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Fin du monopole religieux ultra-orthodoxe en Israël

Fin du monopole religieux ultra-orthodoxe en Israël

 

 

Dans le monde religieux juif israélien, cela sonne comme une révolution : depuis mardi 29 mai, les orthodoxes ont perdu le monopole de la légitimité religieuse. Pour la première fois, le gouvernement a annoncé qu’il allait rémunérer des rabbins non orthodoxes, c’est-à-dire libéraux et massorti, et les reconnaître en tant que chefs de communautés, à l’égal de leurs confrères orthodoxes.

Tout a commencé il y a sept ans, par la saisie de la Cour suprême d’une requête, introduite au nom de la communauté juive libérale d’un kibboutz du centre du pays, Gezer, et son rabbin, Miri Gold. Parce que sa sensibilité est non orthodoxe et que s’y pratiquent la mixité et l’égalité entre hommes et femmes, aucun rabbin local payé par l’État ne pouvait y servir. Parce que Miri Gold est une femme, ordonnée rabbin par le mouvement juif libéral, elle ne pouvait pas servir dans les synagogues orthodoxes.

La demande, simple, appelait à une égalité de traitement financier entre les services religieux, quels que soient leur sensibilité. Après sept années de lutte menée par l’IRAC (Israel Religious Action Center), le groupe de pression et de défense des intérêts du judaïsme libéral en Israël, la Cour suprême a donné ordre à l’État, début mai, d’établir une égalité de traitement. Ainsi, pour la première fois en Israël, le gouvernement a annoncé qu’il allait rémunérer des rabbins non orthodoxes, c’est-à-dire libéraux et massorti (1), et les reconnaître en tant que chefs de communautés, à l’égal de leurs confrères orthodoxes.

Cette décision ne concernant dans l’immédiat que des rabbins de communautés rurales, une quinzaine en tout, essentiellement dans des kibboutz, les synagogues urbaines des courants non orthodoxes devront encore trouver elle-même de quoi payer leurs rabbins. Le rabbin Gilad Kariv, président du mouvement juif progressiste israélien (IMPJ), estime que cette première étape "vers l’égalité de tous les courants religieux juifs en Israël" reste soumise à l’application de cette décision.

Et le chemin promet d’être compliqué pour les nouveaux venus. Le ministre des affaires religieuses, Yacov Margi, du parti ultra-orthodoxe Shass, a d’ores et déjà prévenu qu’il démissionnerait si on tentait de le forcer à payer des rabbins qui n’auraient pas été reconnus par le Grand rabbinat d’Israël, lui-même ultra-orthodoxe.

Un problème qui devrait être contourné par l’accord conclu entre le gouvernement et l’IMPJ, en vertu duquel ces rabbins seront payés par le ministère de la culture et des sports. Miri Gold, qui sera la première à bénéficier de cette mesure, explique au magazine Tenou’a que sa "joie est tempérée par la réalité : cela va prendre du temps et il est probable que les partis orthodoxes vont chercher à contourner cette décision d’une façon ou d’une autre. Il y a pléthore d’ultra-orthodoxes, comme dans le parti Shass, qui ne peuvent pas accepter l’idée même d’un rabbin ordonné non orthodoxe".

Si elle ne craint pas une victoire sur le fond des ultra-orthodoxes, elle admet qu’ "ils pourraient parvenir à bloquer la situation" et à maintenir le statu quo. Pour elle aussi, il ne s’agit là que d’une première étape, et "il va falloir continuer à nous battre pour la reconnaissance des rabbins des zones urbaines et pour le droit à marier légalement les couples".

Si les courants progressistes sont majoritaires dans le judaïsme au niveau mondial, ils sont minoritaires en France et en Israël où il demeure, selon le rabbin Gold, "bien des non-pratiquants dont la définition du judaïsme est orthodoxe bien qu’eux-mêmes ne soient pas orthopraxes".

(1) Les courants juifs libéraux et massorti (reform et conservative en anglais) se distinguent des courants orthodoxes par la revendication de la concordance entre la tradition, les principes du judaïsme et le monde contemporain, par des pratiques égalitaires et par le rejet du rigorisme.

 

Antoine Strobel-Dahan, rédacteur en chef adjoint du magazine Tenou'a

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