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L’Iran a le choix : être prêt à assumer des sanctions bien plus radicales et s’apprêter à affronter une superpuissance ou encore mettre fin définitivement à ses ambitions nucléaires et régionales.

David Bensoussan

Le président Trump a qualifié « d'horrible » l'accord des 5 +1 (les 5 grandes puissances et l'Allemagne) avec l'Iran sur le nucléaire et s'est donné jusqu'au 12 mai pour le modifier, ce sans quoi il s'en retirerait. Une activité diplomatique intense s'en est suivie, notamment de la part des partenaires européens de l'accord. À noter que cet accord conclu à Vienne en 2015 n'a jamais été ratifié et qu'il ne constitue officiellement qu'un ensemble de mesures volontaires. (Une déclaration non contraignante du Conseil de sécurité de l'ONU a été faite après l'entente des 5 +1) Par ailleurs, des différences sensibles existent entre les versions anglaise et iranienne des communiqués de presse...

L'historique de cet accord met en évidence deux aspects majeurs : d'une part, l'Iran a régulièrement dupé les inspecteurs internationaux en omettant de faire état de ses sites de développement en matière de technologie nucléaire; de l'autre, l'Iran a obtenu concession sur concession au fil des négociations. Néanmoins, l'on s'est félicité de cet accord. Le président Obama a libéré 170 milliards de dollars d'avoirs iraniens, espérant que l'Iran se joindrait au concert des nations. Or l'Iran a continué à s'immiscer toujours plus en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen (de fait, l'ingérence iranienne a augmenté par l'envoi de milices chiites afghanes et pakistanaises du Fatemayoun et ZeynabIyoun totalisant 19 000 mercenaires) et à organiser des manifestations populaires scandant « Mort à l'Amérique.»

Les États-Unis

Pour Trump, l'accord, même s'il est respecté, est foncièrement mauvais, car il est temporaire et donnera carte blanche à l'Iran en 2023. (L'Iran peut entretemps continuer à produire de l'uranium enrichi et de traiter du plutonium à un rythme plus lent, bien au-delà de ses besoins civils. L'Iran s'est engagé à exporter 97% de sa réserve d'uranium enrichi, mais seulement la moitié a été vendue.) Qui plus est, il n'est accompagné d'aucune mesure de modération en regard des activités subversives de l'Iran au Proche-Orient. En outre, les essais balistiques iraniens continus contredisent l'esprit de l'accord des 5 +1 qui demande de réfréner de tels essais, mais sans imposer de sanctions le cas échéant. Qui plus est, l'Iran ne permet pas l'inspection de ses installations militaires et les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (l'IAEA) n'ont pu avoir accès qu'à 22 des 32 sites d'intérêt. Aussi, pour Trump, l'Iran doit-il être isolé à tout prix.

Les puissances européennes

Les puissances européennes qui défendent le maintien de cet accord ne donnent pas tort à Trump, mais elles préfèrent un mauvais accord à des conséquences qui seraient bien pires à moyen terme. La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne se sont alarmées et ont cherché des voies alternatives. Ces pays espèrent faire amender l'accord par une cessation des essais balistiques de longue portée et redoutent que l'annulation de l'accord des 5 +1 n'aggrave la situation, car les centrifugeuses iraniennes recommenceraient à opérer de façon accélérée.

L'Iran est un pays de 78 millions d'âmes et représente un marché de 300 milliards de dollars. Il possède 9% des réserves mondiales de pétrole et 15 % des réserves mondiales de gaz. C'est la Chine qui domine de plus en plus le marché iranien au grand désarroi des bazaris. Depuis la conclusion de l'accord, les gouvernements européens refusent de garantir les exportations vers l'Iran et bien des compagnies craignent le retour des sanctions.

L'Iran

La population iranienne avait fondé de grands espoirs sur l'amélioration de la qualité de vie après l'accord des 5+1. Bien que le PNB iranien ait crû de 5%, ses retombées n'ont pas touché toute la population, mais avantagent ceux qui sont proches de l'assiette gouvernementale, dont les Gardiens de la Révolution. Selon les estimations d'experts, l'Iran continue de dépenser en Syrie entre 6 et 20 milliards de dollars par an. Des manifestations contre le régime tenues dans plus de 70 villes ont critiqué l'implication iranienne en Syrie et au Liban et la négligence du gouvernement envers les besoins sur la scène domestique.

Israël

Devant l'obsession anti israélienne de la théocratie iranienne, Israël aimerait éviter que l'Iran ne devienne une puissance nucléaire. Par le passé, des dirigeants iraniens tels que le président Rafsandjani – encensé comme modéré par les médias occidentaux - avait déclaré : « Une seule bombe atomique anéantirait Israël tandis qu'elle ne ferait que causer des dommages dans le monde musulman.» (Le même avait déclaré au sujet du peuple syrien qui recevait des bombes chimiques lâchées par son propre régime : « Il ne faut pas hésiter à dire où est notre l'intérêt [national], même si cela crée des problèmes ou met certains mal à l'aise. ») Quant au président Ahmadinejad, il a affirmé que « la paix au Proche-Orient passe par la destruction d'Israël. » Par ailleurs, lors des défilés militaires iraniens, les missiles portent en hébreu l'inscription « Israël sera rayé de la surface de la Terre. »

Israël a mis la main sur une demi-tonne de documents provenant d'une cache iranienne, dévoilant que, contrairement aux déclarations des leaders iraniens, des travaux de développement d'armes nucléaires étaient effectivement en cours. Ceci n'a fait que corroborer ce dont beaucoup se doutaient, mais sans pouvoir le confirmer. Le premier ministre israélien a insisté pour annuler l'accord des 5 +1 qui ne fait que retarder tout en la légitimant l'accession de l'Iran à l'arme nucléaire. (Le chef d'État-major israélien Gadi Eizenkot a affirmé plus d'une fois que l'accord actuel repoussait de 15 ans l'accession de l'Iran à l'arme nucléaire.)

Israël appréhende l'armement du Hezbollah par l'Iran ainsi que la présence militaire grandissante de ce pays en Syrie. Israël a attaqué une base de missiles iranienne au nord de la Syrie causant une déflagration dont l'effet est équivalent à un séisme d'amplitude 2,8 sur l'échelle de Richter. Ceci a constitué un message d'avertissement pour l'ensemble du Liban, pays où le Hezbollah contrôle plus de 120 000 missiles fournis par l'Iran.

Les pays sunnites

Les pays sunnites se sentent directement ciblés par l'Iran dont les interventions prolongent les massacres à grande échelle en Syrie, pays à majorité sunnite, en plus de s'imposer en Irak au Liban et au Yémen. Les pays sunnites ne tiennent pas à ce que l'Iran se renforce dans la région et rejoignent en cela les préoccupations d'Israël.

Qu'en sera-t-il au lendemain du rétablissement des sanctions américaines contre l'Iran ?

Les États-Unis ne pouvaient laisser les choses dans l'état actuel, car passée la date butoir du 12 mai qu'ils se sont imposée, leur pouvoir de dissuasion serait devenu caduc. Trump a rétabli les sanctions massives contre l'Iran. Le durcissement des sanctions contre la Corée du Nord a donné fruit. Qu'en sera-t-il des sanctions contre l'Iran? Certaines d'entre elles d'aide financière et armée aux groupes terroristes et du développement de missiles balistiques. L'Iran a le choix : être prêt à assumer des sanctions bien plus radicales et s'apprêter à affronter une superpuissance ou encore mettre fin définitivement à ses ambitions nucléaires et régionales.

L'Iran peut durcir publiquement sa position accusant l'Amérique de perfidie et menaçant de s'engager de façon intensive dans des développements de centrales nucléaires. Cette position s'accompagnerait d'un durcissement des radicaux en Iran même et, passée une réaction de fierté nationale blessée, frustrera encore plus la population iranienne. Si l'Iran est tenté de fomenter des troubles d'envergure au Moyen-Orient, il devra s'attendre à subir les foudres des États-Unis.

Les Européens sont frustrés de ce que l'imposition de sanctions sévères ne les empêche d'accéder avec confiance au marché iranien, mais ils craignent encore plus d'être en désaccord avec leur allié américain. Ils ne sont ni prêts ni en mesure de s'opposer à la décision américaine.

C'est la Chine qui domine de plus en plus le marché iranien au grand désarroi des bazaris. On pourrait imaginer qu'un bloc eurasien incluant la Russie et dominé par la Chine puisse se former. Or, il semble bien que le président Trump vise à un rapprochement avec la Russie sitôt que les enquêtes sur l'ingérence russe dans les dernières élections américaines perdront de leur importance. Il pourra ainsi éviter l'émergence d'un bloc eurasien et d'une nouvelle guerre froide.

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