Marginal dans l'électorat, le "vote juif" se porte plus volontiers à droite que dans les années 1970
Existe-t-il un "vote juif" au sens où les électeurs de confession juive apporteraient massivement leur vote à un parti donné ? La question est recurrente depuis les années 1970. Relève-t-elle du fantasme ? Trois questions à Jérôme Fourquet (Ifop)
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a organisé, mercredi 8 février, son dîner annuel. Le président de la République y a prononcé un discours. Le matin même, Nicolas Sarkozy avait reçu à l'Elysée Gilat Shalit - soldat franco-israélien retenu en otage pendant cinq ans par le Hamas dans la bande de Gazza et libéré contre 1 000 prisonniers palestiniens remis par Israël, il y a quelques mois.
Cette manifestation prenait un relief particulier, cette année, à 75 jours de l'élection présidentielle. Pour preuve, elle a donné l'occasion au candidat socialiste François Hollande, qui était aussi invité au dîner, de saluer le chef de l'Etat qui, lui, n'a pas encore déclaré sa candidature.
Bon nombre de personnalités, politiques ou non, ont l'habitude de participer à cet événement qui oscille entre l'engagement partisan et la manifestation mondaine. Certains estiment utile d'y être vu quand d'autres préfèrent ne pas y être associé.
Depuis la décennie giscardienne des années 1970, le concept de "vote juif" a fait irruption dans le monde politique. Parfois utilisé avec des arrières-pensées pas toujours avouables, le "vote juif" est-il une réalité ou un fantasme ? Ces électeurs sont-ils attirés par le Front national ? Réponses d'un spécialiste des études d'opinion. FTV 2012 s'est adressé à Jérôme Fourquet, directeur à l'Ifop.
Existe-t-il un "vote juif " spécifique ?
Jérôme Fourquet – De quoi parle-t-on ? Quel est le poids de cette population ? Dans un cumul d’enquêtes réalisées sur plusieurs années, le nombre de personnes se déclarant de confession juive atteint un taux de 0,7%. Même avec une sous-déclaration, cela représente 300 000 personnes ce qui relativise ce vote au regard de la population totale en âge de voter.
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En tendance, dans les années 1970, les votes de cette population étaient plutôt acquis à la gauche. Aujourd’hui, grâce à un cumul d’enquêtes effectuées entre 2008 et 2011, on décèle un basculement de la proximité politique.
La droite (UMP) est sur-représentée dans le vote de cette population (40% contre 26% pour l’ensemble de l’électorat) alors que la gauche (le PS moins fortement) est sous-représentée (40% contre 48%). Cette sous-représentation affecte essentiellement l’extrême gauche et les écologistes.
Comment s’explique ce basculement de gauche à droite ?
Il peut y avoir deux explications de fond et une troisième plus circonstancielle. Premièrement, il y a les prises de position de la gauche dans le conflit israélo-palestinien. Très pro-israélien dans les années 1970, le PS s’est rapproché de la cause palestinienne.
Deuxièmement, il y a peut-être un sentiment plus marqué d’insécurité de cette population très implantée en Ile-de-France. La délinquance et les actes à connotation antisémites créent ce sentiment d’insécurité.
Le troisième facteur, plus circonstanciel, est l’intérêt que Nicolas Sarkozy a montré pour cette population et pour Israël sur le long terme. Sa présence au dîner du Crif est un symbole de cet attachement stratégique.
On peut noter, du reste, que les soutiens les plus fermes du chef de l’Etat se trouvent actuellement dans l’électorat des catholiques pratiquants et chez les électeurs de confession juive. Ce qui, a contrario, l’éloigne de l’électorat de confession musulmane.
Y a-t-il un "vote juif" en progression pour le Front national ?
La radicalisation de cet électorat ne va pas jusque là. Il n’existe pas d’éléments sérieux montrant une poussée massive et pas de traces mesurables dans nos enquêtes. Au contraire, il y a plutôt une proximité inférieure à ce qu’on observe dans l’ensemble de la population.
Le passage de témoin entre Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen a peut-être favorisé un glissement mais il s’agit plus d’une supposition que d’une observation.
Cette supposition peut aussi s’appuyer sur les efforts que la présidente du Front national déploie en direction de cet électorat.
Mais une fois encore, je le répète nous parlons d’une population qui représente 0,7% de l’ensemble de l’électorat.
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