Le réseau social Twitter théâtre de dérapages antisémites
Réunis sous le mot-clé « #UnBonJuif », de nombreux jeunes utilisateurs de Twitter se livrent depuis le 10 octobre à des blagues antisémites, faisant de ce sujet l’un des plus discutés sur le réseau social.
L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a pris contact avec les responsables du site en vue de faire cesser ces dérapages et envisage, tout comme SOS Racisme et le Mrap, de porter plainte.
Sur le réseau social Twitter, les dérapages antisémites commis au nom de l’humour ou de la liberté d’expression se multiplient. Mercredi 10 octobre, le hashtag [mot-clé NDLR] « #UnBonJuif » a ainsi fait son apparition. Créé par un jeune utilisateur du réseau, il prend prétexte de la dérision pour multiplier les « blagues » ayant trait aux camps de concentration ou aux clichés dont souffre depuis longtemps la communauté juive.
« UN ANTISÉMITISME NAUSÉABOND »
Le sujet s’est rapidement retrouvé classé au troisième rang des thèmes les plus discutés sur le réseau, comme le note le site communautaire « JewPop ». Lundi 15 octobre, il a même atteint même la première place à plusieurs reprises. De quoi inquiéter l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui a annoncé sa volonté de porter plainte et demande à rencontrer les responsables français de Twitter pour voir comment mettre fin à ces échanges douteux, qui sont souvent le fait de personnes jeunes.
Dans un communiqué, l’association vise « une génération dans une extrême confusion mentale, pour qui le droit de se moquer de tous – avec un humour supposé – permet d’afficher l’antisémitisme le plus nauséabond » . Joint par téléphone, son président, Jonathan Hayoun, ajoute : « Il y a un discours de haine entretenu depuis plusieurs mois et les crimes antisémites perpétrés par Mohamed Merah. Une éducation sur le sujet doit être renforcée chez les plus jeunes. »
UNE PLAINTE EN JUSTICE
La réaction de l’UEJF se heurte à l’incompréhension des auteurs des tweets, qui dénoncent une liberté d’expression bafouée et une sensibilité au racisme à géométrie variable. « Grâce à #UnBonJuif on peut voir que cette fameuse “liberté d’expression” ne s’applique pas pour tout et tout le monde », s’agace ainsi un utilisateur. « C’est juste hallucinant ! On rigole des #UnBonArabe #UnBonMusulman mais on appelle à l’antisémitisme pour #UnBonJuif. France laïque, oui… », s’insurge un autre.
L’UEJF a demandé à rencontrer Twitter pour discuter avec ses responsables des modalités de modération des messages échangés sur ce réseau. Par ailleurs, l’association, tout comme SOS Racisme et le Mrap, veut aujourd’hui porter plainte contre les rédacteurs des tweets antisémites. Ce qui suppose que le réseau Twitter lui communique leurs identités. Or, pour qu’il le fasse, une décision de justice doit être rendue en ce sens. « C’est un travail à caractère international et technique, cela peut prendre beaucoup de temps », explique la commissaire Adeline Champagnat, en charge de la criminalité numérique à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
UN TRAVAIL DE FOURMI
En effet, l’entreprise Twitter n’a pas encore de représentation en France. Quand elle est saisie d’une plainte, la police française doit formuler une demande d’entraide judiciaire aux États-Unis. « Ils peuvent s’y opposer au nom de leur premier amendement sur la liberté d’expression, mais ce n’est généralement pas le cas » , poursuit Adeline Champagnat. Et dans le cas précis du hashtag « un bon juif », des milliers d’identifications seraient à pratiquer, « un vrai travail de fourmi », selon la commissaire.
OLIVIER FAYE