Les orfevres Juifs du Maroc
La fabrication des bijoux a été pendant longtemps au Maroc la spécialité d’artisans juifs. Il semble que ce monopole remonte à une période très ancienne. Dans sa description de l’Afrique au XVI e siècle, Léon l’Africain indique qu’à Fès, seuls les Juifs étaient autorisés à travailler les métaux précieux, car pour les Musulmans le fait de vendre des objets d’or ou d’argent plus chers que le prix de leur poids de métal était considéré comme de l’usure, proscrite par l’Islam.
Tous les bijoux citadins et la plus grande partie des bijoux berbères ont donc été faits par des artisans juifs jusqu’à ce que quasi la totalité de leurs communautés quittent le Maroc. Dans les régions berbères méridionales, on comptait cependant quelques noyaux d’artisans bijoutiers musulmans ; c’était le cas autour de Tiznit et Tafraout, où ils coexistaient avec les bijoutiers juifs nombreux dans certains villages, comme Tahala. Dans le centre de l’Anti-Atlas, le travail des artisans musulmans de Tagmoute était jadis très renommé, mais cette activité avait déjà pratiquement cessé au milieu du XX e siècle pour des raisons inexpliquées.
Dans les autres régions rurales du Maroc, les habitants se fournissaient auprès de bijoutiers vivant dans des hameaux juifs, les mellahs, dispersés sur tout le territoire, principalement le long des voies de communication. Ces bijoutiers fabriquaient les parures des tribus environnantes, selon des procédés et des formes adoptés par chaque groupe, de temps immémorial.
L’argent était le métal caractéristique des bijoux berbères, sa couleur blanche était considérée comme bénéfique. Au nord de l’Atlas, à l’intérieur et au sud-est de ce massif jusqu’à la vallée du Drâa, les techniques étaient simples. L’argent était moulé pour les bijoux qui devaient être robustes, bracelets et fibules.
Les parures de tête ou de poitrine comportaient des pendentifs minces en argent plané et gravé. Chez les Imerhane et les Aït Ouaouzguit, on recourait de très longue date, pour le décor des bijoux, à la technique du filigrane. Dans l’Anti-Atlas central et occidental, ainsi qu’à Tiznit dans la plaine côtière, la production de bijoux a été considérable ; ils étaient caractérisés par l’emploi souvent simultané sur une même parure de deux techniques, le niellage et la pose d’émaux cloisonnés.
Les bijoux citadins sont différents des bijoux berbères par les formes des modèles et par de nombreuses particularités de leur exécution. Dans les villes du Nord du pays, et principalement à Fès, Meknès et Tétouan, les bijoux d’autrefois, dans les classes aisées, étaient en or ou tout au moins en argent doré, et fréquemment ornementés de pierreries ou de perles baroques. Les techniques les plus employées dans les villes étaient le découpage à claire-voie et la ciselure.
Il faut rappeler que les artisans qui travaillaient les métaux précieux ne se limitaient pas à la production de bijoux. Les bijoutiers juifs réalisaient naturellement les objets d’argent liés à l’exercice de leur culte et des accessoires rituels. En ville, ils fabriquaient et ornementaient à la demande de petits objets usuels. D’autre part, le rôle des orfèvres était important dans la décoration des armes et d’accessoires comme les poires à poudre. C’est ainsi qu’ils ciselaient et parfois émaillaient les manches et les étuis des poignards, gravaient et niellaient, là où la technique en était traditionnelle, les plaques qui garnissaient les crosses des fusils et les bagues qui en entouraient le canon.
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