Chefchaouen la bleue
En dehors des circuits touristiques classiques, la plus jolie cité du Rif ravit par le charme irrésistible de ses ruelles bleues et blanches.
S'il est une ville au monde où tout semble être fait pour enchanter les sens du visiteur, il s'agit certainement de Chefchaouen. Elle ne figure pas en tête des destinations marocaines, mais elle vaut résolument le détour.
Une ville interdite
Édifiée au XVe siècle dans la chaîne montagneuse du Rif, au nord du Maroc, Chefchouen (ou Chaouen) tire son nom des deux sommets qui la surplombent. Il signifie « cornes » en langue berbère.
Chefchaouen fut fondée dans le but de protéger les populations locales des conquêtes étrangères. La région était convoitée par les Portugais et les Espagnols.
L'attrait de la ville grandit lorsqu'on apprend son histoire. En effet, la cité était encore interdite il y a près d'un siècle. Les chrétiens n'y avaient pas accès. Revêtu d'un costume de rabbin, Charles de Foucauld fut le premier à y pénétrer en 1883. D'autres, après lui, n'en revinrent pas vivants.
Les Espagnols s'emparèrent de Chefchaouen en 1920. Elle fut libérée en 1956, suite à l'indépendance du Maroc.
Chefchaouen est considérée comme ville sainte et possède un important patrimoine religieux, dont une vingtaine de mosquées et de nombreux édifices. Elle est située au pied du massif de Talassemtane, où les principales essences sont le sapin (une espèce endémique), le cèdre et le chêne vert.
Encore récemment, la région du Rif était soigneusement évitée par les touristes et les tours-opérateurs en raison des trafics de drogues. Suite à des mesures gouvernementales prises en 1992, la région est devenue plus accessible.
L'ivresse des bleus
Chefchaouen, perchée à 600 mètres d'altitude, ressemble à un village, avec son labyrinthe de ruelles en escaliers et ses charmantes maisonnettes aux toits de tuiles roses. Leurs façades blanchies à la chaux sont partiellement revêtues de bleu afin d'éloigner les insectes. Ce superbe camaïeu pastel, turquoise et cyan, ferait pâlir le ciel le plus bleu.
À chaque détour, on croirait que les habitants ont mis un point d'honneur à préparer de quoi titiller votre appareil photo et régaler vos yeux. Ici, une porte laissée entrouverte fait apparaître une cour bleutée, là un escalier bordé de pots de fleurs jouxte une fenêtre parée de fer forgé… Prévoyez une carte mémoire de grande capacité, car vous allez être pris d'une frénésie photographique !
Offrant un peu de fraîcheur, des passages couverts et des arcades alternent avec la luminosité intense des espaces ouverts. Dans de nombreuses ruelles ombragées par des vignes, le soleil joue les impressionnistes au travers des feuillages.
En termes de couleurs, les boutiques ne sont pas en reste. Vêtements, babouches, vanneries et tapis ornent les devantures. Sans oublier les cônes d'épices et les pigments de peintures…
Visiter Chefchaouen
Chefchaouen dispose d'une quarantaine d'hôtels – à prix très raisonnables pour la plupart – et d'autant de restaurants. Afin d'avoir le choix, réservez votre chambre à l'avance, ou bien sur place, en matinée.
La ville compte environ 35 000 habitants, les Chaounis. Beaucoup de Marocains parlent le français, mais au nord, on s'adressa plutôt à vous en espagnol. La population de la région est à soixante pour cent berbère. Elle est encore très attachée à ses traditions. Vous croiserez certainement des femmes arborant le costume rifain : un tissu à rayures rouges et blanches noué à la taille (la fouta) et un large chapeau de paille à motifs de laine.
La médina (partie ancienne de la ville), avec ses ruelles bleues, représente indubitablement la partie la plus attrayante de Chefchaouen. Vous prendrez plaisir à vous y égarer.
Ne manquez pas le souk, le lundi et le jeudi matin. Il se tient sur la Place du Marché. Vous y trouverez un grand choix d'épices et des objets d'artisanat local. Les spécialités sont les tissus en laine et le bois peint (miroirs et petites tables). Si vous appréciez les objets d'art et d'artisanat, visitez la galerie Hassan ou le Musée artisanal.
À la place Uta-el-Hamam, vous pourrez vous installer en terrasse d'un café et prendre un repas, ou siroter un verre de thé à la menthe. Tout près se trouve la casbah (forteresse), édifiée à la même époque que la ville. Elle renferme un joli jardin.
Vous allez « kiffer »
Dès le Ve siècle avant J.-C., les Phéniciens utilisaient la fibre de chanvre, issue de leurs cultures, pour fabriquer leurs vêtements. Depuis, les populations locales ont découvert les autres spécificités du cannabis… dont la monoculture est pratiquée dans le Rif.
Chefchaouen est une véritable Katmandou de l'Afrique du Nord. Elle attire des touristes baba cool et des amateurs de kif (la feuille séchée de cannabis, et non de la résine ou haschich). Vous serez très certainement abordé par des personnes qui chercheront à vous en vendre. Si vous n'y tenez pas, refusez poliment.
Si vous faites partie des amateurs de kif, sachez que sa consommation est tolérée à Chefchaouen, mais que les douanes et la police marocaines contrôlent très sévèrement toute forme de trafic. À Chefchaouen plus que nulle part ailleurs, inutile de fumer pour voir la vie en bleu !