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Le bouclier antimissile sera-t-il prêt si l’Iran réplique à une frappe israélienne?

Le bouclier antimissile sera-t-il prêt si l’Iran réplique à une frappe israélienne?

 

 

Dans la guerre Israël-Iran qui s'annonce, du matériel militaire sera utilisé pour la première fois. En fonction des résultats, cela aura des implications géopolitiques jusqu'en Asie.

 

Dans un article paru le 15 août dernier, Bloomberg dépeint une opinion publique israélienne sombre et inquiète se préparant à une guerre contre l’Iran. Les gens font la queue devant les centres de distribution installés dans les centres commerciaux pour obtenir un masque à gaz, tout en se demandant quand l’aviation israélienne va bombarder les installations nucléaires iraniennes.

Bien qu’il soit possible que l’Iran fasse preuve de retenue — afin d’exploiter la potentielle indignation suscitée par les frappes en vue d’ouvrir une brèche dans le mur politique et économique qui isole le pays depuis plusieurs années — pour tout le monde ou presque, une frappe israélienne serait rapidement suivie de représailles militaires iraniennes. Matan Vilnai, ministre de la défense civile sur le départ et ancien général, pronostique un conflit d’un mois, et invite le pays à se préparer à des centaines de frappes de missiles, pour un bilan final de 500 morts.

Une guerre nouvelle

En 2006, le Hezbollah avait bombardé, plusieurs semaines durant, le nord d’Israël, au moyen de roquettes à courte portée. Le Hamas, pour sa part, tire toujours occasionnellement des roquettes sur les villes aux alentours de Gaza.

Une guerre contre l’Iran, toutefois, exposerait Tel Aviv, Jérusalem et d’autres zones urbaines importantes, ainsi que des bases militaires, à des frappes intensives de missile à longue portée, et constituerait la première guerre de ce type depuis le conflit dans le Golfe de 1991. L’intensité de ces bombardements permettrait de tester l’efficacité des boucliers antimissile, dans lesquels beaucoup d’espoirs ont été investis, non seulement par Israël, mais également par les Américains, dont la stratégie en Asie-Pacifique est fondée en grande partie sur les systèmes missiles/antimissiles.

Les centaines de frappes de missiles quotidiennes que prédit Vilnai impliquent que le Hezbollah se joigne à l’Iran et bombarde de nouveau le nord d’Israël de Katiouchaset autres roquettes, principalement à courte portée. Même s’il s’abstient — par crainte d’une raclée de l’armée israélienne et de la perspective d’avoir à se rétablir sans l’aide d’une Syrie en décomposition — Israël aurait à affronter un arsenal de missiles balistiques iranien en plein développement.

Le plus préoccupant est le Shahab-3, un missile qui, selon une analyse du Centre for Strategic and International Studies (CSIS) a une portée de 1 300 kilomètres et peut être doté de têtes conventionnelles ou chimiques de 760 à 1 100 kilos. Le Congressional Research Services des États-Unis estime que l’Iran possède entre 25 et 100 missiles Shahab-3, déployés aussi bien dans des silos souterrains que sur des camions lanceurs (selon le rapport du CSIS, toutefois, les responsables iraniens doivent faire avec des problèmes de régularité et de précision, et de fiabilité des têtes).

Baptême du feu des boucliers

Face à l’Iran, Israël peut aligner son système de bouclier antimissile Arrow, spécialement conçu pour contrer la menace des Shahab-3. Le système Arrow est testé et déployé, mais doit encore passer l’épreuve du feu. Les États-Unis ont positionné en Israël une installation radar bande X de haute puissance et à longue portée, qui renforce les capacités de détection du système Arrow et fournit des données de ciblage aux propres systèmes de défense antimissile du Pentagone.

Les performances du système Arrow et du bouclier antimissile américain dépendront de la faculté de tous les radars et détecteurs de la région à collecter, transmettre et intégrer leurs résultats — autant de paramètres jamais encore éprouvés en situation de conflit réel. Les opérateurs d’Arrow, en particulier, doivent se préparer à affronter une attaque de grande envergure, impliquant éventuellement une dizaine, ou plus, de Shahab-3. Il est très peu probable que le système ait jamais été soumis à une simulation en tir réel impliquant une telle quantité de Shahab-3. L’Iran aura grandement intérêt à lancer un raid de large envergure de ce genre, aussi bien pour pousser Arrow dans ses limites avant que les derniers bugs du système aient pu être corrigés, que pour employer ses missiles avant qu’ils ne soient détruits au sol au cours de la contre-attaque aérienne israélienne.

Les croiseurs et destroyers lance-missiles de la marine américaine sont pour la plupart équipés du bouclier antiaérien et antimissile Aegis. Le système Aegis, conçu à l’origine pour protéger les forces navales opérationnelles d’une attaque missile a été revu et promu à un rôle de premier plan dans la défense antimissile du pays. Certains de ces navires pourraient être positionnés pour assurer une mission de défense antimissile d’Israël.

Les responsables politiques américains auront à décider d’affecter ou non ces bateaux, s’ils sont sur place, ainsi que les autres dispositifs antimissiles américains, à la défense de l’état d’Israël contre une frappe initiale. En s’abstenant, ils permettraient à Israël de faire la démonstration de ses propres capacités de défense antimissile, et priveraient l’Iran d’une excuse justifiant une extension du conflit avec les États-Unis dans le golfe Persique. Il est néanmoins probable que Washington choisira de s’engager, aussi bien pour tester les systèmes de défense antimissile américains en situation de combat (afin d’en identifier les défaillances éventuelles) que pour démontrer à ses alliés en Europe, en Asie et au moyen Orient que les accords de défense antimissile signés avec les États-Unis sont respectés quand en vient le besoin.

Effets collatéraux sur l'Asie

Le résultat d’une guerre de missiles entre Israël et l’Iran aura des implications profondes pour les stratégies et les investissements militaires en Asie. L’expansion et la modernisation des arsenaux chinois de missiles balistiques et de croisière sont un sujet récurrent dans les rapports annuels du Pentagone sur la puissance militaire chinoise.

Dans une étude récente menée par le CSIS pour le Pentagone, les auteurs pointent la vulnérabilité des bases militaires américaines dans le Pacifique à une attaque au missile, et recommandent un renforcement des défenses antimissiles ainsi qu’une meilleure dispersion des installations et des flottes aériennes dans la région.

En cas de résultat asymétrique, les stratèges militaires de chaque côté s’empresseront de réviser leurs hypothèses de départ. Si Arrow et les boucliers antimissiles de la marine américaine réussissent à intercepter un raid de grande envergure de Shahab-3, les stratèges américains seront confortés dans leur détermination à conserver une présence avancée dans le Pacifique ouest, face à la Chine et son arsenal de missiles en pleine croissance.

À l’inverse, si l’Iran arrive à frapper Tel Aviv et d’autres cibles en Israël, les responsables politiques américains en viendront probablement à douter du futur à long terme de leur stratégie avancée dans le Pacifique. Le résultat d’une guerre de missiles affectera également le débat en cours sur le financement des laborieux efforts du Pentagone visant à ériger des défenses limitées contre les missiles intercontinentaux.

En cas de frappe israélienne sur l’Iran, il n’y aura pas d’avertissement. Israël préférerait donner à sa population le temps nécessaire à se préparer aux tirs de représailles iraniens, mais n’ayant vraisemblablement droit qu’à un seul essai pour la destruction du programme nucléaire iranien, Israël voudra conserver à sa première frappe aérienne l’effet de surprise. Dans l’idéal, les responsables israéliens préféreraient également mener les préparatifs de leur bouclier antimissile en coordination avec le Pentagone et la marine américaine. Mais le premier ministre Benjamin Netanyahu devra évaluer le risque d’une fuite provenant de Washington, où l’on préférerait voir Israël garder l’arme au pied. L’attaque israélienne serait donc «une surprise totale», conçue pour prendre de vitesse les défenses aériennes de l’Iran, détruire les installations de son programme nucléaire, tuer les ingénieurs et les techniciens iraniens et démoraliser les survivants.

Vilnai a peut-être raison: le conflit finirait par s’essouffler après un mois, au minimum par épuisement des stocks de missiles. Mais cela ne signifierait pas pour autant la fin de la guerre, qui connaîtrait nécessairement des tournants imprévisibles par la suite. Si Netanyahu et son équipe décident de frapper, ils entreront dans l’inconnu. Et dans le reste du monde, ce sera la débandade afin de se préparer à la secousse, du mieux qu’on le peut.

Robert Haddick

Traduit par David Korn

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