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Les Iraniens ne décideront pas où et quand, ni même comment (012106/19) [Analyse]

Par Jean Tsadik © Metula News Agency

La tension monte de jour en jour entre les Etats-Unis et la "République" Islamique d’Iran. Cette dernière multiplie les provocations militaires en vue d’entraîner l’Amérique dans une confrontation armée limitée, mais en se gardant soigneusement de tuer des militaires U.S. ou de s’attaquer à ses intérêts fondamentaux. Cela place l’état-major et le président américains dans une situation compliquée : ils ont le choix entre frapper les positions des Gardiens de la Révolution disposées autour du Golfe, ce qui ne leur amènerait aucun avantage stratégique, ou lancer l’assaut contre les installations nucléaires des ayatollahs, leurs missiles balistiques, leurs aéroports ainsi que les concentrations de leurs forces spéciales. La seconde option constitue l’objectif militaire de leur déploiement, mais elle s’assimile à une déclaration de guerre à la junte théocratique au pouvoir à Téhéran ainsi qu’à une riposte "disproportionnée".

 

Or ce n’est pas parce que l’ennemi vous provoque que l’on déclenche une opération majeure de ce type, mais parce qu’on l’a décidé soi-même, en fonction de considérations politiques et stratégiques. En déclenchant la Seconde Guerre du Liban en 2006, Israël a payé chèrement le fait que son Premier ministre d’alors, Ehoud Olmert, avait oublié ce principe de stratégie élémentaire.

 

Dans un premier temps, suite à l’interception hier (jeudi) de l’un de ses drones de surveillance, un MQ-4C Triton, au-dessus du détroit d’Ormuz, le Président Trump avait décidé de répliquer en suivant la première option. Fort heureusement, il s’est ressaisi et poursuit au contraire ses préparatifs en vue de la seconde, tout en multipliant les contacts avec ses alliés régionaux afin de coordonner leurs positions.

 

Au sujet de l’interception du drone, d’un point de vue technique, ce qu’il faut en dire est que le MQ-4C Triton est un gros appareil doté d’un moteur à réaction de la taille d’un avion de ligne, que ce n’est pas un avion furtif, que sa vitesse maximale est de l’ordre de 500km/h, ce qui en fait une proie relativement facile, et qu’il n’est pas armé.

 

En consultant la carte ci-après et particulièrement l’itinéraire qu’il a suivi hier, on comprend que sa mission consistait à surveiller les voies maritimes dans le golfe Arabo-Persique, le détroit d’Ormuz et le golfe d’Oman. Il n’a à aucun moment tenté de dissimuler son itinéraire qui pouvait aisément être suivi depuis des heures par les radaristes iraniens.

 

Son unique principe de protection reposait sur le fait qu’il survolait les eaux internationales, dans un espace aérien lourdement emprunté par l’aviation civile, y compris les compagnies américaines, et qu’une attaque le visant participerait d’une agression non-provoquée, donnant le droit à l’Armée américaine de répliquer en situation de légitime défense.

 

La difficulté technique de l’interception est nulle et ne participe donc d’aucun exploit militaire. De par la mission que le MQ-4C remplissait, il était plus facile de l’abattre que d’abattre un Boeing ou un Airbus, qui volent beaucoup plus haut et à une vitesse deux fois plus élevée que ce drone.

 

Le missile qui l’a intercepté est un Sayyad-2 [far. : chasseur] tiré par les Pasdaran, les Gardiens de la Révolution khomeyniste, à partir d’une batterie 3-Khordad [far. : juin], établie à 60km du point d’interception, non loin de la petite ville iranienne de Sirik [carte] qui compte environ 4 000 habitants, dans la province d'Hormozgan.

 

La gageure n’est pas technique, elle réside dans la décision de s’attaquer à un aéronef en opération appartenant à la plus grande puissance militaire mondiale.

 

Les dirigeants de la théocratie chiite ont tenté de justifier l’interception en arguant que le drone avait pénétré dans leur espace aérien, la Navy affirme quant à elle, et elle a raison, que son appareil survolait les eaux internationales. En fait, ce n’est pas qu’il existe une dispute quant à l’emplacement géographique où l’interception s’est produite, c’est que Téhéran a unilatéralement décidé, comme on s’en rend compte sur la carte, d’étendre la limite de ses eaux territoriales au mépris des lois de la mer et des conventions internationales.

 

Le MQ-4C Triton n’est pas un drone d’attaque, mais il n’en est pas moins un chef d’œuvre très accompli de technologie, doté de radars performants lui permettant de réaliser des activités de surveillance de trafics civils et militaires ; il peut également repérer des cibles pour les chasseurs-bombardiers et les guider jusqu’à elles et est capable de rester en vol durant des dizaines d’heures sans avoir besoin de s’avitailler. La perte de cet engin pour les Américains a surtout un aspect financier, car son coût unitaire avoisine les deux-cents millions de dollars, soit le prix moyen d’un chasseur-bombardier furtif F-35.

 

A noter à ce propos que la philosophie américaine en matière d’avions sans pilotes diffère sensiblement de celle des Israéliens. L’Etat hébreu privilégie les appareils plus légers, propulsés par des turboréacteurs, presque tous armés de missiles, très difficiles à localiser sur un radar, et surtout, coûtant une fraction du prix d’un MQ-4C par exemple. Les drones israéliens les plus chers reviennent à un quart du prix d’un appareil de ce type.

 

Parlant d’Israël, les récentes attaques contre les pétroliers, l’interception du drone et les propos bellicistes des ayatollahs et de Donald Trump génèrent ici de fortes préoccupations. Cette semaine, le cabinet provisoire pour les affaires politiques et sécuritaires a siégé pendant de très nombreuses heures passées à écouter les analyses des responsables du renseignement et des experts stratégiques.

 

Ce que l’on craint à Jérusalem est que si l’option 2 est engagée, Téhéran pourrait décider de lancer tous les missiles balistiques qu’il possède sur les bases américaines et sur les alliés de Washington parmi lesquels l’Etat hébreu est le plus en vue.

 

La dictature perse pourrait également ordonner au Hezbollah d’ouvrir un front au nord d’Israël, en tirant des milliers de roquettes sur notre pays.

 

Les questions qui se posent au gouvernement et à l’état-major concernent le niveau de notre préparation face à ce type d’évènements régionaux ainsi que le degré et le mode de participation que nous pourrions être appelés par les Américains à prendre en charge lors d’une attaque sur les sites stratégiques en Iran.

 

Il est de notoriété publique, ou quasiment, que le Khe’l Avir [l’Aviation israélienne] n’a pas son égal pour certains genres de missions de bombardements d’extrême précision. De plus, il connaît parfaitement les systèmes de radars à disposition de Téhéran et est passé maître dans leur neutralisation ; et ce qui est largement plus appréciable encore, c’est que nous sommes les seuls à nous être confrontés des centaines de fois aux Pasdaran et que nous leur avons infligé chaque fois des défaites cuisantes.

 

En plus de ce qui précède, Israël a été à la pointe absolue de la lutte contre le programme nucléaire iranien dans tous les domaines et il a été le seul pays à rejeter totalement l’accord de 2015 entre les 5+1 et les ayatollahs. Ce, avant que Donald Trump ne soit élu à la Maison Blanche, qu’il ne le dénonce à son tour et qu’il réinstaure les sanctions économiques contre cette dictature.

 

Dans ces conditions, Israël ferait bien mauvaise figure s’il refusait une éventuelle sollicitation de Donald Trump de se joindre à la campagne militaire qu’il envisage. Qui plus est, alors que le but stratégique que nous recherchons avec le plus d’ardeur et de conviction est la destruction physique du projet de bombe atomique chiite, l’oblitération de tout ce qui touche aux armes balistiques de la "République" Islamique, et son désengagement du Liban et de Syrie. Avec, en point de mire, dans le sillage d’une éventuelle déconfiture militaire du régime, son vraisemblable renversement par les libéraux iraniens, dont les valeurs sont très proches des nôtres.

 

Ceci posé, ces hypothèses ne vont pas sans quelques inquiétudes à Jérusalem. Globalement, on aime rester maître de notre destin et l’on est gêné de devoir emboiter le pas de quelqu’un d’autre, en particulier lorsque le quelqu’un d’autre en question est aussi puissant et, pour ne rien édulcorer, lorsqu’il a la réputation de prendre ses décisions en solo sans toujours tenir compte de l’avis des spécialistes. Les choses se corsent lorsque l’on augmente l’équation par le fait que nous ne pouvons raisonnablement rien lui refuser.

 

Ainsi, lors des dizaines d’heures de consultations, cette semaine à Jérusalem, l’on a sûrement fait remarquer aux dirigeants que les hôpitaux n’étaient pas prêts à accueillir dans un laps de temps très court des dizaines de milliers de blessés, comme cela pourrait être le cas en situation d’attaque coordonnée Iran-Hezbollah-Hamas. Les experts leur ont probablement dit également que nous étions toujours particulièrement mal équipés dans la lutte contre les incendies, et que des centaines de missiles et de roquettes pourraient allumer des brasiers à l’abord de nos villes que nous aurions de la peine à circonscrire. Qu’il faudrait probablement recourir à de multiples évacuations de conurbations sous le feu de l’ennemi.

 

Mais ce qui a sans doute fait réfléchir plus que le reste a trait à l’aspect militaire d’une coordination avec les USA de Donald Trump. Dans le choix des objectifs par exemple : si notre meilleur ami à Washington se contentait d’une attaque d’avertissement, laissant intactes les usines d’enrichissement de Fodo et de Natanz ? S’il parvenait à un mauvais accord – même avec de bonnes intentions – avec le clergé chiite ? Si le conflit dégénérait en guerre d’usure et si Trump perdait les élections de 2020, et que le nouveau président étasunien décidait d’un désengagement unilatéral et non coordonné – comme ce fut le cas l’an dernier dans le nord de la Syrie au détriment des Kurdes -, nous laissant seuls, impliqués dans une guerre totale face à un pays de quatre-vingt millions d’individus ?

 

Ce sont assurément des sujets très sérieux qu’il est indispensable d’envisager avant toute implication éventuelle dans un conflit. Qui plus est, au risque de nous fâcher gravement avec notre ami Trump, si un plan nous semblait dénué de logique ou n’intégrait pas suffisamment nos préoccupations, nous pourrions toujours nous y opposer, d’abord en tentant de faire valoir notre point de vue, ensuite en refusant de participer à quelque chose qui nous paraîtrait désavantageux. Après tout, il serait aussi difficile à Donald Trump d’expliquer à son opinion publique qu’Israël – l’expert en matière d’Iran – l’a laissé tomber parce qu’il n’embrassait pas ses choix tactiques.

 

Ceci dit et étudié avec tout le sérieux nécessaire, il importe de garder en tête un certain nombre d’éléments avérés que nous connaissons. Outre le fait que le monde entier, à commencer par la population iranienne, se trouve dans une situation unique de se débarrasser de la clique de satrapes sanguinaires qui ont fait main basse sur l’Iran et menacent chaque semaine de nous exterminer. Que si le monde, sous l’impulsion de Donald Trump, ne saisit pas cette opportunité, il sera de plus en plus difficile, voire impossible de freiner l’enracinement et l’expansion de cette bande de barbares, y compris et à brève échéance dans le domaine nucléaire.

 

Outre cette constante prépondérante, écrivis-je, un autre facteur majeur doit être intégré dans l’équation générale si l’on veut qu’elle prévale : l’impotence militaire de la théocratie persane. Et c’est là vraiment l’essentiel : en cas d’attaque américaine ou américano-israélienne sur les sites nucléaires, les bases de missiles, les aéroports et les camps des unités d’élite, la dictature des mollahs n’aurait strictement aucun moyen ni de s’y opposer, ni de nous infliger des pertes et des dégâts dignes d’être pris en compte dans l’équation.

 

 

Un confrère me disait hier, en apprenant l’incident du drone : "Le degré de difficulté de la campagne d’Iran telle qu’elle est envisagée est entre huit et dix fois moindre que le coefficient de résistance rencontré lors de la Guerre du Kosovo en 1998 entre l’Armée yougoslave et l’OTAN", et je partage totalement son avis.

 

La campagne se présenterait telle une série de raids qui durerait entre deux et trois semaines. Elle préserverait les villes iraniennes pour se concentrer, dans un premier temps, sur la destruction des missiles et des quelques avions outrageusement surannés dont dispose la dictature, qui pourraient tenter d’entraver l’intervention dans la phase de destruction de ses objectifs.

 

A aucun moment cette dernière n’aurait la capacité de menacer la Marine américaine, non plus que nos avions, les bases de nos alliés dans la région et notre territoire. Sans oublier qu’à l’exception de la milice du Hezbollah au Liban, la "République" Islamique ne possède aucun ami, aucun Etat qui lui viendrait en aide.

 

Et si le Hezbollah était assez bête pour ne pas savoir lire le rapport de force qui prévaut entre les adversaires, ou s’il décidait de se suicider en attaquant Israël, il serait une fois pour toute anéanti, pour le plus grand bénéfice des Israéliens et des Libanais.

 

Cela aussi, il faut bien que cela arrive une fois ou l’autre et, du point de vue stratégique, le plus tôt sera naturellement le mieux. Lorsque la milice chiite sera privée de l’initiative ou lorsqu’elle sera attendue.

 

L’histoire nous a plusieurs fois appris que ceux qui s’opposent à une guerre juste contre des tyrans n’œuvrent pas forcément en faveur de la paix, et que ceux qui débarrassent la Terre de ceux qui ne devraient pas s’y trouver, sont souvent les authentiques pacifistes.

 

La décision d’engager la campagne ou non se trouve dans les mains de Donald Trump, et aussi dans celles, sales, des ayatollahs de Téhéran. L’unique alternative, celle qui fera retomber la tension au lieu de la voir enfler chaque jour, consiste pour la junte chiite à abandonner par la négociation tout ce qui constitue les objectifs légitimes dont le monde libre et les êtres humains raisonnables exigent la confiscation.

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