obama n’est ni un marxiste classique ni un musulman secret (deux explications fréquemment rencontrées à droite mais qui n’expliquent pas l’intensité des liens du président avec Wall Street, ni les nombreuses attaques de drone qu’il autorise contre les mouvements islamistes). Il est avant tout un anticolonialiste, c’est-à-dire un idéologue convaincu que l’influence de l’Occident dans le monde a été néfaste et qu’il faut rendre les Etats-Unis moins puissants pour rééquilibrer les choses.

 

En anticipation de l’élection présidentielle de novembre prochain, D’Souza a étudié l’histoire du parti Démocrate en général et, plus particulièrement, d’Hillary Clinton, qui, selon tous les sondages disponibles à ce jour, a toutes les chances de devenir le prochain président américain.

 

D’Souza commence par une question fondamentale : pourquoi Mme Clinton parvient-elle à obtenir une telle fidélité des électeurs Démocrates ? Elle n’a pas le charme ou l’habileté politique de son mari. Elle n’incarne pas, comme le faisait Obama, le symbole d’une Amérique surmontant ses anciennes divisions pour élire un membre d’une minorité naguère persécutée. Enfin, Mme Clinton, malgré une très longue carrière politique, ne peut citer aucun succès marquant dans les fonctions qu’elle occupait dans la Maison Blanche de Bill Clinton, lors de son passage au Sénat ou comme Secrétaire d’Etat du président Obama. Cette presque septuagénaire n’a, tout simplement, rien accompli de remarquable à ce jour.

 

La réponse de D’Souza est qu’Hillary Clinton incarne, pour les militants du parti Démocrate, ce que ni son mari ni le président Obama n’ont jamais pu promettre : la pureté idéologique, la promesse d’une poursuite déterminée et implacable des objectifs qui unissent les membres du parti.

 

Pour comprendre quels sont ces objectifs, D’Souza consacre un peu plus de la moitié de son ouvrage à faire l’historique du parti Démocrate avant d’écrire celle d’Hillary Clinton. Il voit principalement, dans l’histoire du parti Démocrate contemporain, l’influence de trois pères fondateurs.

 

Le premier est Andrew Jackson, général adulé de la guerre de 1812 contre la Grande-Bretagne, fondateur en 1824 du parti Démocrate et premier président Démocrate des Etats-Unis, de 1829 à 1837. Comme le rappelle D’Souza de manière détaillée, Jackson se forgea une solide clientèle politique en expropriant par la menace ou la guerre des dizaines de tribus indiennes, dont les terres étaient ensuite revendues à bas prix à ses soutiens politiques. Au passage, Jackson lui-même, né dans la pauvreté avant la Révolution de 1776, devint à titre personnel l’un des hommes les plus riches des Etats-Unis. Dans les deux siècles qui suivirent, le parti Démocrate n’a jamais cessé d’acheter le soutien de ses fidèles par la distribution de faveurs, ni de permettre à ses dirigeants de s’enrichir massivement à titre personnel.

 

La deuxième influence dominante du parti Démocrate est celle du président Franklin D. Roosevelt, qui dirigea les Etats-Unis de 1933 à sa mort, en 1944. L’influence de Roosevelt sur le parti Démocrate fut particulièrement marquante dans deux domaines.

 

Tout d’abord, il fut le premier à changer la stratégie du parti à l’égard de la minorité noire. Jusqu’à Roosevelt, le parti Démocrate était intrinsèquement, profondément hostile à la reconnaissance des droits des Noirs. Il a ardemment soutenu l’esclavage, contre l’opposition des Républicains, jusqu’à la défaite du Sud dans la guerre civile.

 

Puis, le parti Démocrate a été à l’origine de toutes les manœuvres destinées à empêcher les Noirs de profiter de leur liberté retrouvée : lois ségrégationnistes, création du Ku Klux Klan (longtemps décrit comme « le bras armé du parti Démocrate »), les lynchages, l’entrave au droit de vote… Avant Roosevelt, le racisme était au cœur même de l’identité Démocrate.

 

La révolution introduite par Roosevelt et complétée par ses successeurs – en particulier Lyndon Johnson, président de 1963 à 1969 – ne consistait cependant pas en une répudiation du racisme. Afin de conserver sa majorité, Roosevelt a maintenu en place les lois ségrégationnistes et a toujours su tordre le bras des quelques Démocrates antiracistes du Nord pour qu’ils ne fassent pas de difficultés sur le sujet. En revanche, il est allé activement à la recherche du vote noir, qui était auparavant massivement acquis au parti Républicain, en mettant en place des programmes sociaux qui répondaient à l’urgence de l’époque de la Grande Dépression.

 

Comme le signale D’Souza, lorsque des individus ou des groupes se sont éloignés d’une idéologie malfaisante – ceux qui ont quitté le communisme, par exemple, ou qui, de nos jours, s’éloignent du djihadisme – ils ont retracé leur trouble et l’histoire de leur conversion dans des livres ou des articles qui documentent la manière dont ils ont vaincu le mal. Or, il n’existe rigoureusement aucun témoignage de Démocrates expliquant comment ils ont compris que le racisme était condamnable – pas un livre, pas un article, pas une interview.

 

Cette absence de témoignage s’explique, selon l’auteur, par le fait que la conversion des Démocrates à l’antiracisme n’a jamais représenté une crise de conscience mais, sur le modèle de Roosevelt, un simple calcul électoral. En offrant des revenus sociaux à la population noire, sans exigence de travail, et en encourageant financièrement les comportements qui pérennisent la dépendance (comme la multiplication des naissances hors mariage), les Démocrates se sont assuré un vivier de voix pérenne correspondant exclusivement à leurs intérêts électoraux.

 

Cela ne veut pas dire que les Démocrates d’aujourd’hui soient intrinsèquement racistes – ni, du reste, réellement antiracistes. Ce n’est pas leur problème : leur problème est, exclusivement, le calcul électoral. Et s’il faut, pour s’assurer une majorité, maintenir en permanence une population dans la dépendance et la pathologie sociale, cela représente pour eux un prix parfaitement acceptable.

 

L’autre influence durable du président Roosevelt sur le parti Démocrate contemporain vient de sa fascination pour un modèle social dans lequel l’Etat, sans nationaliser directement les entreprises productives, leur impose des règles strictes de comportement au nom de sa définition de l’intérêt général.

 

D’Souza démontre, par de nombreux exemples, que ce modèle dirigiste s’accompagnait, chez Roosevelt comme dans toute la gauche américaine, d’une fascination pour les fascismes européens qui le mettaient en œuvre de manière plus complète (Roosevelt lui-même préférait Mussolini, cependant que le jeune John Kennedy était revenu plein de louanges d’un voyage dans l’Allemagne nazie).

 

Dans le cas de Roosevelt, le dirigisme a conduit à une intervention permanente pour limiter la chute des prix et des salaires qui a transformé ce qui aurait été l’une des inévitables corrections passagères du marché en une crise grave et prolongée. Une crise qui a multiplié les soutiens aux totalitarismes du vingtième siècle, convaincus que le capitalisme avait rencontré ses limites. Plus tard, le Président Obama s’est inspiré de ce modèle dirigiste pour imposer des objectifs politiques à l’une des principales industries américaines, l’assurance santé. Hillary Clinton propose une prise de contrôle comparable des prêts aux étudiants et du financement des universités.

 

Enfin, le troisième père fondateur du parti Démocrate est quelqu’un qu’Hillary Clinton a personnellement connu et admiré : Saul Alinsky, mort en 1972. Etudiant en criminologie dans le tournant des années 1930, Alinsky avait étudié de l’intérieur la mafia de Chicago. Après avoir appris les méthodes des groupes criminels, il les a transposées pour menacer et faire chanter les employeurs et les gouvernements locaux afin d’obtenir l’augmentation des recrutements ou des salaires, l’amélioration des conditions de travail… ou le financement de Saul Alinsky lui-même. Il a expliqué ses principes de cynisme absolu dans l’action politique dans un ouvrage, Règles pour les radicaux, à qui Hillary Clinton a consacré son mémoire de thèse.

 

Malgré l’admiration manifeste de Mme Clinton pour Alinsky, lorsque celui-ci lui proposa, à la fin de ses études, un emploi dans son organisation semi-criminelle, elle refusa en expliquant « que l’on peut obtenir de meilleurs résultats à l’intérieur du système qu’en le pressurant de l’extérieur1 ». Cette phrase résume toute sa carrière.

 

La deuxième partie du livre tente d’expliquer la vision du monde spécifique d’Hillary Clinton, héritière de cette triple tradition politique. Les écrits assez nombreux de la candidate offrent des indices concordants qui montrent une personnalité à la fois hautement idéologique et faisant preuve d’un cynisme absolu dans la recherche du pouvoir.

 

Pour ce qui est de l’idéologie, Mme Clinton pousse les instincts dirigistes bien au-delà de l’économie : elle a écrit plusieurs articles et un livre (It takes a village, 1996) pour défendre la thèse selon laquelle l’éducation des enfants et l’instruction des jeunes doit, autant que possible, être confiée aux institutions étatiques plutôt qu’aux familles. La prise de contrôle des universités par un système de financement public est, de nouveau, au cœur de son programme présidentiel pour novembre prochain.

 

Quant au cynisme politique, la candidate en a fait preuve à un degré bien supérieur au degré habituel des hommes politiques. Elle n’a longtemps dû sa carrière qu’à son mariage avec un homme politique plus talentueux et plus charmeur qu’elle, mais fragilisé par un appétit sexuel sans contrôle.

 

Hillary est devenue indispensable à la survie politique de son mari en se consacrant systématiquement, pendant des décennies, à attaquer personnellement les femmes qu’il avait séduites. D’Souza documente, exemple après exemple, les chantages au silence, diffamations et menaces physiques organisées contre ces femmes par la candidate2.

 

Depuis l’époque où son mari était gouverneur de l’Arkansas jusqu’à son propre passage au Secrétariat d’Etat, toute la carrière d’Hillary Clinton est marquée par une série de scandales financiers et personnels : enrichissement par délit d’initiés, vente de faveurs politiques, y compris d’amnisties présidentielles… Le plus grand de ces scandales est, de loin, la confusion des genres entre la Fondation Clinton – une organisation à but prétendument humanitaire, financée à la hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars par diverses donations – et l’action de Mme Clinton comme Secrétaire d’Etat. Les donateurs de la Fondation (dont 90% des recettes ne sont pas allées à l’action humanitaire, mais à la rémunération d’alliés politiques embauchés pour la circonstance) ont bénéficié d’un trafic d’influence systématique dont le couple Clinton, à titre personnel, a largement profité.

 

Ainsi, Frank Giustra, un entrepreneur canadien qui souhaitait développer une mine d’uranium au Kazakhstan, obtint le soutien du Département d’Etat après avoir versé 31 millions de dollars à la Fondation. Toujours dans le domaine de l’uranium, la société d’Etat russe Rosatom reçut l’accord du Département d’Etat pour acheter une société qui possédait 20 % des réserves américaines après avoir généreusement financé la Fondation Clinton. Le soutien des Etats-Unis au renversement du régime Kadhafi en Libye coïncidait mystérieusement avec des plans d’investissement en Libye présentés à la Secrétaire d’Etat par un de ses plus proches conseillers, Sydney Blumenthal. Les exemples, précis et documentés, se multiplient sur plusieurs dizaines de pages.

 

Mme Clinton est progressivement devenue le centre d’un système sophistiqué de trafic d’influence, dans lequel les contributions financières – dont une part non négligeable parvient personnellement à la candidate et à son époux, ainsi qu’à une vaste clique d’alliés – permettent d’influencer les décisions politiques les plus essentielles de la première puissance mondiale. Ce système ne pourra que s’amplifier et s’aggraver si, comme le prédisent les sondages, Mme Clinton parvient à se faire élire à la présidence. Connaître son histoire et son caractère ne suffira pas à empêcher son élection. Mais cela permettra de mieux comprendre le fonctionnement des Etats-Unis de demain.

 

 

 

Notes :

 

1 La correspondance entre Alinsky et Clinton peut être achetée au lien suivant : https://www.scribd.com/doc/240077031/The-Hillary-Letters.

 

2 D’Souza a une expérience personnelle de l’utilisation de moyens d’Etat pour intimider les opposants. Après son article sur Obama, il fut la première et, à ce jour, la seule personne jamais incriminée et menacée de détention pour avoir, en violation d’un article jamais appliqué de la loi électorale, donné 20 000 dollars de sa poche à la campagne électorale d’un ami

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