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Samson, le nazir

Samson, le nazir

L’un des principaux sujets traités dans la parachath Nasso concerne le nazir , c’est-à-dire celui qui a fait voeu d’abstinence ( Bamidbar  6, 1 à 21). Sa réplique dans le séfèr Choftim est constituée par le récit de la naissance et de la vie de Samson, et sa haftara est empruntée au chapitre 13 qui retrace les événements ayant précédé la naissance de ce « juge ».

De multiples dissemblances différencient toutefois l’état de nazir tel qu’il est réglementé par la Tora et le destin de Samson :

En premier lieu, selon la Tora , les principales interdictions qui s’imposent au nazir sont les suivantes :

1°. Interdiction de consommer du vin ou des boissons à base de raisins.

2°. Interdiction de se couper les cheveux.

3°. Interdiction d’entrer en contact avec un mort.

4°. Interdiction de se rendre impur lors du décès d’un de ses proches (père, mère, frère et s?ur).

Dans le cas de Samson, cependant, seules lui ont été applicables les deux premières interdictions, et celui-ci, en de multiples circonstances, a tué des Philistins ? et s’est donc rendu impur  sans encourir aucun reproche quant à sa conduite (voir Radaq 
ad  14, 19).

En deuxième lieu, l’état de nazir , selon la Tora , est provisoire : Il dure normalement trente jours ( Michna Nazir  1, 3), et celui qui a fait voeu d’abstinence est tenu, à la fin du temps imparti, d’apporter un sacrifice expiatoire, et ce pour avoir « péché contre son âme » ( Bamidbar  6, 11). En effet, expliquent les rabbins, il a eu le tort de rejeter les biens terrestres que Hachem lui a accordés et dont il aurait profité s’il n’avait pas prononcé son engagement. Se mortifier inutilement est aller à l’encontre de Sa volonté (voir notamment Taanith 11a).

Samson, au contraire, a été un «  nazir perpétuel » (« dès le ventre [de sa mère] »  13, 5).

Enfin, l’état de nazir ne s’impose normalement qu’à celui qui a fait v?u de le devenir, et il n’entraîne aucun effet sur sa famille. Dans le cas de Samson, au contraire, sa mère a reçu l’ordre de s’abstenir, avant même la conception de son fils, de tout vin et de toute boisson forte, ainsi que de tout aliment impur (13, 4 ? 7 ? 13 ? 14).

Le destin de Samson : providence et libre-arbitre

Samson est caractérisé par une personnalité complexe. La tradition talmudique lui reproche d’avoir « suivi les désirs de ses yeux » (Sota 9b), en d’autres termes de s’être laissé guider par ses inclinations les plus sensuelles, notamment dans le choix de ses épouses, raison pour laquelle il a été puni par Hachem. Mais elle lui sait gré, en même temps, d’avoir œuvré pour la punition des ennemis d’Israël, puisqu’il s’est sacrifié en abattant sur eux les murs de leur Temple et pour avoir ainsi « fait mourir dans sa mort plus de Philistins qu’il en avait fait mourir pendant sa vie » (Juges 16, 30).

Cette contradiction soulève la question de la providence et du libre-arbitre. Si Samson a été un instrument de Hachem et si tous ses actes n’ont été que l’exécution de sa mission, pourquoi a-t-il été puni aussi sévèrement ? Les Sages, dans leur analyse de cette histoire, y voient la preuve que Samson a été responsable de son propre comportement répréhensible, mais son histoire semble également indiquer que l’ensemble de sa conduite faisait partie du plan divin pour punir les ennemis d’Israël.

La réponse à ce dilemme est ambivalente : Hachem affirme que Son plan général est dicté par Sa providence, mais les détails du comportement de Samson sont de sa propre responsabilité. Cette dialectique est, par essence, la base de la tradition juive. Nous vivons avec le sentiment que Hachem est impliqué dans nos vies, mais aussi avec la conviction que chacun de nous est responsable de ses actes.

La mère de Samson

Le chapitre 13 du livre des Choftim (« Juges ») relate avec force détails les circonstances de la naissance de Samson, et en particulier la façon dont celle-ci a été annoncée à ses parents.

Tout au long de ce chapitre, c’est sa mère qui occupe le devant de la scène. C’est à elle qu’un ange de Hachem annonce qu’elle aura un fils (13, 3), c’est à elle qu’il est fait injonction de ne boire ni vin ni boisson forte, et de rien manger d’impur (13, 4), et c’est par elle, et non par l’ange, que son mari apprendra la nouvelle de sa future paternité. Signalons en outre que le mari est terrorisé à l’idée d’avoir reçu la visite d’un ange, et que c’est sa femme qui le rassure : « Si Hachem avait voulu nous faire mourir, Il n’aurait pas accepté de notre main un holocauste et une oblation, et Il ne nous aurait pas fait voir toutes ces choses, et ne nous aurait pas fait entendre alors des choses comme celles-là » (13, 23).

On ne peut donc que s’étonner de ce que le texte de ce chapitre, qui répète à l’envi ? pas moins de dix-sept fois ? le nom du père de Samson, Manoa?h, reste muet sur celui de sa mère.

Ce n’est que dans les textes postérieurs que nous est livrée la clé de l’énigme : Elle s’appelait Tselalfonith ( Baba Bathra 91a), Hatselalfonith ( Midrach Echeth ?Hayil ), ou encore Hatselelponi, de la tribu de Juda (I Chroniques 4, 3).

Dans son ouvrage Benayiahou ben Jehoïyada sur Baba Bathra , le Ben ich ?Haï explique ainsi la discrétion du texte biblique : Etant donné que l’ange de Hachem s’est adressé à plusieurs reprises à Tselalfonith, les hérétiques auraient pu la considérer comme une prophétesse, ce qu’elle n’était pas, et ils auraient pu en venir à s’interroger sur son nom.

C’est pour éviter que soit commise une telle erreur que le texte a dissimulé son identité.

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