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"A mort Palestine !" (012806/18) [Analyse]

Par Ilan Tsadik © Metula News Agency

 

Les évènements de ces derniers jours viennent nous rappeler qu’il existe une différence fondamentale entre la nation iranienne et le régime dictatorial qui la dirige. A nous de ne surtout pas faire l’amalgame entre les deux, cela affligerait indûment, d’une part, des millions d’innocents qui subissent la dictature, et de l’autre, cela priverait les Israéliens d’une amitié populaire et authentique au Moyen-Orient, alors que de telles amitiés ne sont vraiment pas légions.

 

Au-delà de la posture intellectuelle et médiatique que cette distinction impose, elle pourrait devenir autrement plus délicate encore si, d’aventure, en riposte à une agression des ayatollahs, l’Etat hébreu se trouvait dans une situation dans laquelle il serait amené à frapper lourdement la Perse.

 

Or cette hypothèse n’est nullement virtuelle, au moment où Tsahal renforce ses défenses autour de notre réacteur nucléaire dans le Néguev. Cette mesure intervenant après avoir recueilli des informations selon lesquelles Khameneï et sa clique, pour redorer leur blason sérieusement écorné après le désastre militaire qu’Israël leur a infligé en Syrie, envisageraient une attaque au missile contre le site de Dimona.

 

Si cela arrivait, quel que soit le résultat d’une telle agression, je veux dire, si nous parvenons à intercepter les missiles à temps afin d’éviter une catastrophe ou non, il y aurait lieu de recourir à une riposte "proportionnée", visant des cibles névralgiques en Iran à l’occasion d’une contre-frappe à l’ampleur encore jamais égalée.

 

On pourrait alors s’en prendre au centre d’enrichissement de Fodow, aux leaders de la tyrannie, à ses symboles, mais il faudrait à tout prix éviter – ou à tout le moins réduire au minimum – les pertes civiles collatérales. Dans l’équation qui prévaut et que je relève dans cet article, des attaques massives contre les villes iraniennes sont absolument à exclure, ce qui, j’en conviens, suivant la nature, la profondeur et la dangerosité d’une éventuelle offensive contre Israël, ne serait pas chose aisée.

 

Reste que le peuple iranien n’est en aucun cas notre ennemi, et il le démontre chaque fois qu’il en a l’occasion. A témoin, l’audience de l’émission quotidienne d’une heure et demi de Kol Israël (la Voix d’Israël, la radio du service public) en langue farsi, proposée par le journaliste, analyste et écrivain Ménashé Amir. Celle-ci touche un public en Iran estimé entre 5 et 7 millions d’auditeurs, plus en cas d’actualité extraordinaire, ce qui en fait l’émission la plus suivie en Perse, et également de tous les media audiovisuels israéliens.

 

Ménashé Amir transmet aux Iraniens des informations précises concernant ce qui se déroule chez eux, ainsi que dans le reste du monde. Des news qui évitent naturellement le crible de la censure imposée par la théocratie chiite.

 

Les renseignements qu’il produit en ces jours de rébellion urbaine à Téhéran agissent comme une bouffée d’oxygène pour la population, privée de toute référence objective. Ils se situent à l’opposé diamétral de la posture choisie par l’AFP et les media mainstream de l’Hexagone. Ces derniers circonscrivent leur information en ne lui réservant pas la place "proportionnelle" qu’elle justifie, et en ne traitant que des éléments à caractère économique qui font partie de la contestation. En consultant l’écrasante majorité de la presse française, tout ce que l’on peut apprendre est que les commerçants du bazar central font grève en raison de la situation économique insupportable qui prédomine, notamment la dévaluation de 50% du Rial.

 

L’aspect politique de la contestation, sa dimension, la violence de la répression et les slogans pro-israéliens scandés par la foule n’ont pas droit de cité chez les collègues franciliens. Pas plus que le fait que ce mouvement, réellement spontané dans ce cas, vise la destitution du régime et réclame l’avènement de la démocratie.

 

Le consommateur d’information tricolore n’est pas non plus autorisé à connaître de ce qu’annonce la Ména et Ménashé Amir depuis plusieurs mois, à savoir que la dictature théocratique est au bout du rouleau et qu’elle ne résistera pas à la nouvelle salve de sanctions décidée par les Américains.

 

Connaître de ce qu’avant même l’initialisation desdites sanctions, la quasi-totalité des entreprises occidentales a quitté la République Islamique, y compris les firmes françaises, à l’exception notoire de Renault. L’ex-Régie Renault, puis "société à capitaux d’Etat", dans laquelle l’Etat français demeure le plus gros actionnaire unique avec ses 15.1% du capital et une bonne part du noyau dur de l’actionnariat. Mais la raison pragmatique du maintien de la marque française au pays des bourreaux chiite se situe dans le fait que la société ne vend pratiquement pas de véhicules aux Etats-Unis, qui n’émergent pas parmi ses dix plus importants pays-clients. Elle ne craint pas ainsi les représailles économiques que Washington pourra décréter.

 

Il est objectivement difficile de saisir la raison pour laquelle les media parisiens et ceux du service public suivent le narratif officiel du régime, le protégeant ainsi face aux revendications de la population. Un régime ultra-autoritaire à fondement confessionnel radical face à une population très occidentalisée, aux aspirations démocratiques et laïques.

 

Lorsque l’on observe la place prise par les émeutes organisées par le Hamas à Gaza dans la presse de l’Hexagone, présente durant des semaines dans chaque JT, sur toutes les manchettes et dans toutes les émissions de débats, avec ses 2 à 30 000 participants suivant les jours, à la couverture des manifestations pacifiques de ces derniers jours à Téhéran et ses 500 000 participants, on se pose de vraies questions quant à l’état de l’information en France. [Vidéo : pas des miliciens islamiques qui veulent éradiquer Israël, des manifestants laïcs qui réclament la démocratie].

 

On constate aussi qu’aucun support mainstream n’a (à notre connaissance) fait état des cris d’ "Iran hors de Syrie !" et d’ "à mort Palestine !", scandés pourtant par l’ensemble de la foule. Cela fait pourtant partie de l’information, et aucun support médiatique digne de ce nom n’est censé agir en filtre de l’information. Les sites d’information et journaux de la communauté israélite française ont quant à eux correctement rapporté ces faits, ce qui élargit encore le fossé existant entre les Juifs et les media, l’intelligentsia et la sphère politique et gouvernementale français. [Vidéo : "A mort Palestine !"]

 

Pour en revenir à Ménashé Amir et à son émission, mentionnons qu’une partie de son intervention journalière est une ligne ouverte, que les Iraniens appellent grâce à un numéro de téléphone en Allemagne, sur laquelle les intervenants peuvent s’exprimer en totale liberté et aborder tous les sujets qui les intéressent, y compris ceux hostiles à Israël.

 

L’une des deux considérations m’ayant amené à la rédaction de ce papier est bien sûr la vague de protestations qui enflamme la rue téhéranaise. L’autre est l’observation des matches disputés par l’équipe nationale iranienne de football en Russie.

 

Avec, en préambule, la constatation que la sélection nationale iranienne a présenté d’excellentes prestations sur la pelouse, s’illustrant par son intelligence tactique, son exceptionnelle volonté de réussir, de même que sa technique collective et individuelle. Elle est passée très près d’une qualification sensationnelle, partageant notamment l’enjeu avec le Portugal, l’un des favoris du Mondial. Sans plusieurs interventions absconses de Molière, je veux dire de l’AVAR, le système d’assistance à distance à l’arbitrage, les valeureux Iraniens auraient pu accéder aux phases finales. En tout état de cause une constatation footballistique objective s’impose : ces joueurs surpassent de la tête, des jambes et des épaules notre Nivkhéret nationale.

 

Une autre constatation a marqué mon esprit : dans les tribunes, on a vu le vrai visage de l’Iran ; celui qui s’exprime lorsqu’il n’est pas soumis à la répression implacable des mollahs. Je n’ai pas vu une seule femme entchadorée parmi les dizaines de milliers de supporters iraniennes. Mais au contraire, de belles femmes à la mode européenne, souriantes aux attributs bigarrés ; dire qu’à la maison, les femmes ont l’interdiction absolue d’assister à une rencontre sportive masculine ! Dire qu’une chemise échancrée ou une tête découverte y sont sanctionnées par une amende, des brimades et même des molestations de la part des Basij, les S.A Sturmabteilung du régime ! Nul doute que Khameneï ne doit pas aimer le foot, et que les Iraniens ont apprécié de se voir si libres sur le petit écran. [Vidéo : les Iraniens en train de détruire les motos des Basij à Téhéran].

 

Hors du terrain, chaque rencontre entre les tifosi iraniens et les fans de foot israéliens, nombreux à suivre le Mondial en Russie, s’est soldée par une fraternisation et des photos de groupe avec les deux drapeaux nationaux.

 

Cette belle amitié a plusieurs origines. La première est que les Perses gardent un excellent souvenir de la période de l’idylle sous le Shah, lorsque les deux pays formaient la plus solide des alliances stratégiques de tout le Moyen-Orient. Les coopérants israéliens étaient massivement présents en Iran et ils ont largement participé au développement industriel, médical et agricole de ce pays, au point que certaines de leurs réalisations subsistent et qu’ils ont laissé une empreinte mémorable dans l’inconscient collectif.

 

L’autre raison de cette amitié participe du fait qu’Israël est l’adversaire le plus déterminé et aussi le plus efficace du régime, que la population déteste et qui l’opprime.

 

C’est le principe d’exemplarité : Israël est l’exemple démontrant qu’il est possible de faire échec à la junte théocratique et de la faire reculer. Le miroir qui reflète l’image d’un régime pas si puissant que cela, qu’à force de détermination, il est loisible de défaire.

 

En Europe et en Israël, les faits d’actualité se succèdent à une vitesse à peine croyable. Un attentat ayant causé la mort d’une centaine de personnes ne fait les gros titres que pendant deux jours, avant qu’un autre évènement le précipite dans les oubliettes de l’info. En Iran, les évènements réjouissants ne sont pas nombreux et ils occupent les esprits beaucoup plus longtemps. A l’instar des raids à répétition du Khe’l Avir [l’Aviation Israélienne] qui ont mis à genoux les Gardiens de la Révolution – une autre entité haïe par la population -  l’obligeant à entamer leur retraite de Syrie. Hormis cette haine, le maintien de l’important contingent de Pasdaran en Syrie coûte extrêmement cher, et la population exsangue s’oppose désormais à l’aventurisme militaire du régime, clamant, lors des manifestations en cours, que le gouvernement doit améliorer avant tout la situation des Iraniens.

 

Mais un ami iranien me l’a rappelé hier soir, l’opération israélienne qui a le plus impacté l’imaginaire des Iraniens, c’est la façon dont le Mossad a déménagé la littérature nucléaire du régime, dans son site le plus protégé, en plein cœur de Téhéran. Cette opération, m’assure cet ami, a ridiculisé les ayatollahs, incapables de fournir la moindre explication sensée, et ostensiblement touchés par cet impair.

 

Or ce déshonneur  - le régime cultive plus que tout l’image de son invincibilité, de sa force et de l’honneur national -, a évidemment rempli les Iraniens de bonheur et leur a donné de l’espoir. Sans compter, comme le relève le même interlocuteur, que ce hold-up, sans précédent  dans l’histoire de l’espionnage, a donné à la population l’impression diffuse que "les Israéliens sont là, qu’ils voient tout ce qui se passe, qu’ils vont l’aider et qu’ils sont tout puissants".

 

Même si ces sentiments sont largement exagérés et subjectifs, ils encouragent assurément les Iraniens à se débarrasser de la junte des enturbannés, l’élément émotionnel jouant un rôle prédominant dans les situations de ce genre. Ca n’est certainement pas l’élément unique qui va détrôner Khameneï, mais il y participe. D’autre part, gageons que le Mossad ne rencontre plus aucun problème pour recruter des agents, que ce soit dans la sphère publique ou militaire.

 

Concluons en mentionnant que les deux peuples partagent bien des valeurs communes, et que les Perses admirent l’ouverture, la démocratie et la modernité du système israélien. Un système dont ils reçoivent un échantillon chaque soir par l’intermédiaire de Ménashé Amir. Et ce qu’ils entendent leur plaît.

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