La dernière chance d’Israël pour bombarder l’Iran ! – Amos Yadlin
Le 7 Juillet 1981, j’étais l’un des huit pilotes de chasse israéliens qui a bombardé le réacteur nucléaire irakien d’Osirak. Alors que nous étions assis dans la salle de briefing pour écouter le chef d’état-major, Rafael Eitan, avant le démarrage des moteurs de nos avions », je me suis souvenu d’une conversation, datant d’une semaine auparavant, quand il nous avait invité à exprimer nos inquiétudes au sujet de notre mission.
Nous lui avions confié nos pensées et les risques que nous pensions possibles : être à court de carburant, des représailles irakienne, comment une frappe pourrait nuire à notre relation avec l’Amérique, et l’impact limité d’une mission réussie (peut-être retarder de quelques années le programme, mais après ?). A écouter les débats d’aujourd’hui sur l’Iran, nous entendons les mêmes arguments et faisons face aux mêmes difficultés, même si nous comprenons que nous ne sommes pas en 1981.
Peu de temps après avoir détruit Osirak, l’attaché militaire israélien à Washington a été appelé au Pentagone. Il s’attendait à une réprimande. Au lieu de cela, il a été confronté à une seule question: Comment avez-vous fait cela ? L’armée américaine avait supposé que l’avion F-16 qu’elle avait vendue à Israël n’avait ni l’envergure, ni les munitions pour attaquer l’Irak avec succès. L’erreur alors, comme aujourd’hui, était de sous-estimer l’ingéniosité militaire d’Israël.
Nous avions tout simplement maximisé l’efficacité énergétique de nos avions et seuls des pilotes expérimentés, formés spécialement pour cette mission, pouvaient y prendre part. En chemin vers l’Irak, nous avions alors éjecté nos réservoirs externes, puis, nous avons attaqué le réacteur avec une extrême précision, de si près et à si basse altitude que nos bombes non guidées étaient aussi précises et efficaces que les munitions guidées d’aujourd’hui.
De nos jours, Israël voit la perspective d’un Iran nucléaire qui appelle à notre anéantissement comme une menace existentielle. Une frappe israélienne contre l’Iran serait un dernier recours, si tout le reste a échoué avant. Cette prise de décision aura lieu lorsque l’Iran sera sur le point de réussir le blindage de ses installations, ce que les dirigeants israéliens appellent « la zone d’immunité ».
Certains experts s’opposent à une attaque parce qu’ils prétendent que même une attaque précise, au mieux, retarderait le programme nucléaire de l’Iran que pour un court laps de temps. Mais leur analyses sont fausses. Aujourd’hui, presque tous les pays industrialisés peuvent produire une arme nucléaire en quatre à cinq ans. Ce qui importe davantage est la campagne après l’attaque. Lorsque nous avons été informés avant le raid d’Osirak, on nous a dit qu’une mission réussie serait de retarder le programme nucléaire irakien pour seulement trois à cinq ans. Mais l’histoire a raconté une histoire différente.
Après l’attaque d’Osirak et la destruction du réacteur syrien en 2007, les programmes nucléaires irakiens et syriens n’ont jamais entièrement repris. Ce pourrait être aussi le résultat en Iran, si l’action militaire est suivie par des sanctions sévères, des inspections internationales strictes et un embargo sur la vente de composants nucléaires à Téhéran. L’Iran, comme l’Irak et la Syrie avant elle, devra comprendre qu’une action militaire pourrait être répétée si besoin.
D’autres prétendent que l’attaque sur le programme nucléaire iranien déstabiliserait la région. Mais un Iran nucléaire pourrait conduire à bien pire: une course régionale aux armements nucléaires sans un téléphone rouge pour désamorcer une escalade de crise, une agression iranienne sur le Golfe Arabique, des substituts iraniens comme le Hezbollah toujours plus confiants et une menace de transferts des matières nucléaires vers des organisations terroristes.
Veiller à ce que l’Iran n’obtienne pas la bombe est la meilleure garantie, à long terme, de la stabilité régionale. Un Iran non nucléaire serait infiniment plus facile à contenir qu’un Iran doté d’armes nucléaires. Le président Obama a dit que l’Amérique «utilisera tous les éléments de la puissance américaine pour empêcher l’Iran de développer une arme nucléaire. » Israël le prend au mot.
Le problème, cependant, est le temps. Israël n’a pas la sécurité de la distance, de même que nous n’avons pas l’Air Force Américaine et ses chasseurs. L’Amérique pourrait procéder à une campagne aérienne de grande envergure, avec sa technologie furtive et d’énormes quantités de munitions, sans problème. L’Amérique pourrait faire tout ce qu’Israël ne peut pas faire.
Cela donne aux Etats-Unis le temps qu’Israël n’a pas pour déterminer le moment de la décision à prendre… Et à mesure que ce temps se rapproche, les horaires différentes deviennent une source de tension entre les deux pays.
Lundi, Obama et le Premier ministre Benjamin Netanyahu doivent se réunir à Washington. De toutes leurs rencontres, ce pourrait être la plus critique. En demandant aux dirigeants d’Israël de se conformer au calendrier de l’Amérique, et par conséquent d’empêcher Israël de se défendre, Obama n’agirait pas pour la sécurité régionale.
Obama devra donc non plus penser à la « zone d’immunité » mais à la « zone de confiance. » Ce qui est nécessaire, c’est d’avoir l’assurance que si Israël s’abstient d’agir dans sa propre fenêtre de tir, Washington agira pour empêcher un Iran nucléaire alors qu’il en a encore le pouvoir.
J’espère qu’Obama permettra de clarifier cela. S’il ne le fait pas, les dirigeants israéliens peuvent ainsi choisir d’agir alors qu’il est encore temps.
Par Amos Yadlin
Amos Yadlin est l’ancien chef du renseignement militaire israélien, est le directeur de l’Institut d’Israël pour les études de sécurité nationale.