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Qui se cache derrière le film anti-islam ?

Qui se cache derrière le film anti-islam ?

 

Lepoint.fr

Le dénommé Sam Bacile, qui avait déclaré être israélo-américain, serait en réalité un chrétien copte vivant aux États-Unis.

Qui est vraiment Sam Bacile, le réalisateur du controverséL'innocence des musulmans ? La révélation, mardi, par le Wall Street Journal de la double nationalité israélo-américaine du cinéaste a enflammé le monde musulman. Son film est une ridicule sous-production de deux heures ouvertement à l'encontre des musulmans. Nombre de fidèles y ont vu la preuve d'un complot impérialiste "américano-sioniste" contre l'islam. Pourtant, même si, selon le Wall Street Journal et Associated Press, c'est le réalisateur lui-même qui a annoncé sa double nationalité israélo-américaine, la réalité serait tout autre. 

Tout d'abord parce que le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères a nié tout lien entre Israël et l'auteur du film, qu'il qualifie d'"intolérable intolérance". "Il ne l'a pas fait pour nous, ni en coordination avec nous, ni par aucun canal connecté aux institutions israéliennes", affirme Yigal Palmor à l'AFP. "C'est un franc-tireur, il ne représente que lui-même", a-t-il insisté. Surtout, d'après Steve Klein, un militant chrétien qui a collaboré sur le film, le nom "Sam Bacile" serait en réalité un pseudonyme, a-t-il annoncé à Associated Press. En réalité, le réalisateur ne serait pas israélien, mais chrétien.

Soutien aux Coptes d'Égypte

Ces révélations ont amené l'agence de presse américaine à mener une enquête en Californie. Celle-ci l'a conduite en banlieue de Los Angeles, au domicile de Nakoula Basseley Nakoula, un Copte (chrétien d'Égypte, NDLR) de 55 ans. Si celui-ci admet avoir fourni des moyens logistiques pour le tournage du film, il nie toutefois catégoriquement en être l'auteur. D'après lui, le réalisateur a faitL'innocence des musulmans en soutien aux Coptes d'Égypte, victimes, selon lui, de mauvais traitements de la part de leurs compatriotes musulmans. Mais, d'après Associated Press, le traçage du téléphone portable utilisé mardi par le dénommé Sam Bacile renvoie au même pavillon de banlieue, où vit Nakoula Basseley Nakoula.

Pire, lorsque ce dernier tend aux journalistes son permis de conduire pour ainsi témoigner de son identité, il cache volontairement son deuxième nom avec son pouce : celui-ci se révélera être Basseley. De leur côté, les journalistes de l'AFP, qui se sont également rendus sur place, ont constaté, hormis la présence de plusieurs voitures de police, une étrange similitude entre la porte d'entrée du domicile de Nakoula Basseley Nakoula et une porte apparaissant dans plusieurs scènes du film. Dans les deux cas, celle-ci est ornée de deux fenêtres semi-circulaires aux motifs assez originaux. L'AFP révèle d'autre part que le Copte a été condamné à 21 mois de prison en 2010 pour escroquerie bancaire.

Récupération salafiste

Comment les journalistes ont-ils repéré l'homme ? Associated Press affirme avoir obtenu son numéro par le biais de Morris Sadek. Cet autre Copte américain a été un des premiers à faire la promotion du film sur son site internet. "C'est par le biais de ce site que la nouvelle de l'existence du film a été introduite en Égypte", indique au Point.fr Stéphane Lacroix *, spécialiste de l'Égypte. Mardi, des milliers de manifestants, en majorité des salafistes, ont attaqué l'ambassade américaine au Caire. 

"En Égypte, poursuit l'expert, la crise suscitée par le film est venue se greffer sur des questions confessionnelles. Des groupuscules salafistes, en marge du grand parti fondamentaliste al-Nour (désormais installé sur la scène politique égyptienne, NDLR), ont enjoint à leurs membres de manifester." Très vite, des slogans anti-coptes se sont mêlés à la traditionnelle rhétorique antiaméricaine. Comme un symbole, les islamistes sont finalement parvenus à arracher le drapeau américain, avant de le remplacer par un étendard islamique représentant le califat. 

L'équipe du film trompée

"Ces groupes marginaux s'emparent de ces questions pour exacerber les tensions confessionnelles, analyse Stéphane Lacroix. Leur stratégie est de gagner la rue, à défaut du pouvoir, pour s'affirmer." Sentant immédiatement le piège qui leur était tendu, les Coptes d'Égypte se sont très vite distanciés de l'initiative de Morris Sadek. L'Union des jeunes de Maspéro et la Coalition de l'Égypte copte ont appelé à un rassemblement mercredi au Caire contre L'innocence des musulmans. Dans un communiqué, les deux mouvements militants coptes ont condamné "toute forme de mépris contre quelque religion que ce soit, de même que toute tentative de semer la discorde entre personnes de différentes confessions".

Ils ne sont pas les seuls à s'être désolidarisés de "l'oeuvre". Dans un autre communiqué, cette fois publié par le Los Angeles Times, l'équipe du film affirme avoir été trompée. "Nous sommes à 100 % contre ce film et avons été grossièrement trompés sur ses intentions et objectifs", souligne l'équipe du film. En effet, sur les 14 minutes du film visibles sur Internet, il apparaît clairement que des mots ont été grossièrement insérés au montage, au beau milieu de séquences. 

 

* Stéphane Lacroix, professeur à l'École des affaires internationales (PSIA) de Sciences Po et chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (CERI).

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