La bombe nucléaire iranienne, une menace pour qui ?
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a qualifié samedi de « positives » les négociations sur le programme nucléaire iranien relancées à Genève début décembre avec les 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l'Allemagne (« 5+1 »). Ces négociations, qui se poursuivront fin janvier, ont repris après un an d'interruption durant lequel de nouvelles sanctions internationales ont été adoptées contre l’Iran économiquement asphyxié. En fait, la réouverture des négociations avec les grandes puissances traduit le désarroi de Téhéran, de plus en plus isolé, qui tente d’amadouer ses interlocuteurs pour gagner du temps et espère acquérir l’arme atomique avant que ses ennemis ne réagissent plus fermement.
Rompant avec la rhétorique anti-occidentale, le nouveau ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a tendu la main à l'Union européenne, puis a appelé à une coopération avec l'Arabie saoudite, dont les inquiétudes sur le programme nucléaire iranien et le désir de voir le régime iranien renversé ont été révélées par WikiLeaks. Salehi a aussi appelé à coopérer avec la Chine et la Russie, principaux « protecteurs » du programme nucléaire iranien avec la Corée du Nord, mais qui ont également « déçu » en soutenant le 4ème train de sanctions de l'Onu en juin dernier contre l'Iran. Mais le régime d’Ahmadinéjad n’est pas uniquement menacé de l’extérieur. Il redoute aussi les rébellions intérieures, tant politiques (révoltes estudiantines, opposition réformatrice, Moudjahidines du Peuple, etc) qu’ethno-religieuses (minorités azéries, arabes baloutches, azéries, kurdes et sunnites). Et les choses se compliquent si l’on sait qu’aux « ennemis » occidentaux » du régime s’ajoutent l’Arabie saoudite, le Pakistan et l’Afghanistan voisins, où les Talibans et Al-Qaïda, en guerre contre les « hérétiques » chiites, appuient les rebelles iraniens baloutches et leur organisation terroriste Joundallah... D’où l’attentat-suicide perpétré mercredi dernier 15 décembre (40 morts) dans la province iranienne du Sistan-Baloutchistan, frontalière de l’Afghanistan et du Pakistan, lorsque deux kamikazes sunnites se sont fait exploser au milieu des fidèles réunis lors de fêtes religieuses chiites de l’Achoura. Le Joundallah ("soldats de dieu"), à l’origine de l’attentat et qui défend la minorité baloutche sunnite d’Iran, a déjà sévi et inquiète le régime iranien : en octobre 2009, à Pichin, à la frontière pakistanaise, il a frappé le régime en plein cœur avec des attentats qui ont fait 40 morts, dont le général Nouri-Ali Shoushtari, n°2 des forces terrestres des pasdarans, et le général Mohammad-Zadeh, commandant du Sistan-Baloutchistan). Certes, le chef de Joundallah, Abdolmalek Righi, a été capturé et pendu en juin dernier (comme son frère Abdolhamid). Mais le mouvement a récidivé le 15 juillet par un nouvel attentat qui fit 30 morts et 250 blessés. L'attaque de jeudi a donc confirmé que grâce à ses bases-arrières afghano-pakistanaises, il pourrait contribuer à déstabiliser la république islamique iranienne dans le cadre d’une révolte des minorités (arabes, azéris, kurdes, etc) coordonnées avec une offensive de l’opposition. Pour faire oublier que le régime iranien, qui se veut le « leader de la révolution islamique », a tant d’ennemis musulmans intérieurs et extérieurs, Téhéran multiplie les attaques verbales contre le « démon » Israël et fait croire que la bombe iranienne serait capable d’en finir avec « l’entité sioniste ». En réalité, le but est d’endormir les pays arabo-sunnites, contre qui est tournée « l’arme nucléaire islamique », ce qui permettrait à Téhéran de changer l’équilibre régional. Cette guerre entre l’Iran chiite révolutionnaire (qui appuie les minorités chiites du Golfe assises sur des puits de pétrole) et ses ennemis arabo-sunnites remonte au Ier siècle de l’Islam, lorsque les partisans du califat sunnite ommeyade, l’emportèrent sur ceux du Calife Ali et de son fils Hussein (chiites), tué en 680 lors de la bataille de Kerbala (Irak). Or chiites et sunnites s’entretuent encore au Pakistan, en Iran, en Irak, au Liban, en Afghanistan, ou ailleurs pour cette bataille fondatrice.
Alexandre del Valle est géopolitologue, auteur de nombreux articles et ouvrages dont "Le Totalitarisme Islamiste" et "Le Dilemme Turc" parus aux éditions des Syrtes.
Posté par Alexandre del Valle
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