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Étoile jaune et carton rouge….

Étoile jaune et carton rouge….

 

 

La classe politique marocaine, dans la majorité de ses composantes partisanes, vient de donner un très bel exemple de son décalage profond (irrémédiable ?) avec la réalité nationale, les intérêts stratégiques du Royaume, les aspirations populaires et même les principes inscrits dans le préambule de la Constitution approuvée par référendum le 1er juillet 2011.

En effet, deux « propositions de loi », l’une déposée par le PAM, l’autre par le PJD, le PPS, l’USFP et l’Istiqlal, visent à punir sévèrement, d’emprisonnement (jusqu’à 5 ans) et de très fortes amendes, tout Marocain dont le comportement, les projets ou les actes auraient pour objectif « la normalisation » des relations avec l’Etat d’Israël.

Quelle est cette situation d’urgence absolue qui commande ainsi la démarche d’honorables parlementaires issus de la plupart de nos formations politiques, majorité et opposition confondues ?

On savait l’union sacrée faite depuis 1975 sur la Question Nationale et la préservation de notre intégrité territoriale, et voilà que nos députés s’unissent par-delà leurs différences et leurs divergences, sur la chasse aux supposés philo-sionistes qui pulluleraient dans ce Maroc de 2013, oeuvrant, en cachette ou au grand jour, à « rapprocher » les Marocains des Israéliens !

Heureusement que le ridicule ne tue plus sinon l’hémicycle s’en trouverait fort dépeuplé…

Et si la question n’avait pas des implications sérieuses et graves pour l’image du Royaume, ses soutiens à l’international, mais surtout l’esprit de tolérance, de respect de l’autre et de l’identité plurielle nationale, proclamés par la Constitution, on se bornerait à en rire, à hausser les épaules, considérant à juste titre, que cette «pantalonnade» parlementaire n’aura jamais l’heur d’arriver un jour au stade du vote.

Pourtant, parce qu’il s’agit d’une démarche émanant de partis politiques censés agir de manière responsable, parce que ces deux propositions de loi ont déjà produit un effet négatif à l’extérieur de nos frontières, mais aussi parce que cela inquiète sérieusement nos compatriotes de religion juive, qui vivent, travaillent, investissent dans un Maroc où leur communauté est installée depuis plus de deux mille ans, on rappellera à nos parlementaires quelques vérités bien senties, qu’ils pourraient méditer lors des fastidieuses séances au sein de l’hémicycle…

 

50 ans d’Histoire…

Les trois Rois du Maroc moderne, les défunts Mohammed V et Hassan II et aujourd’hui SM Mohammed VI ont toujours eu la même attitude concernant leurs sujets juifs, citoyens marocains à part entière, soient-ils présents dans le Royaume ou exilés dans d’autres parties du monde dont Israël. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, il y a de par le monde plus de 900 000 Juifs, qui disposent toujours de leur nationalité marocaine. Ainsi, un Juif vivant à Montréal, à New York, à Sarcelles ou à Tel Aviv, est Marocain, si lui-même ou ses ascendants sont originaires du Royaume. Faudra-t-il prévoir d’emprisonner tous ceux qui reviendraient chez eux, visiter le Royaume, se recueillir sur la tombe de leurs saints ou de leurs ancêtres, ou simplement, célébrer par leur présence la réelle tradition de tolérance et d’hospitalité du Maroc et de ses habitants dont l’écrasante majorité est musulmane ?

Faudra-t-il emprisonner également tous les artistes, musiciens, chercheurs, cinéastes, juifs ou musulmans, qui commettraient «l’acte criminel» de participer à un festival de musique andalouse, à Fès ou Essaouira par exemple, ou de filmer le parcours des Juifs de Tinghir à Jérusalem, comme l’a fait Kamal Achkar, ou encore d’exposer, caméra au poing, la question israélo-palestinienne comme vient de le réaliser l’excellent Nabyl Ayouch? Faudrait-il censurer leurs oeuvres ?

Mais aussi, comment expliquer et enseigner aux enfants, dans nos écoles, publiques et privées, qu’en 1941, feu SM. Mohammed V refusa fermement que les Juifs marocains soient affublés de l’horrible étoile jaune, comme le furent leurs coreligionnaires en France sous le régime de Vichy, collaborateur des nazis ?

Comment mettre en rapport cette proposition de loi, totalement surréaliste, kafkaïenne même pour qui connaît le dessous des cartes diplomatiques du Royaume (et que les partis nationaux ne sauraient ignorer), avec la lecture d’une lettre royale par le chef du Gouvernement, Abdelilah Benkirane, lors de l’inauguration de la synagogue restaurée Slat El Fassiyine à Fès en février 2013 ?

Comment se convaincre de l’utilité d’une telle proposition de loi, de sa pertinence, lorsque le seul objectif du Peuple palestinien aujourd’hui, est celui de l’érection de son Etat, en terre de Palestine certes, mais où existe déjà Israël et avec lequel il se propose de cohabiter en paix, lorsque l’Etat de Palestine, laïque et démocratique, sera érigé ?

Nos parlementaires seraient-ils, de loin et à l’abri, plus Palestiniens que les Palestiniens ?

Au Maroc, où la solidarité exemplaire des citoyens envers la lutte légitime du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits légitimes et inaliénables ne s’est jamais démentie, on a toujours, su faire la différence entre la politique officielle de l’Etat d’Israël et les relations aussi riches que multiples, mais essentiellement familiales, culturelles, cultuelles qui unissent ceux de ses habitants d’origine marocaine à notre pays, leur pays, le Maroc.

C’est ce maillage incontournable, irréfutable, inscrit dans les gênes et le patrimoine pluriel du Maroc que ces deux propositions de lois veulent récuser, en une vision simpliste, réductrice, fortement préjudiciable aux intérêts stratégiques de notre pays et des principes qu’il entend affirmer dans les enceintes internationales.

Les gens avisés, les sages, les experts et les réels décideurs, savent bien que ces propositions de lois, inappropriées, déplacées et malvenues, n’ont aucune chance d’être adoptées en l’état par le Parlement.

Les Marocains sont en droit d’attendre autre chose de leurs parlementaires, comme des propositions de lois contre la cherté de la vie, contre la hausse des prix, contre l’indexation des carburants, contre l’habitat insalubre, pour une Santé performante et gratuite, pour un système d’éducation exemplaire et efficace, pour des villes propres et bien gérées…

Des Juifs marocains ont donné leur sang, leur vie pour la démocratie, le progrès social, le respect des droits de l’Homme, affirmant pour certains d’entre eux, leur hostilité envers le sionisme. N’insultons pas la mémoire de Léon Sultan, fondateur du Parti Communiste Marocain en 1943, celle de Simon Lévy, militant et dirigeant du PCM, du PLS puis du PPS durant des décennies, d’Abraham Serfaty, militant du PCM puis d’Ilal Amam, d’Edmond Amram El Maleh, militant politique et homme de lettre, Jo Ohana, homme politique et businessman, proche de la Gauche, et de tant d’autres pour qui le patriotisme était indissociable de leur judaïsme, comme c’est le cas pour des millions et des millions de Marocains qui professent la religion musulmane.

De grâce messieurs les parlementaires, ne vous trompez pas d’époque et de combat !

 

Fahd YATA

http://www.lnt.ma

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