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Entretien avec Nicole Elgrissy : “L'intégration reste un voeu, pas une réalité”

 

Née en 1958 à Casablanca, Nicole Elgrissy est fille unique. Originaire d'Essaouira, elle a reçu une éducation marocaine traditionnelle en totale opposition avec les écoles de la mission française où elle a étudié de la garderie à la terminale tout en apprenant l’arabe classique. Nicole exploite la franchise internationale Fun Science tout en dispensant des ateliers pédagogiques dans les écoles du Maroc. Elle produit l'émission Bghit Naaraf inspirée du concept "C’est pas sorcier".

Libé : Dans votre livre «Mémoires d'une Marocaine juive et patriote », vous mettez en avant le concept de l'identité et du patriotisme. Pouvez-vous nous expliquer les idées phare de ce livre ?

Nicole Elgrissy: J'ai écrit ce livre pour que la jeunesse musulmane et juive sache combien les juifs et les musulmans du Maroc ont cohabité. Et d'autre part, pour que le monde sache que le Maroc est un facilitateur de paix. Nous l'avons prouvé pendant 4000 ans. Et à l'heure actuelle, nous avons 656 saints juifs enterrés au Maroc et protégés par des musulmans.

L'identité marocaine plurielle continue à alimenter débats et ouvrages. Où est-ce que vous vous positionnez par rapport à la question de l'identité qui refait surface ces derniers temps ?

Les Marocains ont passé leur vie à rejeter leur identité. Aujourd'hui, le monde entier leur a montré que Marocain voulait toujours dire “étranger” même après avoir obtenu leurs cartes d'identité. L'intégration reste un mot, pas une réalité. J'en parle dans le chapitre «Incidences ethniques sur le divan». J'y raconte comment Steeve Deblaq, fils de Bouchaib Deblaq et de Natasha Grumblesk, fait connaissance avec sa grand-mère Lalla Zahra Debblaq. Il ne l'avait jamais connue pendant 20 ans ! Découvrir la marocanité à cet âge est un choc !

D'après votre expérience comme écrivaine, comment évaluez-vous l'attractivité du livre au Maroc en parallèle avec les politiques publiques adoptées dans le sens de la promotion de la lecture ?

Il y a très peu d'éditeurs professionnels au Maroc. Ce sont des imprimeurs convertis en éditeurs. Ils font moins de promotion alors que les Marocains lisent très peu.

Nous remarquons que vous êtes de plus en plus attirée par le théâtre ?

Oui, le théâtre m'attire parce qu'il me permet d'exprimer ma marocanité et de communiquer avec le peuple marocain. Le théâtre est un excellent moyen d'expression et de divertissement pour les Marocains.

Parlez-nous un peu de votre expérience pédagogique?

Je travaille sur une adaptation marocaine de la franchise Fun Science dédiée à l'éducation à travers le divertissement et l’on dispose d’ateliers pédagogiques à travers le Maroc dans les écoles publiques et privées. J'ai élaboré le concept de l'émission Bghit Naaraf diffusée sur 2M, dédiée à la culture pour des enfants et des adultes qui n'ont jamais vu une porte d'école : une sorte de "C'est pas sorcier" à la marocaine.

Quels sont vos projets ?

Je vais produire une pièce intitulée “Faq El Mechtaq” (L'arriviste). Une adaptation marocaine du “Bourgeois gentilhomme” de Molière. Un homme qui devient subitement riche et qui se fait coacher pour apprendre les manières bourgeoises.
J'ai en main un pilote du nom "Hikayates Alya" et qui se propose de raconter des histoires pleines de morale à tous ces enfants qui en manquent tellement.
Notre pays doit avoir des patriotes à 200% pour avancer. Chacun de nous est responsable de l'avenir du Maroc.

 

Propos recueillis par A.K

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