Jours d’été à Casablanca
La mer nous la sentions bien avant de la voir.
C’était un parfum de sel, de soleil et de sable aussi. Un mix enivrant de vacances, de rencontres, de farniente, de frites, de calamars, de poissons frais et aussi plus tard dans la journée de beignets chauds à la confitures.
Dés l’arrivée, le gardien au grand chapeau de paille et à la large blouse bleue nous accueillait et prenait grand soin de nos bicyclettes ou de nos motos qu’il mettait délicatement à l’ombre de grands arbres. Nous nous sentions alors comme protégés.
Nous descendions soit à Tahiti plage soit au Sunset, à Miami plage ou au Kon Tiki ou encore au Lido.
Chacune de ces piscines à Casablanca « sur la côte » « à Anfa » avait sa particularité, sa clientèle bien a elle, pourtant elles étaient mitoyennes, collées l’une à l’autre comme à Copacabana ou a Miami.
Le bleu était partout présent. Le bleu du ciel léger et comme transparent, celui de la mer profond et mystérieux, l’intérieur de la piscine, cobalt avec quelques veines blanches qui rendaient le bleu encore plus bleu.
Il me semble que même l’air que nous respirions était lui aussi bleu mais parfumé de sels marins, enivrants, joyeux et pour certains rejuvénateurs.
Les filles en bikini, belles, se promenaient libres, insouciantes, légères. Les garçons jouaient au volley-ball, faisaient de la barre parallèle, ou improvisaient sur le sable les pieds dans l’eau, a demi nus, une partie endiablée de football.
La vie était belle !
Est ce nous nous en rendions compte ? Je l’ignore! Tout paraissait si naturel, si vivant, si immédiat, si permanent, si eternel !
Comme si rien n’allait changer jamais !
Quelques années plus tard pourtant nos vies allaient être bouleversées et chacun allait se retrouver à des milliers de kilométres l’un de l’autre. Comme si la foudre nous avait frappé !
Comme si par magie le monde se renversait à jamais pour ne plus être le même, à jamais.
Nos vies seraient désormais différentes, nos enfants ne connaitront pas cette insouciance, ce soleil, les parfums de nos étés privilégiées. Notre vie disparaissait, engloutie par les neiges canadiennes, la dureté de la vie israélienne, la morosité et la sophistication française ou même croyez le pour quelques familles un peu folle et inconsciente, dans une forêt en plein Amazonie !
Tout allait disparaître pour une autre réalité plus froide, plus dure mais plus libre.
Avons nous gardé au fond de nous notre joie de vivre ?
Avons nous emporté au fond de nos âmes un peu de ce soleil méditerranéen qui nous distinguait des autres ? Un peu de cet océan immense, un peu de cette générosité naturelle et profonde qui faisait de nous, nous ?
Avons nous changé ? Nos enfants sauront-ils ce que nous étions ? Comprendront ils le sacrifice de nos parents ? Le nôtre aussi quelque part ?
Je ne sais !
Déjà je les vois, ils parlent de hockey et de baseball
Ils parlent rap et rock and roll.
Leur langage a changé, leur accent a changé, ils parlent anglais, hébreu et leur français n’est pas le même que le nôtre.
La vie les a rattrapée, et nous ? Qu’avons nous fait ?
Que sommes nous devenus dans ce fatras qu’on appelle la vie ?
Je sais une chose en tous cas pour sûr : je ne t’ai pas oublié toi que j’ai aimé la première, toi que j’ai serré dans mes bras, celle avec laquelle j’ai dansé mon premier slow, échangé mon premier baiser maladroit, celle qui la première a fait battre mon cœur plus vite, je sais que ton souvenir me hante et me rassure les nuits sans sommeil où je pense à toi, a mon pays, à ma ville, à ma rue, à mon soleil, à mon enfance. à mon adolescence perdus pour toujours !
A toi, toi mon premier amour !
©Bob Oré Abitbol