SEINE-SAINT-DENIS : NOUVEAU LABORATOIRE IDÉOLOGIQUE DE L’ANTISÉMITISME DÉCOMPLEXÉ
Selon le professeur d'histoire Kevin Bossuet, la Seine-Saint-Denis est aujourd'hui devenue le laboratoire idéologique du “nouvel antisémitisme”.
Alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Seine-Saint-Denis est progressivement devenue une terre d’asile pour un bon nombre de familles juives venues principalement du nord de l’Afrique, elle s’est aujourd’hui, pour nos compatriotes juifs, très largement transformée en un territoire hostile. En effet, on ne compte plus le nombre d’actes antisémites qui ont, dans ce département, récemment fait la une de l’actualité. Il faut dire que l’arrivée massive d’une population en provenance du monde arabo-musulman, que la France n’a en partie pas su correctement assimiler, aura été pour un certain nombre de juifs le début d’une longue descente aux enfers dont beaucoup ont réussi à se sortir en s’exilant. Nous sommes ici bien loin des contes pour enfants que nous narraient jadis les partisans du multiculturalisme et du sans-frontiérisme au sein d’associations ou de partis politiques tels que le Parti Socialiste ou SOS Racisme.
Au cours de ces dernières années, les vagues migratoires ont été telles que l’islam est aujourd’hui devenu la première religion de la Seine-Saint-Denis. Déjà en 2009, les démographes Michèle Tribalat et Bernard Aubry avaient démontré que dans le 93, les jeunes de moins de 18 ans originaires du Maghreb, et donc pour la plupart musulmans, représentaient 39,2% du total des jeunes du département, et ceux en provenance du reste de l’Afrique 28,4 %. En janvier 2015, c’était au tour de Philippe Galli, alors préfet, d’estimer à 700 000 le nombre de personnes de confession musulmane sur ce territoire dont il avait la charge, soit 45% de la population totale. Sont-ils davantage, sont-ils moins nombreux ? Personne ne le sait vraiment dans la mesure où nous n’avons pas les outils juridiques et statistiques pour appréhender avec exactitude ce chiffre. Quoi qu’il en soit, pour l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, l’UAM 93, cela ne fait aucun doute : la population musulmane est majoritaire en Seine-Saint-Denis. Le recensement des lieux de culte vient d’ailleurs conforter cette idée. Alors qu’on évalue, sur ce territoire, à 160 le nombre de lieux de culte musulmans, le nombre des lieux de culte chrétiens est estimé quant à lui à 120 environ, et celui des lieux de culte juifs aux alentours de 35.
Stratégie de l'entrisme et complaisance des élus locaux
Ce regroupement massif dans un même espace de populations partageant la même religion et la même culture d’origine a naturellement débouché sur le développement de revendications communautaires et de dérives religieuses qui ont transformé tout un département en succursale de l’islam identitaire. Il n’est effectivement pas anodin de noter que sont par exemple présents dans ce département de nombreux collèges et lycées privés musulmans ainsi que d’innombrables centres coraniques au sein desquels l’enseignement contredit souvent les fondements et les valeurs de la République. En 2014, une fédération nationale de l’enseignement privé musulman, la FNEM, a même été créée à Bagnolet. En outre, on ne compte plus la place scandaleusement prépondérante que prennent les organisations religieuses. L’UOI, par exemple, récemment rebaptisée Musulmans de France et qui est très proche des Frères Musulmans, rassemble plus de 200 associations et organise tous les ans au Bourget la « Rencontre annuelle des musulmans de France ». Cette fête, qui est surnommée la « fête de l’Humanité islamique », regroupe des espaces de débat, des lieux de prière et une « foire musulmane » avec son lot de lieux de vente de produits halal, d’agences de voyages proposant des pèlerinages à La Mecque, ou encore d’associations finançant la création d’écoles coraniques ou la construction de mosquées. Tout est fait pour que chaque fidèle puisse trouver le moyen d’affirmer au quotidien son identité musulmane. De plus, le halal, qui constitue un marqueur identitaire extrêmement puissant, est très présent en Seine-Saint-Denis. En effet, dans près de 25% des communes, les boucheries halal représentent environ 60% de la totalité des boucheries. C’est bien ici une culture et une identité aux antipodes du mode de vie à la française qui ont vu progressivement le jour et qui structurent la vie quotidienne de milliers de nos concitoyens.
Il est par conséquent logique que le 9-3, comme on le surnomme souvent, soit devenu la proie et la courroie de transmission des militants de l’islam politique qui n’hésitent pas, en investissant les mosquées, les associations de quartier, les universités, les partis politiques, les clubs de football ou encore les collectivités locales à prôner les valeurs et les théories de l’islam radical. Cette stratégie de l’entrisme ne serait pas aussi porteuse et efficace si elle ne donnait pas lieu à une complaisance plus ou moins active de la part d’un bon nombre d’élus locaux qui voient là un bon moyen d’asseoir ou d’intensifier leur assise électorale.
En effet, par exemple, l’Union des Associations Musulmanes de Seine-Saint-Denis, l’UAM 93, seule association musulmane en France se revendiquant d’un département, est aujourd’hui devenue un interlocuteur de taille entre la population musulmane et les élus locaux. En 2012, Elisabeth Pochon, qui était alors candidate PS à la députation, n’a pas hésité à remercier l’UAM 93 « d’être le lien entre nous tous », c’est-à-dire entre les musulmans et elle. Le but de cette association est d’abord et avant tout de promouvoir l’islam confessionnel et de véhiculer ses valeurs dans le débat public, et plus particulièrement auprès des grands décideurs et des élus locaux. Elle promeut notamment des projets comme la construction de mosquées ou d’écoles islamiques, et milite contre la législation sur le port du voile ou encore contre l’islamophobie. Et pour se faire entendre, elle n’hésite pas à faire pression sur les élus de la République en leur faisant bien comprendre que s’ils ne répondent pas favorablement à ses revendications, elle fera tout pour les faire battre aux prochaines élections.
En 2008, la mairie communiste de Stains fait de Marwan Barghouti, un chef militaire palestinien, un « citoyen d’honneur »
On comprend alors mieux pourquoi certains élus, le plus souvent de gauche et d’extrême gauche, par pur électoralisme et clientélisme, n’hésitent pas à reprendre en partie le discours des militants de l’islam radical et à sombrer régulièrement dans l’antisionisme afin de plaire aux lobbies musulmans. Dénigrer et diaboliser Israël, et à travers lui les Juifs dans leur ensemble, est donc devenu en Seine-Saint-Denis le sport favori des islamistes et de beaucoup d’élus locaux surtout classés à gauche et à l’extrême gauche. En 2008, la mairie communiste de Stains a même été jusqu’à faire de Marwan Barghouti, un chef militaire palestinien, un « citoyen d’honneur » de la commune. Beaucoup d’élus n’hésitent d’ailleurs pas à faciliter, comme à Saint-Denis, l’organisation dans leur ville de manifestations pro-palestiniennes. Cet antisionisme sans cesse répété et ressassé, et qui n’est en fait que le faux-nez d’un antisémitisme dévoyé, est assurément à l’origine de la haine antijuive qui a déjà, depuis plusieurs années, contaminé la Seine-Saint-Denis.
Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que les juifs de ce département soient régulièrement la cible d’injures et d’agressions antisémites. L’agression et la séquestration d’une famille juive à Livry-Gargan, en septembre 2017, motivées explicitement par l’appartenance religieuse et communautaire de cette dernière, a permis de révéler au grand jour le sort de nombreux juifs de Seine-Saint-Denis. « Vous êtes juifs, donc vous avez l’argent », voilà ce que les agresseurs ont crié en entrant dans le logis familial. Violentés, ligotés, menacés avec un couteau et un tournevis, voilà le sort qui a été réservé aux membres de cette famille juive. Martyrisés car juifs, bienvenue dans le monde infâme et sordide des bourreaux antisémites !
Face à ce torrent de violence et de haine, de plus en plus de familles juives, ne se sentant tout simplement plus en sécurité, font le choix de déménager afin de se protéger des injures et des agressions. Alain Benhamou, par exemple, après avoir passé plus de 40 ans à Bondy, et après avoir retrouvé son logement cambriolé et recouvert de tags antisémites, a décidé de partir. Judith, quant à elle, après que son fils ait eu à subir le fiel des tortionnaires antisémites, a décidé de quitter sa résidence d’Aubervilliers pour se réfugier dans les Hauts-de-Seine.
« En quinze ans, les effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes de Seine-Saint-Denis »
Comme l’affirme le directeur du département opinion de l’Ifop, Jérôme Fourquet, ces cas sont loin d’être marginaux : « en Ile-de-France, sur une quinzaine d'années, des effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes de Seine-Saint-Denis. » « À Aulnay-sous-Bois, le nombre de familles de confession juive est ainsi passé de 600 à 100, au Blanc-Mesnil de 300 à 100, à Clichy-sous-Bois de 400 à 80, et à La Courneuve de 300 à 80 » révèle-t-il dans son livre L'An prochain à Jérusalem en se basant sur les données des associations juives. Sammy Ghozlan, le président du Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme (BNVCA) va lui aussi dans le même sens en affirmant qu’il ne compte plus « le nombre de familles qui ont quitté la Seine-Saint-Denis pour s’installer à Paris ou dans les Hauts-de-Seine quitte à avoir un appartement plus petit et à se serrer la ceinture. » C’est effectivement principalement dans Paris (notamment dans le Marais et le 17e arrondissement), ainsi que dans l’Ouest parisien, que ces nouveaux martyrs du mal antisémite trouvent le plus souvent refuge.
Face à cet épouvantable constat, qu’attendons-nous pour agir ? Est-il normal que nos compatriotes juifs en soient à devoir déménager pour se protéger de l’antisémitisme qui est devenu en Seine-Saint-Denis un vrai fléau départemental ? Est-il acceptable que des familles juives soient contraintes d’éviter de mettre leurs enfants dans les établissements scolaires publics du 93 pour se prémunir des moqueries, des insultes et des agressions ? Est-il admissible, comme le rappelle l’historien Georges Bensoussan, que la Seine-Saint-Denis ait perdu 80% de sa population juive en seulement quinze ans ? Evidemment que non !
Ce « nouvel antisémitisme » qui n’a rien de nouveau d’ailleurs tant il structure la Seine-Saint-Denis, et plus largement les banlieues françaises, depuis au moins deux décennies, est en train de transformer la France, qui a pendant longtemps été pour les juifs une terre d’asile, en une véritable terre d’exil. En 2016, ce sont près de 5 000 juifs qui ont quitté la France pour Israël. En 2015, ils étaient près de 8000 ! Quand allons-nous mettre fin à ce phénomène ? Quand allons-nous, par peur de stigmatiser une partie de nos compatriotes musulmans, en finir avec cette complaisance coupable à l’égard de l’islam radical qui transforme tous les jours nos compatriotes juifs en mécréants à combattre et à abattre ? Quand allons-nous désigner clairement les auteurs de ces agressions et de ces crimes antisémites qui ne sont rien d’autres que des islamistes en provenance du monde arabo-musulman s’appuyant sur un antisionisme effréné qui trouve largement écho à gauche et à l’extrême gauche et dans une partie de la communauté musulmane ?
Dans certains quartiers, la loi coranique tend à remplacer peu à peu celle de la République
D’après une étude de la Fondation pour l’innovation politique, publiée en septembre 2017, sur les violences antisémites en Europe, la France, qui compte la plus importante communauté juive d’Europe, connaît aussi le plus d’incidents violents, estimés à 4092 sur la période 2005-2015. Les juifs qui représentent moins de 1% de la population totale française focalisent à eux seuls la moitié des actes racistes. La situation est par conséquent suffisamment grave pour que les pouvoirs publics décident de s’emparer du problème à bras-le-corps. La communauté juive attend désormais plus que des discours mielleux et compatissants ; elle attend de vrais actes susceptibles d’enrayer purement et simplement ce phénomène ! Il n’est effectivement pas normal, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, que les pouvoirs publics abandonnent certaines familles juives à leur triste sort, plutôt que de risquer de déclencher de vives tensions. Il n’est en effet pas admissible que dans certains quartiers, la loi coranique tend à remplacer peu à peu celle de la République. C’est bien de cette funeste abnégation qu’est née, pour la communauté juive, une effroyable persécution !
Alors oui, il serait peut-être temps de se réveiller et d’agir en faisant en sorte que la lutte contre l’antisémitisme redevienne en France une priorité nationale ! Alors oui, il serait peut-être temps de sortir de notre torpeur coupable et dévastatrice pour réaffirmer, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, les principes et les valeurs de la République ! Car, soyons-en convaincus, la France, fille ainée de l’Eglise, n’a ni pour vocation de devenir la cousine zélée de l’islam politique, ni pour dessein de devenir le nouveau théâtre de l’antisémitisme contemporain.
Source : Valeurs actuelles