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Le nouvel homme fort de la Ligue arabe, par David Bensoussan

Le nouvel homme fort de la Ligue arabe, par David Bensoussan

 

Nouveau sommet de la Ligue arabe

La Ligue arabe se réunit pour la 47e fois en Arabie, acceptant la présence du dictateur syrien Bachar El Assad, pourtant exclu en 2012 à la suite de la répression brutale des manifestants qui dégénéra en guerre civile. L’Égypte, le pays arabe le plus peuplé, avait également été exclue de cette organisation en 1979 après la ratification  d’un traité de paix avec Israël, avant d’être réintégrée en 1990. Dans l’intervalle, le siège de la Ligue arabe avait été déplacé à Tunis.

Les rapprochements et désaccords au sein de la Ligue arabe font partie de toute une série de divisions et de tentatives de réunification depuis la fondation de la Ligue arabe en 1945, regroupant alors six membres fondateurs : l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Syrie. S’y ajoutèrent par la suite le Yémen, la Libye, le Soudan, la Tunisie, le Maroc, le Koweït, l’Algérie, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar, l’Oman, la Mauritanie, la Somalie, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Djibouti et les Comores.

L’opposition à Israël

Les principales résolutions votées par la Ligue arabe ont gravité autour de la lutte contre Israël. Avant même la création de l’État d‘Israël, la Ligue arabe adopta le gel des avoirs juifs en 1947. Elle rejeta la partition de la Palestine en 1949 et le délai imposé pour cette partition par l’ONU fut périmé l’année suivante. Les cinq armées arabes qui envahirent le nouvel état furent défaites et le boycottage décrété par la Ligue arabe n’a pas nui à l’essor économique d’Israël.

La guerre des Six Jours en 1967 a été suivie de la déclaration de Khartoum : pas de négociation, pas de paix et pas de reconnaissance d’Israël. Un soutien financier substantiel a été alors apporté par les pays pétroliers pour soutenir l’effort de guerre.

La guerre de Kippour en 1973 a été suivie par le choc pétrolier, quadruplant le prix du baril. Six ans plus tard, les accords de paix entre Israël et l’Égypte (puis entre Israël et la Jordanie en 1994) furent ratifiés sous les auspices des États-Unis.  Néanmoins, le conflit armé dans la région s’est poursuivi avec les guerres du Liban (1982 et 2006) et les accrochages périodiques entre Israël et le Hamas après qu’Israël a quitté Gaza (2005).

En 2002, le plan de paix avancé par l’Arabie a mis à l’avant une normalisation basée sur le principe d’une évacuation de territoires conquis par Israël en 1967 en échange de la paix. Cette proposition – incomplète sur plusieurs plans – n’a pas eu de suite. Il est à noter que l’objectif de deux états en Terre sainte a été rejeté par le président Arafat en 2000 et par le président de l’Autorité palestinienne Abbas en 2008. Précisons que la Ligue arabe a reconnu l’OLP comme seul organisme représentant la Palestine en 1964.

Les accords d’Abraham (2020) ont normalisé les relations entre les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan.

Les conflits interarabes.

En 1958, l’Égypte et la Syrie – et pour un temps, l’Irak – s’unissent pour devenir la République arabe unie, mais cette union ne dure que trois ans.

En 1962, le président Nasser a tenté de déstabiliser la monarchie saoudienne en dépêchant un contingent de 60 000 soldats au Yémen ; cette initiative a été coûteuse et sans conséquence, sinon la division du Yémen en république au Sud et en monarchie au Nord.

En 1970, la Ligue arabe n’a pu empêcher la répression jordanienne de l’OLP qui a provoqué la mort de 20 000 personnes.

La guerre frontalière entre le Maroc et l’Algérie en 1963 subsiste encore, l’Algérie ne reconnaissant pas l’annexion du Sahara espagnol par le Maroc.

L’Irak de Saddam Hussein a annexé le Koweït en 1998 et en a été chassé par une coalition de pays occidentaux et de pays arabes.

Depuis 2011, le printemps arabe a secoué bien des pays. Certains régimes ont réagi par des concessions, d’autres par un coup d’État (renversement du pouvoir des Frères musulmans en Égypte), ou par la répression (Bahreïn) dégénérant en guerre civile dont les adversaires sont soutenus par des pays étrangers (Turquie contre Russie en Libye, Turquie  contre Russie et Iran en Syrie). Les réformes démocratiques espérées lors du printemps arabe ne se sont pas concrétisées, sauf peut-être en Tunisie.

Fait à noter. La Ligue arabe n’a pas tenu compte du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale en 2009 à l’encontre du président soudanais Omar el-Bechir, accusé de crimes de guerre.

Les relations avec l’Iran et la Turquie

En regard des relations avec l’Iran majoritairement chiite, les pays arabes qui sont majoritairement sunnites vivent un conflit théologique larvé auquel se greffent des considérations géopolitiques. Ainsi, l’Irak de Saddam Hussein dont le pouvoir s’est appuyé sur la partie sunnite de sa population a envahi l’Iran en 1980. Cette guerre a duré huit ans et a fait plus de 800 000 morts.

En 2019, le sommet de la Ligue arabe à Djedda a affirmé la solidarité face aux interventions armées iraniennes par voie de proxys. En 2023, l’Arabie et l’Iran ont renoué leurs relations diplomatiques sous l’égide de la Chine. Cette amorce de détente est aussi une façon pour l’Arabie et les principautés du Golfe de se démarquer d’Israël en prévision d’une confrontation future entre l’Iran et Israël.

La Turquie d’Erdogan a tenté de prendre le leadership des pays musulmans, mais sans succès. Le président Erdogan s’est aliéné plusieurs pays, notamment Israël, l’Égypte après l’évincement du pouvoir de Morsi par le général Sissi et l’Arabie alors qu’il a martelé les accusations contre MBS en regard de l’assassinat d’un journaliste de nationalité saoudienne dans son pays. Seul le Qatar qui soutient la mouvance des Frères musulmans appuie l’économie turque. C’est la raison pour laquelle il a été boycotté pendant trois ans par les monarchies du Golfe.

Erdogan vise actuellement la réconciliation avec les pays et les leaders qu’il a vitupérés, mais la confiance n’est plus là et les relations avec Erdogan récemment réélu évolueront dans la circonspection.

Par ailleurs, la Turquie cherche à renvoyer les millions de réfugiés syriens dans le territoire – à majorité kurde – qu’elle occupe au Nord de la Syrie. De façon générale, les réfugiés syriens qui se trouvent dans les pays limitrophes de la Syrie ne souhaitent pas y retourner de peur d’être accusés de désertion et d’avoir à faire aux agents du dictateur syrien. La Ligue arabe ne s’est pas prononcée à ce sujet.

Les relations avec les grandes puissances

La guerre de Suez en 1956 a amorcé le réalignement des pays arabes au cours de la guerre froide, les monarchies s’alignant sur le camp occidental et les républiques s’alignant sur le camp soviétique. Après la dissolution de l’Union soviétique en 1990 et le désintérêt grandissant de la région de la part des États-Unis, les pays arabes du Moyen-Orient se rallient aujourd’hui au prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman (MBS) pour définir une prise de position et des alliances avec d’autres puissances que les États-Unis.

Le nouvel homme fort

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la hausse du cours de pétrole Brent ont augmenté le pouvoir économique des pays pétroliers et notamment l’Arabie qui se lance dans des mégaprojets de modernisation. Le pouvoir politique de l’Arabie s’intensifie à l’avenant avec MBS qui joue un rôle prépondérant au sein de la Ligue arabe.

MBS s’est libéré de la tutelle américaine et ne s’aligne plus systématiquement sur les États-Unis.  Il réintègre la Syrie au sein de la Ligue arabe. Ce faisant, il cherche à freiner l’emprise iranienne sur ce pays auquel il fait aussi miroiter des budgets de reconstruction de plusieurs milliards. Il espère également à endiguer les ventes de la drogue de captagon fabriqué en Syrie, ventes qui ont fait des ravages en Jordanie et dans les pays du Golfe. MBS invite le président ukrainien Zelinsky au sommet de la Ligue arabe et reçoit le lendemain le ministre de l’intérieur russe qui est pourtant sanctionné par les États-Unis.

L’Arabie et les États-Unis organisent ensemble une médiation entre les belligérants au Soudan. Bien que leur influence ne soit plus aussi grande que par le passé, les États-Unis ont encore des liens très solides avec l’Arabie. Ce pays fait pression pour que les États-Unis construisent une centrale atomique sur son territoire. L’alternative serait d’inviter la Russie à le faire.

MBS a cependant entrepris des actions infructueuses comme la guerre au Yémen et le boycottage du Qatar, mais il n’en demeure pas moins que l’engouement pour son leadership fait la une dans la presse arabe.

Comme ce le fut autrefois pour le président égyptien Nasser.

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