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De Meknès à Tel-Aviv. Saga familiale. Soirée mémorable à l’hôtel. Blek et Surnoms.

 

INTRODUCTION. Lors d’une belle soirée qui a eu lieu en juillet à Tel-Aviv dans un grand hôtel sur le front de mer, la famille Assayah a organisé une fête pour célébrer l’anniversaire d’un des 5 frères. Durant la soirée des discours ont été prononcés. Beaucoup d’éloquence. Des textes pertinents et chaleureux. Plus de 30 personnes incluant frères, enfants, belles-sœurs, des amis…

Fête « normale ». Bizarrement, nous n’avons jamais célébré d’anniversaires dans la famille dans notre enfance. Le premier souvenir d’un cadeau reçu durant mon premier anniversaire fêté a été un sac de billes que j’ai du partagé avec Robert…

Notre plus beau jouet d’enfance a été une carriole en bois construite par mes frères pour descendre à toute vitesse les rues de Meknès. Le bois provenait des caisses que  l’épicier nous avait offert. Nous avons aussi reçu des ballons de foot.

CADEAUX. Robert a offert un superbe ensemble Montblanc au héros de la soirée. A propos de Montblanc connaissez vous cette vieille histoire?

« Lors d’un séjour en Arabie dans les années 1970, je rentre dans une boutique à Djedah, comme il me restait une poignée de dollars sur mes frais de mission, je me suis dit qu’il était temps que je m’offre un stylo Montblanc. Je pose la question au vendeur, il bafouille, me dit qu’il ne voit pas de quoi je parle, j’insiste, car la boutique vendait tous les stylos du monde, devant mon insistance, il s’éclipse et revient avec le patron… Ce dernier aussi gêné que son employé me dit : « La petite étoile blanche qu’on voit sur le capuchon, c’est l’étoile de David. Montblanc c’est juif et nous on ne vend pas de stylo juif ». En 2018, cette histoire est obsolète. Les relations entre Israël et l’Arabie Saoudite sont bonnes. (Il est possible d’acheter un Montblanc à Djeddah).

Raphaël a déniché aux puces une bande dessinée « Blek le Roc » qu’il a offerte. Une collection qui a marqué notre jeunesse et que nous lisions à tour de rôle. David en n°1, Raphaël, Dan…. Il fallait respecter cet ordre de lecture sous peine… d’un éventuel coup de poing en pleine figure pour le récalcitrant (souvent moi!).

Blek le Roc, est un personnage de bande dessinée créé en Italie qui nous a fait rêver. Le héros est un trappeur américain d’origine bretonne qui participe à la guerre d’indépendance américaine contre les troupes anglaises (surnommées les «homards rouges»). Il est accompagné dans ses aventures par le jeune Roddy (que nous adorions) et l’érudit professeur Occultis, qui se révèle au fil des aventures aussi gourmand que machiavélique toujours prêt à bluffer l’ennemi. Quant au jeune Roddy, il semble au moins autant influencé par la personnalité d’Occultis que par l’héroïsme de Blek.

Le héros dela soirée n’est pas superstitieux. Très cartésien. J’avais pourtant sélectionné pour lui un cadeau-symbole qui m’a semblé adapté à notre histoire familiale et acheté au Musée Eretz Israel, à deux pas de l’Université de Tel-Aviv. Il s’agit d’une belle « Khamsa »  en cristal.

La Khamsa est une « main protectrice » ou de « main de Dieu ». Certains associent la signification des cinq doigts aux cinq livres de la Torah. Elle est un symbole protecteur utilisée comme amulette, talisman et bijoupour se protéger contre le mauvais œil, « Ayin Hara » en hébreu.

Cette main-talisman m’a fait penser à Réna Azogui, ma grand-mère paternelle qui a vécu au Mellah de Meknès, et qui repose au cimetière d’Ashkélone. Elle était une véritable experte pour protéger la famille du Ayin Hara. Elle me faisait souvent penser à une sorcière assez sympa. Elle nous préparait de temps à autre une potion magique. Avec lenteur, autour d’un réchaud posé au sol spécial elle brulait, lors d’une cérémonie très codifiée, « la pierre d’alun ». Elle prononçait des phrases incompréhensibles (un mélange d’arabe, espagnol et hébreu) lors de cette étrange cérémonie.

La pierre est de couleur givre, translucide, d’une saveur astringente, formé d’acide sulfurique, d’alumine et de sulfate de potasse. Sous la flamme, a un moment donné, un oeil semblait apparaître venant de la pierre d’alun. Elle m’a un jour obligé à boire un verre d’eau tiède contenant des grains de poussière venant de cette pierre brulée. Ma propre mère a suivi cette tradition ancestrale.

Ma grand-mère Réna tentait de nous protéger ainsi de tous les malheurs du monde. « Le mauvais œil est le pouvoir supposé que possède le regard d’une personne. Il symbolise le regard envieux ou jaloux des autres. La croyance populaire veut que ce regard provoque divers malheurs ».

Ma grand-mère ne parlait pas le Français. Nous parlions ensemble l’arabe marocain (pas plus de quelques mots pour moi). Elle portait toujours un voile de couleur sombre qui couvrait ses cheveux gris-blancs. Pour les fêtes son voile changeait et était magnifique.

La tradition rabbinique a établi un code de «modestie» qui impose aux femmes mariées le port d’un couvre-chef. Ceci était le cas pour ma grand-mère Réna. Aujourd’hui, certaines femmes se contentent de se couvrir à la synagogue. D’autres mettent un foulard lors qu’elles sont en compagnie. La majorité des femmes juives orthodoxes portent une perruque.

RETOUR A L’HOTEL HERODS. Dans l’un des exposés David a parlé de l’importance des surnoms dans la tradition juive et familiale. « Fanfan », « Caillou », « Aiguille », « Dan Dan », « RoRo », « Dédé »… Chacun des surnoms a été collé au front de chacun des frères durant des années. Puis un jour… l’oubli!

« Riches d’une tendresse transgénérationnelle, les surnoms se transmettent. C’est un signe d’appartenance, un « petit secret » ; certains adultes continuent à porter avec plaisir, dans le cercle familial, le petit nom de leur enfance ».

Nous avions autour de nous une amie qui ignorait certainement son surnom que nous prononcions en secret : « Jambes d’Hollywood ». Dans notre jeunesse à Annecy nous avons ainsi connu « Chapinette », « Loulou », « Bélier », « Autruche »…

Chacun d’entre eux possédait un surnom indélébile. Un vrai Totem. Moi-même je me suis auto-baptisé Daninosos, un nom de magicien inventé un soir d’été dans un camps de jeunes du DEJJ, un jour où j’ai pu mener avec succès des séances d’hypnoses collectives!

Tout le monde a ses petits noms, et c’est le cas dans notre famille : les noms civils qu’on ne veut pas dire, les noms des délires avec ses copains, les petits surnoms des parents et grands parents et bien sur son nom usuel.

La valeur du surnom est expliqué par un grand poète africain : « J’avais remarqué que la plupart des gens avaient un surnom dans ce quartier et c’est vrai qu’à une certaine époque c’était véritablement un jeu de parler de quelqu’un à qui on avait attribué un surnom sans qu’il ne le sache lui-même. Et puis même s’il le savait, cela ne changeait rien au fait qu’on l’appelait ainsi parce que malencontreusement une anecdote avait fait que l’on vous attribuât ce surnom.

Et puis lorsque j’ai commencé mon « enquête » je fus surpris du nombre de gens comportant des surnoms dans le quartier aussi bien parmi les plus âgés que parmi les plus jeunes. Mon ouvrage comporte 640 surnoms et beaucoup de gens m’ont dit qu’il en manquait autant car eux connaissaient et pas moi, car j’étais moins âgé. Mais incontestablement le plus intéressant c’est le contexte dans lequel est né le surnom qui recèle toute une poésie et une créativité ».

Dans son livre « Futebol, a Brazilian way of life », le journaliste anglais Alex Bellos met le doigt sur cette spécificité. Pour lui, la pratique du surnom traduit ici un état d’esprit, une culture solidement ancrée. Presque un art de vivre. « Au Brésil, le surnom reflète la culture orale et informelle qui est ici la norme« , explique-t-il. Cette familiarité n’est pas une marque d’irrespect, mais de chaleur. Personne n’appelle personne par ce que nous appelons nous le « nom de famille ». Ici, tout le monde s’appelle par son prénom. Voire, donc, par son surnom ».

La tradition familiale de surnoms existe chez les Assayah. Elle se perpétue dans l’Etat hébreu, là où la famille a mis un pied dans les années 1960. C’est un cousin du nom de « Yvou » qui est en première place sur le podium des surnoms. En fait personne ne connait son vrai prénom! Une cousine vivant dans un quartier religieux de Tel-Aviv a été nommée : « Big Nose ». Des surnoms que j’ai rassemblé en vrac : Kobi, Johny, Youvallouche, Féféle, Elka, YoYo, Momo …

« En Israël,  les Israéliens adorent donner des surnoms à leurs hommes politiques. Ils les puisent généralement dans le fonds inépuisable d’anecdotes sur l’enfance de leurs leaders. C’est ainsi que Benyamin Netanyahou, que ses frères avaient surnommé « Bibi » quand il était encore sur les bancs de l’école, le reste aujourd’hui. Tout comme l’ex-chef de l’opposition travailliste, Yitzhak Herzog, n’est jamais arrivé à se défaire d’un « Bougi » que lui chantait sa maman… »

En Israël tout le monde connait « Fouad » : « C’est l’une des grandes figures de la vie politique israélienne qui est décédée. Benyamin Ben Eliezer, ancien ministre de la Défense d’Ariel Sharon, est mort à l’âge de 80 ans. « Fouad » – un surnom avait contribué à populariser – a bâti sa longue carrière au sein du parti travailliste, occupant des fonctions politiques de plus en prestigieuses. »

Un article publié dans une revue : « Bouji, Bibi, Moumi, Bogie… Je vous donne les surnoms attribués à des personnalités et des politiciens israéliens. Il est d’usage, en Terre Sainte, d’entendre dans des conversations qui n’ont rien de frivole ou de lire dans des articles très sérieux sur la politique des phrases telles que : «Le vice procureur Shlomo (Moumi) Lemberger a insisté sur ce point dans une lettre adressée récemment aux enquêteurs en chef et aux procureurs généraux».

Finissons ce paragraphe sur un mode juif. « Rabbi Yéhouda Halévy explique que la grande particularité que possède l’être humain est le koa’h hadibour, la force de la parole. Cette force de parole est aussi cette capacité qu’a l’être humain de nommer les choses.

Une partie de la mitsva de la brit mila est celle de donner un nom au nouveau né le nom par lequel il sera appelé au sein du Am Israël. Pour les filles, le nom est donné lors d’une alyah à la Torah. Dans les deux cas, un texte est récité dans lequel on dit : « Et son nom sera appelé en Israël untel fils d’untel » Si l’on regarde dans notre massoret, tradition, on peut se rendre compte que les noms ont une signification toute particulière. Les noms dans le Judaïsme sont d’abord porteurs d’un message : très souvent les personnages de la Thora reçoivent leurs noms pour des raisons bien précises et non pas parce que le nom « sonne bien ». »

Dan Assayah

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