Maroc: un ministre interrogé par les islamistes sur la normalisation avec Israël
Le Parti de la justice et du développement entendait connaître "les mesures d'urgence qui seront prises pour lutter contre la normalisation avec l'ennemi sioniste"
Par TIMES OF ISRAEL STAFF
Le 13 mai dernier, les députés islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) ont interrogé le ministre de la Santé, Anas Doukkali, (Parti du progrès et du socialisme) au sujet de la normalisation avec Israël lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des représentants, a rapporté le site d’information marocain Le360.ma.
Interrogé sur la présence présumée dans le Royaume d’une société israélienne exerçant dans le domaine de soins dentaires, le ministre a nié toute normalisation des relations. Il a ensuite expliqué qu’avant de pouvoir vendre un produit, une société devait d’abord en obtenir l’autorisation. « Avant de commencer la distribution, les sociétés doivent déclarer à l’administration et établissent la relation directe la liant avec le fabricant. L’administration dispose de toutes les données et peut, après consultation, émettre un avis de réserve sur le pays d’origine », a-t-il déclaré.
Concernant l’entreprise visée par les députés du PJD, le ministre a expliqué que ses services avaient « conclu qu’elle était enregistrée avec une licence délivrée par une société allemande » et non israélienne.
Par cette prise de parole, le groupe de députés islamistes, présidé par Driss Azami, voulait connaître « les mesures d’urgence qui seront prises pour lutter contre la normalisation avec l’ennemi sioniste à travers le secteur de la santé », avait indiqué le site d’actualité de la Lampe. Cette même source ajoutait que le groupe avait « identifié de graves opérations d’infiltration et de normalisation avec l’ennemi sioniste, à travers la présence de produits et de représentants d’une société ‘israélienne’ qui sillonnent le Maroc grâce à la médiation d’un ‘dentiste’ marocain ».
« Cette opération constitue un précédent dangereux et soulève des doutes quant à la partie qui a autorisé une activité contraire à la politique marocaine de rejet de toute normalisation » avec Israël, avaient expliqué les députés du PJD.
Officiellement, Israël et le Maroc n’entretiennent pas de relations diplomatiques ou économiques et son gouvernement a toujours affirmé que le « boycott d’Israël est un principe ». En 2017, Mohammed VI avait même annulé sa participation à un sommet ouest-africain pour éviter Netanyahu.
Néanmoins, en janvier, selon des informations parues dans un média marocain, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu aurait cherché à organiser une visite d’Etat au Maroc juste avant que les Israéliens ne se rendent aux urnes.
Selon le site Le Desk, Mohammed VI aurait pu considérer que le développement de liens plus étroits avec l’Etat juif lui permettrait de faire une percée auprès de l’administration Trump – que le Maroc courtise pour obtenir son soutien sur la question du Sahara occidental, que la majorité de la communauté internationale considère comme étant un territoire occupé.
En novembre dernier, Bruce Maddy-Weitzman, expert en relations israélo-marocaines à l’université de Tel Aviv, interrogé par le site Middle East Eye, avait toutefois expliqué que « bien que les autorités marocaines minimisent tout lien, les échanges commerciaux dans l’agriculture, le domaine militaire et la technologie existent depuis des décennies, de même que les liens culturels et humains ».
Selon les données du Bureau central des statistiques israéliens, cité par le site marocain, « les échanges commerciaux entre le Maroc et Israël s’élèveraient à 149 millions de dollars entre 2014 et 2017 ».
Ainsi, le Maroc est le quatrième pays d’Afrique duquel Israël importe, et le premier pays du continent vers qui il investit.
Le site Tel Quel rapporte qu’en 2017, Netafim, leader incontournable du système israélien du goutte-à-goutte, a « créé une filiale de 2,9 millions de dollars au Maroc, créant ainsi 17 emplois ».
Le chercheur Bruce Maddy-Weitzman note que si « les relations économiques sont souvent difficiles à prouver » entre Israël et le Maroc c’est parce que « les accords de commerce et d’investissement sont soit maintenus sous silence, soit gérés par des intermédiaires ».
Fin 2017, au Parlement marocain, une proposition de loi criminalisant la normalisation avec Israël avait été « remise en avant », avait expliqué le site d’information marocain Ya Biladi.
Un bureau de liaison israélien avait été ouvert à Rabat en 1994, le Maroc ouvrant le sien à Tel Aviv en 1995, suite aux accords israélo-palestiniens d’Oslo.
En octobre 2000, le royaume a toutefois suspendu ses relations avec l’État hébreu pour protester contre « la politique répressive » du gouvernement israélien.
Estimée aujourd’hui à moins de 3.000 âmes, la communauté juive marocaine reste la plus importante du monde arabo-musulman. Le pays abrite le seul musée d’art et d’histoire hébraïque de la région, fondé en 1998 à Casablanca. Les touristes israéliens qui viennent sur les traces de leurs ancêtres sont les bienvenus.
Le Maroc a une position encore plus particulière puisque le préambule de sa constitution évoque son « affluent hébraïque », que des juifs marocains ont occupé des postes de ministres, et que Mohammed VI, comme son père avant lui, en compte un parmi ses conseillers – André Azoulay.
C’est sous l’impulsion royale qu’ont été menés ces dernières années des programmes de rénovation des cimetières juifs et des quartiers urbains où vivait autrefois cette communauté qui comptait 200.000 à 300.000 membres avant les vagues de départ liées à la création de l’Etat hébreu en 1948 puis à l’indépendance du pays en 1956.
L’AFP a contribué à cet article.