Ces étranges olim de France
Par Pascale Zonszain
Riches, pauvres, mal élevés, religieux. Quand on demande aux Israéliens ce qu'ils pensent des Juifs français qui s'installent dans leur pays, ils hésitent de plus en plus sur l'étiquette à leur accoler. Signe que l'alyah française est plus complexe qu'il n'y paraît.
Une des spécialités de la société israélienne a toujours été de dispenser des préjugés à chaque nouvelle vague d'alyah. Tous y ont eu droit, les Polonais, les Allemands, les Irakiens, les Marocains, les Russes et les Ethiopiens. Avec l'arrivée des Français, désormais suffisamment importante pour représenter un vrai phénomène de société, les "anciens", nés dans le pays ou immigrés de longue date, ont du mal à classer ces nouveaux venus.
Précédés par la réputation peu glorieuse des touristes qui avaient une fâcheuse tendance à se comporter en Israël comme des enfants gâtés à qui tout était dû et pour qui rien n'était jamais assez bon, les olim de France ont un certain mal à faire oublier ces stéréotypes. On leur reproche de profiter du système, de faire flamber les prix de l'immobilier ou de refuser de s'intégrer. Il leur faut donc expliquer que non, ils ne roulent pas sur l'or, qu'ils n'ont pas tous les moyens de s'acheter un penthouse à 8 millions de shekels sur le front de mer de Tel-Aviv et que s'ils ont décidé de quitter la France, c'est parce qu'ils pensent que ni eux ni leurs enfants n'y ont plus d'avenir.
Faire une vraie place aux “Tsarfatim”...
Depuis l'attentat de l'Hyper Cacher et de Charlie Hebdo en janvier dernier, les Israéliens ont réellement découvert que la France n'était plus le paradis qu'ils imaginaient. Ils ont compris la réalité de leurs coreligionnaires français confrontés à l'insécurité, à l'antisémitisme au quotidien et au déclin de la France. Alors, ils commencent doucement à réviser leurs idées préconçues, mais cela prendra encore du temps.
En attendant, les olim de France s'efforcent de trouver leur place et de se faire admettre. Avec 7 000 nouveaux arrivants en 2014, année record, ils sont devenus plus visibles. Le français ne résonne plus seulement sur le "Kikar" de Netanya au mois d'août. C'est maintenant toute l'année que l'on entend des familles ou des jeunes, dans les rues, dans les supermarchés, dans les dispensaires. Les immigrants français ont aussi leurs journaux, leurs sites Internet, leurs rendez-vous sur les réseaux sociaux où ils échangent informations et expériences dans leur langue maternelle.
Netanya, Jérusalem, Ashdod, Tel-Aviv et Raanana absorbent encore l'essentiel des olim de France, mais la hausse des prix des logements pousse maintenant les nouveaux venus vers d'autres villes plus abordables, comme Rishon LeTsion ou Hadera. A cette mobilité géographique, il faut aussi ajouter la mobilité sociale. Il n'est pas toujours facile pour les immigrants de trouver rapidement du travail dans leur domaine et ils doivent parfois se rabattre sur des emplois temporaires dans les call-centers ou les sociétés de change, où ils peuvent encore travailler en français. Et l'on sait qu'environ 20% d'entre eux ne parviendront pas à s'intégrer et feront demi-tour.
Les institutions israéliennes commencent à identifier le potentiel d'alyah de France et à s'y préparer, mais là encore, les mesures ne sont pas instantanées. Faciliter les équivalences de diplômes, prendre en compte les disparités socio-économiques des olim, encourager la création de PME, il reste encore beaucoup à faire. L'Agence Juive annonce l'arrivée de 3 000 olim de France au cours de l'été sur un total de près de 9 000 d'ici à la fin de l'année. De quoi motiver les Israéliens à faire une vraie place aux "Tsarfatim".
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