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Le plan pour l’après-guerre au Maroc, et ailleurs… - Walid Nassef

Le plan pour l’après-guerre au Maroc, et ailleurs… - Walid Nassef

The Times of Israel

Les associations culturelles et religieuses devront faire partie intégrante des plans d’élaboration des politiques de la réconciliation diplomatique arabo-israélienne. Ils jouent d’ores et déjà de nombreux rôles, dans le cadre de leur mission d’altérité au service de leurs membres et de la société civile. Et, ainsi, ils se définissent comme le porte-étendard des valeurs progressistes dans la feuille de route des récents accords de normalisation.

Il faudrait garder en mémoire la phrase de feu Hassan II d’un discours à une délégation de Juifs marocains: « Vous vous distinguez du reste des Juifs du monde grâce à vos racines marocaines ». Cette phrase n’est ni anodine ni une formule diplomatique, elle est imprégnée d’Histoire et d’ethnologie. Les pays signataires d’accords de paix, avec l’État d’Israël, n’ont jusque-là pas dépassé le stade du politique. Même les efforts de l’émirat d’Abu Dhabi (à distinguer des autres émirats) restent limités et dépendent de l’implication du cheikh Mohamed ben Zayed et d’une certaine mesure de l’émir de Dubai cheikh Mohammed ben Rached.

Le Marocain, qu’il soit juif ou musulman, n’a nul besoin d’un accord de normalisation pour renouer avec le passé juif du royaume, il le connait et l’apprivoise (Yigal Ben-Nun). Il a plutôt besoin d’un investissement avec le présent pour outrepasser les temps des crises. Au Maroc, on recense 652 lieux de culte de saints, dont 126 sont vénérés à la fois par les juifs et les musulmans. Les juifs reconnaissent une quinzaine de sages musulmans, tandis que les musulmans vénèrent 90 sages juifs. 36 d’entre-eux sont vénérés par les deux communautés (Issachar ben Ami).

Les institutions politiques, comme toutes les sphères sociales de la société civile moderne, ont été affectées par la polarisation politique et les répercussions de la fragmentation idéologique. Ladite division a imposé de nouvelles réalités qui se sont reflétées dans la pratique quotidienne de la diplomatie entre États arabes et l’État d’Israël. Ajoutons à cela la situation post 7 octobre, la promotion de la paix est devenue de plus en plus maussade et renfrognée, dispersant et affaiblissant ainsi la voix de la réconciliation et le vivre ensemble.

Malheureusement, le virage des sociétés vers la droite religieuse et l’intransigeance envers l’autre dissipe les efforts du travail diplomatique en faveur de la paix et rend les gains des accords de paix plus subdivisés.

Et, comme effet immédiat, la nouvelle réalité provoque la violence des extrêmes.

Dans ce billet, nous allons tenter de porter la voix des pacifistes de la société arabe. Ceux désirant tourner la page de la guerre pour un lendemain plus clément dans la région Moyen-orientale.

Avec la facilité de diffusion du discours religieux extrémiste dans le monde, à la suite des révolutions du Printemps arabe; praeter de l’autoritarisme institutionnel et politique, nombreux citoyens arabes expriment de plus en plus leur manque de croyance en une solution politique viable du conflit Israélo-arabe. Le désaccord populaire avec le discours de paix, exprimé par la majorité des chefs d’État de la ligue arabe, rend tout processus de paix désuet, néanmoins il demeure conjoncturel. Nous sommes loin de l’euphorie du lendemain des accords d’Abraham et de l’accord tripartite.

Cette tendance suscite un débat sociétal acharné entre les partisans de la paix négociée, souvent de tendance libérale, ou modérés religieusement, et de la frange islamiste de droite et de la gauche radicale. Si un bon nombre de citoyens accepte l’étiquette de la normalisation des États, la majorité rechigne à accepter une normalisation populaire entre les peuples pour asseoir les bases d’une paix durable, prospère et non contraignante. Il est donc légitime de se demander si ce rejet est une fatalité ou un simple rejet de la diplomatie du système en place. Chose sûre, les États arabes signataires d’accords de paix ont mal investi dans la communication en forçant l’acceptation du fait accompli.

Or, il semble que les décideurs politiques ont bien saisi leurs erreurs et préparent l’après-guerre, et avec sagesse.

Au Maroc, sa Majesté le roi Mohammed VI préside des veillées religieuses. À chaque mois béni de Ramadan, des cours sont dispensés en présence du Commandeur des Croyants au Royaume du Maroc. Les érudits, cheikhs et intellectuels religieux du Maroc et du monde étalent leurs visions religieuses et portent des messages souvent parrainés par le pouvoir en place. Cette année (2024), les cours se concentrent sur le renouveau de la religiosité, la tolérance et la modernité des pratiques, tout en promouvant « l’islam soufi, l’esprit interculturel et le renforcement de l’approche philosophique de la religion ». Les leçons de ce mois sacré constituent le plan de route à suivre pour créer un nouvel écosystème pacifique et paisible capable de mettre la société marocaine dans la nouvelle réalité du siècle présent. Une manière de tourner la page des éclaboussures religieuses ayant mené à la création des groupes violents et extrémistes durant le printemps arabe.

Nous anticipons que les raisons les plus importantes, qui poussent les citoyens à la violence comportementale et à l’exclusion de la diversité, sont le manque de communication et l’inaccessibilité des activités de rencontres interreligieuses des différentes sphères de la société. En parallèle, à des fins purement politiques, certains groupes religieux politisés favorisent à la fois l’émergence des discours antagonistes et de la désinformation. Ainsi, ils se présentent comme la seule alternative sécuritaire et le rempart solide face à l’expansion constante de la menace de « l’autre ».

Pour pallier cette situation, nous mettrons en lumière les deux principaux enjeux qui influenceront le rôle de la culture et des arts dans la réforme religieuse. Les artistes ont joué un rôle réussi dans la promotion d’une société paisible, et mené une bataille honorable dans la réconciliation des peuples. Dans le monde arabe, de manière générale, les concepts de sionisme et de la judéité de certains lieux en Palestine sont souvent confondus. Bien qu’à des degrés divers, les défenseurs des deux protagonistes entretiennent sciemment ce flou pour des raisons partisanes. Tandis que les promoteurs convaincus de la paix et du dialogue se font discrets aujourd’hui, environnement politique oblige ! Les arts et le discours religieux peuvent participer à l’instauration d’un nouveau message, à condition qu’ils soient accessibles, simples et humanistes.

Dans ce contexte, les organisations culturelles doivent se positionner face aux défis politiques et porter prioritairement la cause de la paix dans l’espace public. Ils devront chercher à atteindre la jeunesse des classes moyennes et populaires pour générer le changement endogène et garantir la pérennité des accords de paix signés. Au niveau social, il est du devoir des forces religieuses de consolider les relations entre les organisations interreligieuses, en maintenant leur présence dans les activités culturelles visant les classes populaires et nonobstant la résistance d’une certaine intelligentsia. Au niveau diplomatique, le jeu politique nécessite un investissement dans les solutions ad hoc multidisciplinaires.

Le renforcement du pouvoir associatif est une nécessité puisqu’il détient la balance du pouvoir réel. La force vectrice de toute victoire demeure la capacité d’intégrer les différences avec des visées constructives. In fine, pour réussir en tant que véritables pacifistes, les organismes artistiques et religieux devraient s’efforcer de mener le leadership de leurs projets, même en temps de guerre.

In fine, les déterminants religieux et culturels sont les éléments vitaux sur lesquels toute la diplomatie devrait reposer. Le déterminant religieux vise à produire une pensée modérée des solutions politiques et à promouvoir culturellement le vivre ensemble. Pour soutenir cette initiative à long terme, ne devrait-on pas élargir le discours religieux officiel aux groupes minoritaires ? Sur ce registre, est-il possible de voir le grand rabbin du Maroc porter un discours face au Commandeur des croyants lors des activités religieuses islamiques ? En effet, un tel geste gravera l’institution de l’Émirat des Croyants, dans un élan de rayonnement religieux, propulsera sa légitimité comme le Commandeur de tous les croyants et consolidera son expansion spirituelle outre-mer.

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