Minorités religieuses au Maroc cherchent reconnaissance désespérément
HuffPost Maroc | Par Leïla Hallaoui
RELIGION - "Nous devons, d’abord, discuter de nos droits communs et construire une plateforme. La suite dépendra de la volonté politique". Jawad El Hamidi coordonne le comité marocain des minorités religieuses qui se prépare, en ce moment, à organiser un congrès à l’échelle nationale. Il portera sur "La liberté de conscience et de croyance entre le débat de reconnaissance et la question de cohabitation", et aura lieu samedi 18 novembre à la Fondation Orient-Occident à Rabat.
Un congrès dont l’issue sera décisive, à en croire Jawad El Hamidi. "Nous avons tenu à organiser cet événement dans un contexte qui nous semble pertinent", nous dit-il. Le coordonnateur du comité marocain des minorités religieuses rappelle en effet la "recrudescence d’actes stigmatisant cette catégorie". "Récemment à Meknès, la communauté baha’ie marocaine a été empêchée de célébrer la naissance de son prophète Hadrat Baha-Allah. A la veille de cette fête, les autorités ont demandé à ce que la salle prévue pour cette célébration soit fermée", raconte Jawad El Hamidi. Pour ce dernier, les baha’is souffrent d’un calvaire autant que les chiites. "Aux yeux de l’Etat et de la société, les chiites ont une relation avec l’Iran et autres pays. D’ailleurs, le leader des chiites marocains avait été interpellé", affirme-t-il.
"Faire face à la marginalisation et à l’exclusion des minorités religieuses en approfondissant l’examen de sujets qui les concernent", c’est le but que se donne ce congrès national. Il y sera question de réunir des intellectuels, politologues et penseurs comme Mohamed Fizazi, Mohamed Tozi et Azzedine El Allam. Les représentants de diverses communautés religieuses, dont la communauté juive du Maroc ou encore la zaouia soufie gargaria sont invités à apporter leur eau au moulin de ce congrès.
L'union fait la force
"Pour nous, chrétiens du Maroc, cet événement servira de pont de communication et d’échange entre l’ensemble des minorités religieuses au Maroc. Il faut décider de ce que nous voulons: rester cloîtrés ou nous ouvrir sur la société", déclare au HuffPost Maroc le coordinateur des chrétiens du Maroc, Mustapha Soussa. Pour ce dernier, ce congrès s’apparenterait presque à un test d’évaluation de la disposition des minorités religieuses à se serrer les coudes pour fédérer les efforts des unes et des autres, pour constituer "une force".
"Nous sommes appelés à bâtir un projet dont la raison d’être sera axée sur les droits des minorités religieuses au Maroc. Un comité pourrait alors se constituer pour assurer un suivi et se pencher sur les aspects juridiques d’une reconnaissance à part entière de ces minorités", explique Jawad El Hamidi, soulignant que les avis des experts invités au congrès pourraient répondre à une question existentielle pour ces minorités: "en quoi leur reconnaissance pourrait-elle être préjudiciable? Il faut émettre l’hypothèse: qu’arrivera-t-il si ces minorités sont reconnues?".
Pour Jawad El Hamidi, la constitution marocaine légitime cette quête de la reconnaissance puisqu’elle stipule clairement qu’elle "garantit à tous le libre exercice des cultes". "Et rien dans le code pénal ne sanctionne le fait de changer de confession et cela est un acquis. Personne ne peut être jeté en prison parce qu’il est juif ou chrétien. Nous avons donc, pour nous, des références juridiques qui soutiennent les minorités religieuses", fait remarquer le coordinateur du comité marocain des minorités religieuses.
La quête s’annonce difficile car, pour aboutir à cette reconnaissance, il faudra aussi travailler sur les mentalités. "Nous voulions rapprocher ces minorités de la société, mais l’Etat nous en a empêchés. Nous avions préparé des vidéos explicatives, mais ce projet a été avorté par les autorités qui nous ont retiré l’aide financière dont nous disposions en la qualifiant d’illégale", soutient Jawad El Hamidi. Le congrès devient alors une nouvelle manche de la longue bataille. "Nous en sortirons avec des revendications, mais nous espérons que la volonté politique, cette fois-ci, nous aidera à avancer", espère-t-il.