Le Yémen, pays de confrontations et de misères, par David Bensoussan
Le Yémen risque de couver une nouvelle génération d’extrémistes qui s’en prendra tant aux belligérants qu’aux pays qui les soutiennent.
Près de 3 millions de Yéménites ont été déplacés et près de 18 millions souffrent d’insécurité alimentaire.
Le Yémen est le pays le plus pauvre du Proche-Orient. Peuplé par 28 millions d'habitants, il est déchiré par la guerre civile qui a fait plus de 10 000 morts. Près de 3 millions de Yéménites ont été déplacés et près de 18 millions souffrent d'insécurité alimentaire. L'embargo de ses ports destinés à empêcher le ravitaillement en armes des Houtis par l'Iran nuit aux secours internationaux. Les grues des ports ont été mises hors d'action et le manque de ravitaillement en pétrole empêche l'activation des pompes de filtrage d'eau, ce qui empire la pénurie d'eau potable et l'épidémie de choléra qui a touché près d'un million de personnes.
L'instabilité du Yémen remonte à plusieurs décennies : dans les années 60, le Yémen se scinda en deux états : la République arabe du Yémen proche de l'Arabie saoudite et la République démocratique populaire du Yémen d'allégeance marxiste. Ces deux états entrèrent en conflit et ne se réconcilièrent au sein d'un état unifié qu'au terme de la guerre froide, en 1990. Mais au nord du pays, les Houtis de confession zaydite - branche de la mouvance chiite - exprimèrent leur mécontentement devant un régime qui les marginalisait. Une décennie plus tard, Al-Qaeda dans la Péninsule arabe (AQPA) s'installa dans l'arrière-pays et les États-Unis y engagèrent des attaques par drones.
En 2011, lors du printemps arabe, la population demanda la démission du président Ali Abdullah Saleh qui était au pouvoir depuis 32 ans. Ce dernier accepta de céder le pouvoir au vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi. Mais il se ravisa et s'allia aux Houtis contre le nouveau président élu Hadi lequel trouva refuge en Arabie. Armée par l'Iran, la minorité houtie captura la capitale Sanaa en 2014. Un an plus tard, une coalition formée par l'Arabie, les Émirats arabes unis, le Koweït, l'Égypte, le Maroc, la Jordanie et le Soudan décida d'agir contre les Houtis. Ses bombardements peu précis de cibles militaires et non militaires ont été peu conclusifs. Les Houtis ont été repoussés, mais contrôlent encore la capitale. Lorsqu'en décembre 2017 l'ancien président Saleh remit en question son alliance avec les Houtis, il fut assassiné.
Des tirs de missiles balistiques à partir du territoire houti visant la capitale saoudienne ont exaspéré l'Arabie qui a resserré son embargo sur les ports yéménites.
Des tirs de missiles balistiques à partir du territoire houti visant la capitale saoudienne ont exaspéré l'Arabie qui a resserré son embargo sur les ports yéménites. La banque centrale du Yémen a déménagé à Aden et la fonction publique gouvernementale se retrouve privée de salaires depuis 2016. La majorité des hôpitaux ont cessé de fonctionner et les civils paient le prix fort de ce conflit.
Selon l'organisation Save the Children, plus de 50 000 enfants auraient péri en 1917. L'UNICEF estime qu'un enfant meurt toutes les dix minutes en raison de maladies évitables. La misère au Yémen est avant tout due aux parties qui font peu de cas des pertes civiles, aux bombardements aériens de la coalition (plus de 30 000 sorties aériennes à ce jour), à la volonté de déstabilisation de l'Iran et aussi au trafic auquel se livrent les adversaires qui accentuent intentionnellement les pénuries pour faire de plus gros profits.
Le Yémen a une importance stratégique capitale, car ses ports donnent sur le détroit de Bab el-Mandeb dans la Mer rouge, par lequel transitent les pétroliers en direction du canal de Suez. C'est l'une des raisons pour lesquelles les puissances occidentales soutiennent l'Arabie. Toutefois, étant donné que les réfugiés du Yémen n'affluent pas aux portes de l'Europe, la misère des Yéménites est moins présente dans les esprits et les médias occidentaux.
La situation dégénère sans que l'on entrevoie une issue. Le Yémen risque de couver une nouvelle génération d'extrémistes qui s'en prendra tant aux belligérants qu'aux pays qui les soutiennent.