"Je souhaite de bonnes relations entre le Maroc et Israël" [Interview avec Alexandre Adler]
Par Hanane Jazouani
0
Hier lundi 23 juillet, s’est tenue à Casablanca la 2ème édition de la Conférence économique organisée par le groupe Attijariwafa Bank sur le thème « Évolutions de l’économie marocaine dans un contexte de reconfigurations mondiales». Alexandre Adler, historien et éditorialiste faisait parti des intervenants. Après son intervention, il a accepté de répondre, aux questions de Yabiladi.
Yabiladi : Dans un article du Figaro, vous avez qualifié les évènements que connaissait le Maroc durant le printemps arabe de révolution de velours ?
Alexandre Adler : Ce terme a été employé par les tchèques. Le régime soviétique tchécoslovaque s’est effondré pratiquement d’un jour à l’autre et les institutions démocratiques se sont mises en place sans aucune violence. Depuis 2011, nous n’assistons pas au Maroc à un affaiblissement de l’Etat mais plutôt à son renforcement. Les Marocains ont finalement décidé de s’entendre tous et de se regrouper autour des propositions du roi et maintenir ainsi l’unité du Makhzen.
Pensez-vous qu’un jour le Maroc puisse connaitre les mêmes évènements violents qui ont marqué les pays arabes comme en Tunisie ou en Egypte ?
A.A : Vous allez voir dans deux ans la Tunisie sera prête pour une contre-révolution ! Le rassemblement d’ignares et d’imbéciles qui dirige actuellement le pays est en train de détruire tous les avantages compétitifs que possède ce pays. Le Maroc n’a rien connu de tel. Il ne fait que prolonger un effort commencé lors de l’avènement de Mohamed VI qui est une véritable pérestroïka marocaine fondée sur les libertés publiques, la liberté d’expression et le pluralisme politique. Ce sont ça ses vrais atouts. Un pays qui possède ces atouts n’explose pas.
Par contre, on ne peut pas oublier qu’il y a des problèmes sociaux très importants. D’un côté, un Maroc prospère se concentrant autour de la côte atlantique et de l’autre un Maroc des montagnes et des déserts où la population vit toujours à une grande distance de ces pôles économiques. Néanmoins, si nous comparons la courbe de l’amélioration démocratique du pays à celle de l’amélioration économique et sociale qui jusqu’à présent a été soutenue par une forte croissance, je ne vois pas comment les choses seront perdues. Je pense qu’aujourd’hui une grande majorité des Marocains, quelque soit leur opinion politique ou religieuse, veulent que les choses se poursuivent ainsi.
Le Maroc possède une importante diaspora de confession juive partout dans le monde et notamment en Israël. Ne devrait-il pas tout simplement assumer cette relation qu’il a avec Israël au lieu de la cacher ?
A.A : Il y a eu des juifs dans tous les pays du monde arabe, en dehors de la terre du Prophète mais dans aucun pays, les relations d’intimité entre juifs et musulmans n’ont été aussi marquées qu’au Maroc. C’était déjà le cas dans le Maroc médiéval et l’arrivée ensuite des expulsés d’Espagne aussi bien musulmans que juifs a créé une véritable symbiose culturelle. C’est le miracle fassi. C’est impossible que cela disparaisse. Aujourd’hui chez les islamistes, des voix s’élèvent pour réclamer une politique plus sévère à l’égard d’Israël. Mais j’ai observé avec grand plaisir qu’Abdelilah Benkirane soutenait avec son parti PJD, un projet donnant le droit de vote à tous les Marocains de l’étranger, y compris à plus de 600 000 juifs vivant en France, au Canada et en Israël et qui, selon la Constitution, iront voter aux prochaines élections marocaines. Tous ne le feront pas mais certains ont envie de le faire et j’en connais. Tout cela montre qu’il y a une spécificité marocaine. Je pense que cette entente judéo-musulmane est un atout très important pour la paix dans cette région.
Quelle position doit garder le Maroc alors ?
A.A : Le Maroc ne peut pas tout faire tout seul. Le Maroc est au Maghreb. Depuis toujours, il a été en avance notamment dans le dialogue entre Israël et le monde arabe. Le Roi Hassan II a assumé des risques, le roi Mohamed V l’avait fait avant lui, le présent roi à la même attitude. Mais il ne faut pas non plus être suicidaire ! Avec un régime islamiste en Tunisie qui a mis dans la Constitution, l’interdiction des relations diplomatiques avec Israël, avec une crise latente du FLN en Algérie, où l’antisémitisme des nationalistes algériens est toujours à fleur de peau. On peut se réjouir que le Maroc ait fait un pas en avant, mais ce n’est pas la peine de faire deux pas en avant, d’autant plus que la politique israélienne n’est pas encourageante. Le Maroc s’est toujours saisi de tous les éléments qui bougeaient pour avancer. Lui demander davantage ? Ca ne me semble pas réaliste et Dieu sait que je souhaite actuellement de bonnes relations entre le Maroc et la communauté juive dans le monde et donc aussi avec l’Etat d’Israël. Ce n’est pas aujourd’hui une urgence compte tenu des positions très ouverte adoptée par Benkirane sur la citoyenneté marocaine. Pour le moment, le Maroc n’a pas rompu le pacte qui le maintien avec sa communauté juive et ça c’est l’essentiel. D’ailleurs, il n’y a pas de Benkirane qui fusse musulman il y a trois siècles ! (rires) C’est un nom 100% juif !
http://www.yabiladi.com/articles/details/12060/souhaite-bonnes-relations...