Hommage à Carlo Bengio, par Bob Ore Abitbol
“Il est un goût pur dans l’amitié où ne peuvent accéder ceux qui sont nés médiocres”
André Malraux
J’aime Carlo Bengio, j’ai toujours aimé Carlo Bengio,
J’aimais sa famille: Sa mère d’abord qui s’occupait de “La goutte de lait” au Maroc, œuvre de charité notoire dirigée par elle de main de maître, servant indifféremment Juifs et Musulmans!
Elle m’avait sacré et consacré “ Plus beau bébé de Casablanca” titre que je revendique aujourd’hui que vous le vouliez ou non!
J’ai aimé sa sœur Flore qui a été ma première chef scout quand j’étais louveteau, guidant mes premiers pas d’aventurier que je devenu plus tard à mon corps défendant.
J’ai aimé son frère “ Berger” le grand “Berger” mon chef scout lorsque j’étais le plus jeune “Eclaireur du Maroc", mascotte officielle de la Troupe “Fleg” et bien sûr, j’aimais particulièrement Serval qui était le nom de totem de Carlo Bengio.
C’est lui d’ailleurs qui m’a donné le goût du théâtre et de l’écriture! S’occupant du département de la Culture au sein de notre troupe. Il avait présenté un spectacle magnifique, magique, étonnant.
Tellement en avance sur son temps au “Centre Charles Netter” qui m’avait fasciné et qui est resté encore aujourd’hui très fort et intact dans ma mémoire.
Merveilleuse expérience novatrice et transformative! Déjà il inventait le futur!
Il ne devait pas avoir plus de 20 ans lorsqu’il avait monté ce spectacle extraordinaire qui m’avait frappé au delà du raisonnable. Déjà il inventait le futur!
C’était un créateur, un créatif permanent, un génie qui refusait de reconnaître lui-même son propre génie.
Il pensait à tort qu’il était fait pour le petit pain comme disent les Québécois.
Vagabond de la lumière, acteur, metteur en scène, scénariste, poète de la vie il aurait pu aller loin, bien plus loin! Il ne la ni voulu, ni chercher!
Je suis fier et heureux qu’Il ait lui, et personne d’autre, monté toutes mes pièces sans exception. Quelle chance!
Après l’écran humain, spectacle inouï où il a participé avec son ami de longue date Paul St Jean et Celia sa femme à l’époque, c’est lui qui a crée ici à Montréal, une troupe de théâtre Sepharade et qu’il soit devenu, à juste titre, le père de ce genre de théâtre dans cette ville cosmopolite.
Ceci dit
Il refusait tout
Il refusait la gloire, la notoriété, la richesse, les honneurs.
Il voulait vivre le moment, en loup solitaire qu’il était et qu’il a toujours été.
Il semble qu’il n’avait besoin de rien.
je dirai cependant que malgré son caractère entier, sans compromis parfois, irascible lorsqu’il le voulait, il n’avait que des amis et des admirateurs partout!
Parce qu’il était pur!
Pur en lui-même et pour les autres.
Malgré sa grande intelligence et son érudition, il avait une espèce de candeur, de réserve, de modestie.
Se faufilant comme une ombre, riant aux éclats et faisant un pied de nez gigantesque en passant à l’univers tout entier!
Est-ce étonnant que lui et sa femme Celia aient engendré une progéniture hors du commun: Ses deux enfants Yoshua et Samy: deux génies qui transforment notre univers et qui sont reconnus partout dans le monde entier comme les pionniers de l’intelligence artificielle.
Et pourquoi je ne suis pas étonné outre-mesure qu’ils soient ses enfants à lui et à sa femme en particulier et à personne d’autre?
Il portait l’amitié très haut comme quelque chose d’honorable, de méritoire comme un flambeau, comme un oriflamme à la manière des Valeureux.
Il était d’ailleurs comme l’un ou l’autre des personnages clefs d’Albert Cohen: Solal et Mangeclous à la fois!
Un jour il a décidé de rejoindre les étoiles
C’est son droit et c’est ce qu’il voulait
Discret jusqu’au dernier moment
Poétique jusqu’au bout
Voulant se fondre à la matière
Devenant la matière, se mêlant à elle jusqu’à devenir fleur, arbre, océan!
Les rivières se séparent, se raccordent,
Se perdent, se retrouvent, se découvrent
S’inventent, se réinventent,
Se mêlent, se démêlent.
Toi, tu étais au milieu de partout et de nulle part, attendant l’heure de t’inventer, de te réinventer?
D’où venais-tu?
Que cherchais-tu?
Je me le suis toujours demandé
La lumière ?
La vérité?
Le pardon?
La grandeur?
Le salut?
L’aventure?
C’était quoi ton secret? C’etait quoi ton secret Carlo Bengio?
Après tant d’années, je te pardonne de m’avoir caché la vérité
Mais je le sais à présent:
Tu es un extra-terrestre venu sur terre pour changer le monde et tu vois tu l’as réalisé à travers toi et tes enfants!
Tu étais un humaniste exigeant envers toi comme envers les autres. Tu croyais en l’amitié mais celle de la plus haute qualité possible et seulement celle-là : Celle qui aime, qui ne juge pas, qui pardonne, qui ne pose pas de questions quand il ne le faut pas, qui est là contre vents et marrées. Surtout conte vents et marrées ! qui est loyale, qui est absolue, qui est constante, qui n’a pas peur de dire la vérité ni de la cacher. Qui ne pleure pas, qui ne se plaint pas, qui est noble, joyeuse, altruiste, généreuse!
L’amitié, plus exigeante et plus douce que l’amour parfois en tous cas, plus constante!
Tu etais un équilibriste, un funambule, un magicien du geste, du verbe et de la lumière! Tu faisais danser cette lumière comme si c’était une ballerine, une danseuse étoile, lui faisant faire des pointes, des grands écarts, des pas de deux. Totalement lumineux!
Gene Kelly et Debbie Reynold
Fred Astaire et Ginger Rodger
Carlo et Bengio
Je ne te connaissais pas si bien au fond même si je te connais depuis toujours.
Je crois cependant deviner ton secret : Dans un monde d’hypocrites, tu avais choisi une fois pour toutes la vérité, ta vérité!
Choix difficile, choix exigeant mais c’était comme ça et pas autrement!
Dans un monde où les hommes vivent en costume étriqué toi, tu voulais vivre en chemise ouverte: libre, sans contrainte, sans compromis, sans rien devoir à personne, vivant d’amour et d’eau fraîche, s’il le fallait.
Totalement désintéressé.
Tu veux que je te dise
Tu as réussi!
Contre toute attente
Tu as réussi!
Tu es parti comme tu as vécu, sans rien demander à personne, sans vouloir déranger qui que ce soit, comme une ombre, comme un nuage, comme une petite pluie fine sur le visage. Toi qui ne t’en doutais pas toi même, tu serais le premier surpris. tu es parti finalement rejoindre la lumière comme une étoile , comme un soleil!
Brûlant, chaud, radieux....
Complètement, totalement illuminé!
Bob Oré Abitbol