Une campagne contre l'"abattage rituel" vise le halal et le casher
Par Florent Deligia
Vingt-quatre heures avant son lancement national, la campagne d'information sur l'abattage rituel s'affiche déjà ce lundi dans les rues de Lyon. Portée par des associations de protection des animaux parmi lesquelles la fondation Brigitte Bardot, elle entend sensibiliser le grand public sur les méthodes d'abattage rituel, au risque d'être accusée d'islamophobie.
En novembre, une campagne de publicité décrivant le procédé avait été interdite par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), ce qui avait suscité la colère des partisans d'un abattage après étourdissement (électrocution, gazage…). Les militants d'extrême droite y avaient vu la preuve d'une « islamisation des consciences ».
Cette fois, les visuels choisis ne font plus référence aux termes halal et casher, mais simplement à l'« abattage rituel ». A côté de la photo d'une vache, des phrases sans équivoque :
« Cet animal va être égorgé à vif sans étourdissement et dans de grandes souffrances. C'est ça, un abattage rituel. »
Le tout suivi d'une citation sur fond rouge :
« Du point de vue de la protection des animaux et par respect pour l'animal en tant qu'être sensible, la pratique consistant à abattre les animaux sans étourdissement préalable est inacceptable, quelles que soient les circonstances. Fédération des vétérinaires d'Europe. »
Sur le site, une photo couleur pour frapper les esprits
A l'origine de cette campagne, un collectif de plusieurs associations, dont la Fondation Brigitte Bardot, qui militent pour la fin de l'abattage rituel sans étourdissement et réclament en attendant un étiquetage spécifique, précisant si l'animal a été mis à mort dans ces conditions. Selon elles, des animaux abattus de manière rituelle sont parfois vendus dans la filière classique, sans que cela soit précisé.
Les affiches renvoient vers le site de la campagne, où les deux méthodes d'abattage sont décrites. L'abattage conventionnel est illustré par des dessins monochromes, tandis que l'abattage rituel, lui, est représenté avec une photo qui en manquera pas de choquer les plus sensibles.
Selon le collectif, il est possible de mettre en place un abattage rituel comprenant un étourdissement de la bête avant sa mise à mort. Un procédé rejeté par une partie des juifs et des musulmans, mais déjà utilisé par de grands groupes industriels.
Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, estime que cette méthode « ferait souffrir doublement les animaux » :
« Personne ne peut dire que l'abattage rituel fait davantage souffrir les bêtes, des études montre qu'aucune méthode n'est moins dure. Il y a une volonté de nuire aux juifs et aux musulmans.
Si demain ; les industriels doivent étiqueter la viande [comme les défenseurs des animaux le demandent, ndlr], ils renonceront à faire du halal et du casher.
Les associations militaient autrefois contre les abattages illégaux lors de l'Aïd. Avec l'Etat nous avons fait des efforts et remédié à ce problème, elles ont trouvé un nouveau prétexte. »
Un « Wikileaks du halal » pour davantage de transparence
Bien que regrettant le ton partial de la campagne, Fateh Kimouche, fondateur du site communautaire musulman Al Kanz, estime que l'étiquetage pourrait être une bonne chose :
« Il y a beaucoup de faux halal, après électrocution. Avec l'étiquetage, les industriels seraient obligés de clarifier leurs méthodes d'abattage. Je suis pour un “Wikileaks du halal” : s'il y avait plus de transparence, il y aurait moins de fraude. »
Fateh Kimouche estime cependant que cette campagne donne l'impression que l'abattage après étourdissement ne pose aucun problème :
« Nous vivons dans un monde aseptisé, édulcoré, où tout est beau avec de jolies vaches dans de vertes prairies. Si on montrait toutes les méthodes en vidéo, les gens mangeraient beaucoup moins de viande. »
Avec ses méthodes, « Bardot fait du mal aux animaux »
Le blogueur craint surtout que le mouvement soit récupéré par l'extrême droite, et estime que la présence de Brigitte Bardot lui porte préjudice :
« Bardot explique que le halal inonde la France en donnant des chiffres fantaisistes. Elle fait du mal aux animaux : plutôt que de parler de leurs souffrances, elle dénonce le “tout halal et casher”.
Parmi les collectifs, nous avons discuté et travaillé de manière positive avec de nombreuses associations. Malgré cela, l'extrême droite va récupérer le débat, alors qu'elles ne se sont jamais émues de l'abattage traditionnel du cochon, tout aussi choquante. »
Pour la sociologue Florence Bergeaud-Blacker, il s'agit avant tout d'un problème industriel. Dans un billet paru en novembre 2010, elle rappelle que l'étourdissement est à l'origine utilisé pour protéger le personnel.
La dérogation légale, qui permet aux industriels d'abattre sans étourdissement, est désormais utilisée à grande échelle, pas seulement pour respecter des perscriptions religieuses, mais aussi pour permettre un rendement plus efficace en évitant les temps morts.
Dès lors, associations de protections des animaux et religieuses devraient nouer le dialogue et s'opposer ensemble à une industrie qui n'a que faire des conditions de mise à mort :
« Ces deux alliés objectifs se combattent à mort pour le plus grand profit de l'industrie d'abattage, qui ne peut que se réjouir d'une radicalisation stérile du débat. »
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