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ET SI JE NE REVENAIS PAS? par Jacques Hadida

 

ET SI JE NE REVENAIS PAS?

 

 

 

De toutes les personnes que j'ai connues, une sort de l'ordinaire par ses caracteristiques tres particulieres qui font d'elle qu'on ne peut pas l'oublier.

Un jour que nous avons passe ensemble, elle m'a fait part de ses impressions mais surtout d'une de ses craintes: La mort.

Cet ami a toujours ete obnubile par l'idee de la mort. Et lorsque le mot anesthesie a ete mentionne devant prendre place avant l'operation, cela suffisait pour le mettre dans tous ses etats.

L’hôpital l’a appelé cet après-midi pour lui confirmer qu’il fallait etre là demain matin a 7h30 car l’opération est planifiée pour 10h30.

Voila une semaine qu'il s’angoisse avec la question:

Qu’adviendrait-il si je ne me réveillais pas de l’anesthesie?

Il repetait sans cesse, mais voyons, ça n’arrive pas. On se réveille une ou deux heures après et le tour est joué. Oui, nais…si…Peut-être une fois toutes les douze millions de fois…cette fois là risque d’être demain. Alors, n’est ce pas une raison suffisante pour vouloir rédiger son testament?

Quel testament? A-t-il des millions a laisser?

Non, il n'a rien. Au moins s'il ne laisse aucun bien, il ne laisse non plus aucune dette. N’est ce pas là la vraie richesse? De ne rien devoir.

Ces jours-ci, il gagne le dixième de ce qu'il a déjà gagné, et pourtant il ne s’en porte pas plus mal.

Physiquement. Mentalement, c’est une autre histoire.En effet, il se sent amoindri parce qu’il ne rapporte plus et cela est plutôt dangereux pour le moral.

Il partira et il lui resterait des dizaines, non des centaines de livres a lire. A l’heure même, il en a huit, non neuf d’entamés. Il lit un peu de chacun, en fonction des humeurs. Il veut tout savoir.

Son plaisir est celui de s’enrichir de la sagesse des autres. Ils ont été là avant lui, ils ont vu, vécu, connu, ressenti tant de choses qui ne lui ont pas encore été données de connaître.

Ces deriers jours il a décidé d’ébaucher un début de thèse.

Et pourquoi pas?

Il n'a pas terminé une maîtrise en Théologie il y a 25 ans, car noblesse oblige, le travail le faisait voyager d’un océan a l’autre d’une façon plutôt permanente, eh bien, aujourd’hui, il a le temps. C’est son bien le plus précieux.

Le monde paie pour le temps. Tout ce que ces compagnies font, c’est de louer votre temps. Moyennant un prix, ce qu’il vaut a leurs yeux. Si c’est son bien le plus précieux, il devrait le chérir, s'en servir pour se faire plaisir, pour s’enrichir a sa guise et non pour enrichir un autre.

Chaque fois qu’il écrit et qu'il croit que ce qu'il ecrit a du bon sens, si quelqu’un y trouve a gagner, cet autre se serait enrichi a ses dépens. Dans ce cas, il ne voit pas d’inconvénients car il aurai réussi a vendre cette personne à sa cause et faire d’elle une extension de lui même.

S'il se croit foncièrement bon et souhaite que d’autres le deviennent par l’exemple qu'il donne, qu'a cela ne tienne.

Les minutes s’écoulent, voila un quart d’heure qu'il rumine et son testament n’avance pas.

Il a commencé par se plaindre du fait qu’il y aurait tant de livres qu'il n’aurai pas lus s'il partait.

Et toutes ces merveilleuses personnes qu'il aurait souhaite rencontrer, tout cela sera perdu a jamais

Eh oui, c’est quand on vieillit, quand on est prêt du départ qu’on réalise non seulement ce qu’on a manqué mais pis, ce qu’on va manquer.

Oui! Il a pourtant une femme, des enfants et une petite fille. C’est elle qu’il lui fera le plus de peine de perdre, Il aurai tant a lui enseigner. Tout ce qu'il a manqué avec ses propres enfants vu les vicissitudes du quotidien, Ce maudit quotidien qui nous rend esclave et qui fait de nous des robots, qui nous déshumanise.

Pourquoi?

Parce qu’il faut payer l’hypothèque, la bagnole, les factures…

Il reconnait que nous sommes tous la victime d’un système mis en place par notre societe et qu’il faut entretenir.

Il realise qu'il a un job qu'il ne veut pas perdre car comment pourrait-il rencontrer les fins de mois? Alors, il lèche le cul du boss, il se laisse violer dans son amour propre, il fait souvent ce qui lui déplait, que ce soit du temps supplémentaire non rémunéré ou une corvée quelconque.

Et il voit autour de lui d’autres en souffrir, son gendre, son fils, quelle honte…Il va jusqu'a se dire que s'il ne revenait pas, il ne s’en plaindrait pas beaucoup car il avoue avoir été plus chanceux que la moyenne.

Il a assez bien vécu, beaucoup voyagé, connu 4 des 5 continents (excepté l’Océanie quoiqu’une petite escale a Hawaii au retour du Japon), il a vu du beau monde, il a appris plusieurs langues qu'il a conversées avec des milliers de gens. Il savait qu'il devait se mettre souvent au diapason des autres car il a toujours cru que c’était a lui de s’ajuster aux autres. Il ne leur demandait pas de se mettre a son niveau, mais lui se mettrai au leur. Il s'est parfois trouvé dans des situations très cocasses parfois très dangeureuses. Il a connu le goût du risque, Il a goûté a des plaisirs défendus. Rio ! Oh Rio, combien il l'a aime.

Plus il y pense, plus il se dit que s'il ne revenait pas, sa femme et ses enfants le pleureront un peu et puis encaisseront son assurance-vie qui leur garantira un meilleur avenir. Il a toujours considéré qu'il valait plus cher mort que vif. Et pourquoi pas, qu’ils en profitent. Ils sont plus jeunes et resteront donc ici un peu plus longtemps que lui.

Ce serait une façon de battre le système.

Oui! Il a toujours râlé à devoir leur envoyer ces quelques $200 a $300 tous les mois. A un moment donné, il a meme pensé qu'il n’allai pas mourir , pourquoi engraisser ces saloperies de compagnies d’Assurance vie? Mais il était hors de question. Sa femme s’y opposait. C’est a se demander si elle ne voyait pas en lui un avenir plus sécure.

Il lui pardonne. Ces jours ci, il pardonne tout, Pourquoi s’en faire?

Au fait il a des stocks tant aux USA qu’au Canada. Ca ne vaut pas des millions, mais qui sait, ça peut aider. Il y a de l’argent a droite et a gauche, lui même oublie parfois ou il se trouve. S'il n’en dis rien comment le sauraient ils? Peut-être qu’un jour un courrier les en avertira. Ce sera un petit bonus…de papa qui est parti.

Il y a tant de guerres autour de nous que s'il partait il ne pourrait en connaître le dénouement. Et lui qui voulait aider a en finir quelques unes.

Il venait d’écrire un article qu'il a intitulé “A la recherche d’un GANDHI”, tellement notre planete a besoin qu'on vienne a son secours.

D’aucuns diront que nous allons vers l’éclatement de notre société, la déconfiture de nos infrastructures, la perte des valeurs jadis honorées. Ou est le respect de l’autre? Les Anglais disent bien “dog eat dog”.

C’est a se demander parfois si on n’est pas mieux parti que resté sur place. Une fois parti, on oublie tout, rien ne nous dérange, rien ne nous ennuie. Une fois parti, on laisse les problèmes derrière soi. A eux de se démerder avec leur putain de monde.

Ils l’ont voulu ,tant pis, lui, il s’en lave les mains.

Tout ce qu'il sait, c’est qu'il part dans un trou et y restera jusqu’a décomposition totale. Les histoires de ciel, paradis et enfer, il ne bouffe pas de ce pain la. Il laisse ça aux affamés de sensations fortes.

Il a toujours dit que les immortels sont ceux qui ont laissé quelque chose derrière eux. Un livre qu’ils ont écrit, un édifice qui leur est dédié, une guère qu’ils ont livrée. Parmi ces hommes et femmes, il y a des bons et des moins bons. Souvent on pense a notre épitaphe, celle qu’on aurait souhaité voire avant de partir. Il faudrait bien qu'il s'arrête la dessus pour y penser dans son cas. Ce serait quelque chose comme:

“A l’écoute des gens”…oui il aimait les écouter

“Celui qui vous a aidé a résoudre votre problème”…ça aussi, il l'a souvent fait

“Au plus tolérants des visages pales”…car quoique que confrontés a d’autres couleurs, il n'a connu aucune difficulté.

Quant a a these qu'il voulait ébaucher, Il y a un fait intéressant, il lui suffisait d’entendre une petite phrase, des fois un mot pour que celle-ci ou celui-ci lui mette le cerveau en marche et commence la cavale. Des phrases se formeaient et il courait les écrire.

Dans le cas de so article: “A la recherche d’un GANDHI”eh bien il m'a dit que c”est parce qu’un ami lui a dit: Tu sais, il nous faut un Gandhi.

Il pense a 7 et me dit: tiens, voila un sujet de thèse.

Il se met a l’ordinateur et en une heure et demi, il déboule 7 pages. Du 7iem ciel au 7iem art des 7 bénédictions du mariage Juif a la guerre de 7 ans, des 7 bracelets en or que les musulmanes portent aux 7 bœufs de labour, des 7 sages de l’antiquité au cactus mexicain qu’on appelle les 7 sœurs et ainsi de suite.

Quiconque veut s’instruire trouvera de quoi bouffer.

Or il y a une richesse qui ne se trouve que dans des dictionnaires que le monde ne regarde même pas. Toute cette culture est là, et lui pense qu'il la met a la portée de tous, de façon sympathique. Pourquoi la rejeter?

Et il se dit: si je devais partir, alors je n’écrirais plus et ce plaisir me sera ôté a jamais. Curieux, n’ayant pu avoir accès a l’ordi pour taper ce document, il l'a écrit sur des feuilles. Celle ci porte le numéro 7

Vivement! Qu'en est-il de ce fameux testament? Doit-il vraiment lister ses dernières volontés?

En réalité, il sen fout. Une fois parti, on fera ce qu’on fera et ça ne changera rien.

Peut-être découvrira-t-on une partie de sa vie connue de personne sauf de lui meme? Certains en seront choqués, d’autres surpris le découvriront sous un autre aspect.

Il a encore une mère, un frère et quatre sœurs. Il sait que tous l'aiment, beaucoup. Eux souffriront de son départ.

Il realise maintenant qu'il ne lui reste plus grand temps pour faire des changements quelconques car il est 21h30 et il rentre a l’hôpital demain matin. D’ailleurs ce texte écrit sur papier n’est lisible que de lui. S'il ne le transcrit pas sur ordi ce soir, personne ne pourra le lire. Qu’aurait-il donc accompli? A part se vider le cœur?

Sa fille l’accompagnera demain et restera avec lui. Elle a pris la journée de congé. Peut-être lui parlerai-il? .

En tout cas, si ce soir devait être le dernier soir, il devrait faire l’amour a sa femme comme jamais. Il sera des plus doux pour partir en beauté. Il reste que faire l’amour est un de ces biens qu’il nous est donné de faire de notre vivant. Cet état d’extase et de plaisir devrait donner a réfléchir. Il ne dure pas longtemps mais il en est de même de toutes les belles et bonnes choses. Si le papillon n’était pas si éphémère le trouverons nous si agréable a regarder? Et pourtant le passage de vie a trépas restera souvent court.

Et voila que lui vient a l'esprit une autre idee: peut-être devrais-je considérer l’opposé de l’éventualité en titre. A savoir “et si je devais en sortir” Ne serait-ce pas là l’occasion de se mettre à vivre comme il le souhaite tant?

Peut-être que cet exercice pris a rebours lui rendrait service et ferait de lui une meilleure personne. Peut-être devrait-il apprendre à vivre avec une certaine contrariété?

Devrait-il considérer qu’un sursis lui a été donné et conséquemment faire de son mieux?

Dieu, comme il aurait tant aimé dire ouvertement aux gens ce qu'il pense d’eux sans risquer de leur nuire ou passer pour un imbécile.

Il est presque difficile de concevoir qu’une autre vie nous soit donnée et que nous pouvons maintenant la mener a notre guise, sans restriction aucune. Comme si nous avions déjà vécu une autre vie, appris d’elle ce qu’elle nous a appris et maintenant , enrichi de cette expérience, affronter une nouvelle vie.

Plus d’excuses telles, je ne le savais pas et c’est pourquoi j’ai agi ainsi.

 

Jacques Hadida

 

jacqueshadida1@yahoo.com

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