Benkirane en Israël ?…, par Mokhtar Larhzioui
En recevant à son Congrès un militant israélien, le PJD est parvenu à entraîner la société marocaine dans le débat à propos de la normalisation avec « l’ennemi israélien », ou encore « l’entité sioniste usurpatrice » comme on disait avant, posant de cette façon la question suivante, La question : « Et si c’était cela, effectivement, la solution ? ».
Aujourd’hui, les partis, qu’ils soient de sensibilité libérale, progressiste ou autre, ne peuvent recevoir un militant israélien, au nom du « rejet de toute normalisation », point à la ligne. Non. Mais voilà qu’un parti à référentiel islamique, un parti qui adopte la conception islamiste du conflit arabo-israélien qui se fonde sur le fait que ce conflit entre nous et nos cousins est une lutte existentielle qui dépasse la simple question des frontières, avec aucune autre issue que « jeter tous les Israéliens à la mer », en libérant la Palestine et toute la Palestine de je ne sais où à je ne sais où… et c’est ce parti, avec tout ce référentiel, qui a entrepris ce geste de recevoir un militant israélien.
Force est de reconnaître qu’il s’agit là d’une évolution cruciale, capitale, dans les relations entre les partis islamiques et l’Etat d’Israël ; et cela est d’autant plus important que le même militant israélien, quand il était venu dans le passé au Maroc à l’invitation de l’institut Amadeus, s’était exposé à une campagne féroce de la part de ceux-là mêmes qui le reçoivent aujourd’hui à leur congrès. Cela indique qu’il existe une évolution des conceptions sur le sujet dans sa globalité. Et tous les communiqués dénonçant, toutes les déclarations condamnant et toutes les prises de position émanant de toutes les instances de ce parti ou du mouvement prédicateur dont relève le PJD ou qui relève du PJD n’y pourront rien, et ne changeront rien à la nouvelle réalité qui est celle de la formation islamiste aujourd’hui.
Et cette réalité dit que le parti du chef du gouvernement, qui a reçu l’un des chefs de Hamas à l’extérieur – Khaled Michaâl – et qui a reçu en même temps le militant israélien, estime que la solution du conflit israélo-palestinien passe, et ne passe que par la mise en présence, autour d’une même table, « face to face », des parties concernées, et principalement les deux principales, afin qu’elles prospectent toutes les pistes de résolution d’un conflit qui ne peut durer indéfiniment.
Aujourd’hui, la question qu’il faut oser se poser, qu’il faut avoir le courage de prononcer est celle qui concerne les relations avec Israël, en faisant abstraction des clichés habituels et éternels, en se retenant de lancer ces accusations toutes prêtes de la part de gens qui n’ont jamais rien apporté d’utile à la Palestine, qui lui ont de tous temps menti, qui ont toujours fait commerce de son drame, et qui ont bâti des carrières non méritées sur le compte de la souffrance et du sang de ses enfants.
Et alors que l’environnement international n’aide en rien, ou en très peu, la Palestine est au bord de l’effondrement, ébranlée par la succession et la densité des informations et des évènements. Le temps n’est plus, désormais, où la question palestinienne occupait la Une des journaux arabes ; le temps n’est plus aussi où il ne se passait pas un jour où cette question était abordée car, dans la conjoncture actuelle, les peuples arabes sont occupés et préoccupés par leurs propres affaires intérieures qui ont donc surclassé la Palestine dans leurs journaux.
Aujourd’hui, nul ne fait plus attention à la Palestine sauf les Palestiniens et les courants religieux, ou non, qui ont réussi à diviser l’autorité palestinienne, à diviser la Palestine, avant même qu’elle ne devienne libre, en plusieurs micro-états… Hamas règne sur l’un d’eux, à Gaza, les restes de l’OLP gèrent la Cisjordanie, le Front de libération dirige quelques quartiers et la Jamaâ islamique s’est implantée ailleurs, et d’autres organismes que nous ne connaissons pas dominent d’autres régions que nous connaissons encore moins dans des fragments de territoires difficilement connaissables… et tous ces courants savent mieux que personne que le temps est venu de négocier ce qui reste de la Palestine, avant qu’il ne soit trop tard et qu’il n’y ait plus rien à négocier, ne laissant d’autre choix possible que la dissémination et la dispersion de ce malheureux peuple dans les contrées qui seraient prêtes à l’accueillir, comme cela se passait dans des temps aujourd’hui révolus.
Nous en arrivons donc à la situation du Maroc, où Abdelilah Benkirane et son parti viennent de recevoir le célèbre militant israélien. On peut considérer que ce geste en soi est un acte de courage politique qu’il faut porter au crédit du PJD. Je ne crois pas un seul instant que la chose n’ait pas été préméditée, bien au contraire… Je pense que cette initiative relève d’une posture politique claire et adressée à qui de droit ; et le traitement médiatique qui lui a été réservé ainsi que sa mise en valeur parmi tous les autres évènements qui ont marqué la grand-messe du PJD étaient volontaires. Le message est arrivé, clairement et explicitement.
Première conclusion à tirer de ce message, le PJD est devenu un parti d’Etat, un parti qui connaît l’ampleur de la responsabilité qui lui incombe désormais et qui mesure parfaitement les enjeux et les éléments qui déterminent la politique marocaine et qui la fondent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Abdelilah Benkirane, depuis la position qui est devenue la sienne, sait mieux que quiconque que les choses sont liées entre elles, et que le soutien international dont bénéficie le Maroc sur les plans économique et politique se fonde sur la modération dont il a toujours fait montre dans nombre de questions internationales, et surtout le conflit du Moyen-Orient.
Hassan II, que Dieu l’accueille en Sa Sainte Miséricorde, fut un précurseur dans ce domaine… Si les Arabes l’avaient écouté et suivi, la question palestinienne aurait été réglée depuis un temps déjà.
Devrons-nous donc attendre, un jour prochain, une visite d’Abdelilah Benkirane, en terres israéliennes ?
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