Rabbi Eliezer Davila, le sauveur de la ville de Rabat
Son nom de famille renvoie à une ville espagnole de Castille qui abritait une communauté juive depuis au moins le XIe siècle. Au Maroc, le nom de famille Davila (ou De Avila) est apparu à Meknès au XVIIIe siècle avec son père Samuel De Avila. Eliezer Davila était un grand rabbin de Rabat-Salé et de Marrakech, né à Salé en 1714.
Sa famille, liée à celle de Hayyim Ben Attar, avait quitté Meknès «en raison des impôts excessifs qui lui étaient imposés» avant d’élire domicile à Salé, rapportent Saul Aranov et Ariel Bension dans «A Descriptive Catalogue of the Bension Collection of Sephardic Manuscripts and Texts» (Editions University of Alberta, 1979).
Âgé d’à peine 15 ans, Rabbi Eliezer Davila épousera la fille du rabbin Elijah Halevi de Salé. Il deviendra vite «l'un des plus grands talmudistes de son époque», comme l’avance la plateforme Judaisme-marocain. En effet, le rabbin serait l'auteur de plusieurs livres, dont un recueil de décisions juridiques, un recueil de sermons ou encore l’ouverage «Milhémet Mitsvah», sur les prescriptions, coutumes et traditions juives. Beaucoup de ses œuvres auraient été publiées à titre posthume par son gendre.
«Rabbi Eliezer fonda une yéchivah à Rabat, qu’il dirigea pour les sages qui se présentaient de toute la région pour étudier la Torah en profondeur. Tout ce qu’il voulait, c'était trouver de nouvelles interprétations (...) avec ses élèves», rapporte la plateforme Hevrat Pinto.
L’histoire raconte comment cet érudit juif quitte ce monde à l’âge de 47 seulement. Dans un livre intitulé «Men of Faith», publié sur le site de la fondation Hevrat Pinto, on raconte que le rabbin aurait appris, quelques mois auparavant, qu’il allait mourir. «Il se promenait avec Khalifa Ben Malka lorsqu’un célèbre sorcier non juif les croisa. Lorsque le sorcier arriva à portée de voix des deux, il laissa entendre au rabbin Khalifa de manière détournée que le rabbin Eliezer périrait dans l'année», rapporte-t-on.
Atristé, Rabbi Khalifa finit alors par révéler à son ami les propos tenus par le sorcier. «Le rabbin Eliezer n'a pas du tout perdu son sang-froid. Sans aucune trace d'anxiété, il s'est tourné vers le rabbin Khalifa et a dit : ''En fait, je suis joyeux ; je ne suis pas inquiet du tout. C'est parce que je sais que j'ai parfaitement rempli ma mission dans ce monde. Maintenant, je peux le laisser''», poursuit-on.
Rabbi Eliezer et le raz-de-marée de Lisbonne
Rabbi Eliezer meurt en 1761 et sera enterré dans l’ancien cimetière juif de Rabat, laissant derrière lui ses ouvrages, mais aussi plusieurs légendes sur son vécu. En effet, dans «Il était une fois le Maroc» (Editions iUniverse, 2012), David Bensoussan raconte que Rabbi Eliezer Davila «aurait fait retourner les vagues de l'océan lors du raz-de-marée de Lisbonne de 1755 en plantant son bâton dans la mer».
Cette version figure aussi dans «Saint Veneration Among the Jews in Morocco» (Editions Wayne State University Press, 1998). Son auteur Issachar Ben-Ami rapporte, à deux reprises, comment le sultan du Maroc à l’époque se serait adressé au rabbin pour lui demander son aide. «Le sultan l'a accompagné. De ses propres yeux, il a vu que cela allait arriver. Le saint prit donc son bâton et le plaça à un certain endroit, et les vagues ne dépassèrent pas le bâton du saint», raconte-t-il. «Le saint se tourna vers le sultan et lui dit : méfiez-vous ! Ne faites pas de mal aux juifs!»
Il rapporte aussi le récit d’une juive qui raconte comment sa communauté assure que le saint aurait «arrêté la mer». «Son bâton a été enterré près de la porte du Mellah. Chaque fois que quelqu'un entrait, il l'embrassait», assure-t-elle.
L’héritage de Rabbi Eliezer se poursuivra après sa mort. Ainsi, son fils Mosheh (décédé en 1723) deviendra grand rabbin de Meknès puis de Rabat. De la famille Davila, Meir De Abila choisira aussi le rabbinat, au XIXème siècle, dans la ville de Sefrou, écrit la plateforme Beit Hatfutsot.
La hiloula de Rabbi est célébrée le 3 adar, jour de son décès d'une crise cardiaque.
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