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David Ou Moshé ou les miracles du saint d’Agouim

 

Le village Agouim, situé à moins de 66 kilomètres au nord-ouest d’Ouarzazate doit sa célébrité à un saint juif. Rabbi David Vemoche, appelé David Ben Moshé ou encore David Ou Moshé par les habitants de cette localité, est né à Al Qods en Palestine. Les historiens ignorent sa date de naissance, ne disposant pas de son état civil. Tout ce que l’on sait, c’est que cet «enfant prodige avec des capacités morales et intellectuelles hors normes» avait effectué un voyage au Maroc, à une époque où la France coloniale avait déjà occupé l’Algérie et lorgnait le Maroc.

 

«On lui attribue tantôt des parents Ashkénazim tantôt des parents juifs marocains (Séfarades) vivant à Talpiot près de Jérusalem. Issu d’une famille riche et noble, son père était un grand homme, généreux qui n’avait pas d’enfant», raconte Léa Benhamou dans un récit relayé par le blog Juifs du Maroc après avoir effectué un périple pour visiter le sanctuaire de ce saint.

 

Un émissaire pour collecter l’argent des juifs marocains

Au cours d’un rêve, «on prédit alors à son père la naissance d’un fils Tsadik (un homme juste) qui s’appellerait David Vemoche suivant l’association de deux grands noms : Le Roi David et Moshe Rabénou». Les connaissances du jeune David dans la Torah, dans la Halakha et dans tous les domaines étaient alors multiples. Léa Benhamou décrit un homme «sage et charismatique» qui deviendra «un grand maître». Bon orateur, il est alors désigné pour se rendre au Maroc afin de «collecter de l’argent» destiné à aider les juifs pauvres et entretenir les écoles talmudiques.

 

«Il accepta avec entrain et soumission malgré les périls : navigation difficile dans des petits bateaux de fortune, mauvaise météo, fortes tempêtes, naufrage et nombreuses escales. Accompagné d’un étudiant de la Yeshiva, ils arrivèrent tant bien que mal dans le pays choisi par le port de Melilla.»

 

Il arrive ainsi dans le royaume à un moment où la communauté juive marocaine vivait aussi des moments difficiles. Elle y voit en lui un «sauveur». «Afin de tenter d’éviter la colonisation, le gouvernement marocain qui avait besoin d’argent le saisissait des juifs, très souvent avec cruauté», raconte-t-on sur le site dédié à la Hiloula de Rabbi David Ou Moshé. La même source indique que le saint juif était habitué à se rendre, les vendredis, dans les villages entourant Marrakech pour collecter des dons.

 

L’histoire raconte comment cet émissaire ne parviendra pas à achever sa mission car il décèdera à Agouim, laissant à son accompagnateur la mission de transporter l’argent collecté jusqu’à sa terre natale. «Lorsqu'il arriva avec son assistant à la maison du sage du village d’Agouim, afin de rapporter de l’argent pour les plus dépourvus vivant en Israël, on l'informa que de nombreux villageois (aussi bien juifs qu’arabes) étaient grièvement malades, et que certains d’entre eux mouraient des suites de cette maladie», poursuit-on de même source, qui évoque une maladie contagieuse. Rabbi David Ou Moshé, connu pour sa foi, implore alors Dieu pour guérir les villageois d’Agouim.

 

«Dieu de la miséricorde, moi qui suis venu à Agouim pour demander l’aumône afin de soutenir les pauvres d’Israël, je vois autour de moi des innocents mourir de maladie. J’accepte de donner mon âme et de rendre ma vie contre celle de tous ces villageois.»

 

 

Plusieurs légendes et une Hiloula célébrée au Maroc et ailleurs

C'est alors qu'une légende est née autour du décès de ce saint vénéré par les juifs et les musulmans du Maroc. Ainsi, après avoir prié Dieu, le saint juif se serait rendu au cimetière avec son compagnon. Auparavant, l’histoire transmise de génération en génération raconte que Rabbi David Ou Moshé aurait entendu une voix l’invitant à se sacrifier pour ce petit village, chose qu’il accepta. «Il s’assit et raconta à son compagnon ce qui allait se dérouler dans les heures à venir (…) Au même instant des anges descendirent du ciel, et un ruisseau jaillit de nulle part. Rabbi David Ou Moshé se dévêtit, se purifia, puis, vêtu d'une robe d’inhumation que les anges avaient déposée près de lui, se plaça dans sa tombe», déjà préconçue.

 

La légende raconte aussi comment «deux pierres énormes se soulevèrent une après l’autre, se posèrent l’une sur l’autre et fermèrent la tombe». Les juifs du village offrent alors l’hospitalité à l’accompagnateur du Rabbi et lui remettent l’argent promis.

 

La deuxième légende autour de la vie de ce Rabbi raconte comment un livre de la Torah, retrouvé sur la tombe de l’épouse d’un autre saint juif, est attribuable à David Ou Moshé et qu’il serait doté de «pouvoirs et des effets magiques».

 

De son côté, citant Issachar Ben-Ami et son ouvrage «Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc» (Editions Maisonneuve et Larose, 1990), le média Amazigh24 a recensé «plus de 170 contes et récits sur la vie de ce saint et sur les bienfaits dont il continue encore paraît-il aujourd’hui à faire bénéficier les Juifs et les Musulmans». Il revient notamment sur l’histoire d’un Amghar (chef amazigh) venu se réfugier près de la tombe de Rabbi David Ou Moshé car ses sujets voulaient le tuer et qui échappera finalement à une mort certaine, dédiant par la suite une offrande annuelle au saint juif.

 

«Sur le tombeau de David ou Moshé, les femmes laissent des pièces d’or sans surveillance. Personne n’ose y toucher pendant la nuit et la veille de la hillulah. La raison est que ces pièces absorbent la baraka du saint. On les reprend le lendemain et on les porte sur soi.»

 

Une des légendes liées à Rabbi David Ou Moshé

Les musulmans vénèrent aussi ce saint juif, l’appelant «Dawid Ou Moussi», allant jusqu’à lui dédier des animaux comme sacrifice, tous les ans comme les Juifs du Maroc. Ceux vivant loin et ne pouvant pas se déplacer au Maroc choisissent la Palestine pour effectuer leur pèlerinage. Ainsi, selon l’ouvrage «Tradition, Innovation, Conflict : Jewishness and Judaism in Contemporary Israel» (Editions Suny Press, 1991) de Zvi Sobel et Benjamin Beit-Hallahmi, c’est au cœur de la ville palestinienne Safed, aujourd’hui majoritairement peuplé par des juifs, qu’un certain Avraham a dédié en 1973 une pièce de sa maison à Rabbi David Ou Moshé avant que sa maison ne se transforme en deuxième sanctuaire du saint juif inhumé à Agouim.

 

La Hiloula de Rabbi David Ou Moshé est célébrée annuellement chaque premier du mois heshvan, deuxième mois du calendrier juif, coincidant avec l’automne (entre le 11 et le 14 octobre).

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