Nouvelles revelations sur la Shoah
Avec plus de 42 000 ghettos et camps de concentration répartis à travers, quasiment tout le monde devait savoir de ce qui se tramait.
par le Rabbin Benjamin Blech
Les toutes dernières révélations sur l'Holocauste étonnent même les spécialistes qui pensaient connaître tous les horribles détails du plan allemand de génocide contre le peuple juif.
Il a fallu plus de 70 ans pour connaître enfin tous les faits dans leur intégralité. Et le résultat est littéralement incroyable : ce qui s'est réellement passé dépasse largement l'imagination.
Cela fait bien longtemps que le chiffre tragique de 6 millions de Juifs a été mentionné. C'est un nombre qui représentait l'approximation la plus proche à laquelle nous pouvions parvenir pour dénombrer les victimes du plan de la Solution finale conçu par Hitler. Ceux qui cherchaient à minimiser la tragédie prétendaient que le chiffre de 6 millions était une grossière exagération. D'autres allèrent plus loin et renièrent l'historicité de l'Holocauste même en prétendant absurdement que les Juifs avaient inventé leur extermination pour s'attirer la sympathie du monde envers la cause sioniste.
Mais à présent, nous connaissons la vérité.
Et la réalité est bien plus grave que ce que nous imaginions.
Le crime innommable du vingtième siècle, plus que le triomphe du mal, fut la faute du spectateur « innocent ».
Ce ne furent pas seulement les grands centres d’extermination dont les noms mêmes – Auschwitz, Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau, Majdanek, Belzec, Ravensbruck, Sobibor, Treblinka – évoquent les images effrayantes qui nous sont désormais familières. Ce ne fut pas seulement le ghetto de Varsovie. Ni les célèbres sites dont nous avons tous entendu parler et qui demeurent à juste titre dans une infamie éternelle.
Des chercheurs du Musée du Mémorial de l'Holocauste aux États-Unis viennent de publier des documents qui surprennent même les savants les plus avertis, qui se reposaient sur les statistiques préalables des atrocités allemandes. Voici une partie des données découvertes de façon probante :
On recensa plus de 42,500 ghettos nazis et camps à travers l'Europe entre 1933 et 1945.
Il y eut 30 000 camps de travail ; 1,150 ghettos juifs ; 980 camps de concentration ; 1000 camps de prisonniers de guerre ; 500 bordels remplis d’ « esclaves » contraints de s’adonner à la prostitution ; et des milliers d'autres camps destinés à l’euthanasie des personnes âgées et infirmes, aux avortements forcés, à la « germanisation » des prisonniers ou au transport des victimes vers les centres de massacre.
La meilleure évaluation utilisant les informations actuellement disponibles fait état de 15 à 20 millions de personnes qui périrent ou furent emprisonnées dans des sites contrôlés par les Allemands sur tout le continent européen.
En bref, pour reprendre les propos de Hartmut Berghoof, directeur de l'Institut historique allemand à Washington : « Les nombres sont bien plus élevés que ceux que nous pensions à l'origine ; nous savions auparavant à quel point la vie dans les camps et ghettos avait été horrible, mais les chiffres réels sont effarants. »
Et ce qui rend cette révélation si importante est qu'elle nous force à reconnaitre une vérité cruciale sur l'Holocauste, largement ignorée ou minimisée, et porteuse d'une profonde signification contemporaine : le crime innommable du vingtième siècle, plus que le triomphe du mal, fut celui du spectateur « innocent ».
Pendant des années, nos efforts pour comprendre l'Holocauste se sont concentrés sur les auteurs des crimes. Nous avons cherché des explications à la folie de Mengele, à la haine obsessionnelle d’Hitler, à la cruauté impassible d'Eichmann. Nous cherchions des réponses pour savoir comment il était possible pour ces éléments criminels, ces sadiques et ces déséquilibrés mentaux, d'accéder à un pouvoir qui a permis le génocide en masse.
En effet, nous ne mesurions pas l'étendue réelle de l'horreur. Avec plus de 42 000 ghettos et camps de concentration répartis sur toute l'étendue d'un continent supposément civilisé, il n'y a désormais plus moyen de contester l’évidente conclusion. Les personnes cultivées, éduquées, éclairées, libérales, raffinées, sophistiquées, courtoises – sont toutes responsables de la situation honteuse d'un monde deboussolé qui a permis de plein gré la victoire du mal.
Les gens « corrects » furent d'une manière ou d'une autre capables de rationaliser leur silence.L’assertion : « Nous n'avions aucune idée de ce qui se passait » doit être clairement identifiée comme « le grand mensonge » des années du règne des Nazis. La dure vérité est que presque tout le monde devait être au courant. Les nombres réfutent toute possibilité d'une ignorance collective. Et malgré tout, les massacres ne s’arrêtèrent pas, la torture ne cessa pas, les camps de concentration ne furent pas fermés, les crématoires continuèrent à accomplir leur tâche barbare.
L'an dernier, Mary Fulbrok, une éminente spécialiste de l'histoire allemande, dans son ouvrage Une petite ville près d'Auschwitz, fit le récit riche et douloureux de ces Allemands, qui, au lendemain de la guerre, ont réussi à se faire passer pour des spectateurs innocents.
« Ces gens ont presque entièrement échappé à la définition commune des "coupables, victimes et spectateurs"; or ils jouèrent un rôle crucial sur le plan fonctionnel qui autorisa la mise en place de la politique de meurtres de masse. Ils n'ont peut-être pas souhaité ou voulu contribuer à ce résultat ; mais, sans leur attitude, leur mentalité et leurs actes, il aurait été quasiment impossible de commettre des meurtres à cette échelle de la manière dont cela s'est déroulé. Les concepts d’ "auteur de crime" et de "spectateur" doivent être corrigés, étendus, complexifiés, alors que notre attention et notre concentration se déplacent vers ceux qui furent impliqués à soutenir, au bout du compte, un système meurtrier. »
Mary Fulbrok a sélectionné dans sa critique des habitants qui vivaient près d'Auschwitz. Mais nous ignorions alors qu'Auschwitz avait été copié des milliers de fois dans tout le continent d’une manière qui ne pouvait pas passer inaperçue par de larges fractions de la population. Des millions de gens vivant dans des petites villes comme Auschwitz furent des témoins, depuis leurs propres jardins, des atrocités commises par le Nazis.
Et bien entendu, Elie Wiesel avait raison. L'idée qu’il nous faut comprendre lorsque nous méditons sur le message de l'Holocauste doit être celle-ci : « L'opposé de l'amour n'est pas la haine, mais l'indifférence. L'opposé de l'art n'est pas la laideur, mais l'indifférence. L'opposé de la foi n'est pas l'hérésie, mais l'indifférence. Et l'opposé de la vie n'est pas la mort, mais l'indifférence. »
Ceci reste notre plus grand défi aujourd'hui. Si nous osons souhaiter la survie de la civilisation, prions pour que les pessimistes aient tort lorsqu'ils prétendent que la seule leçon que nous tirons de l'histoire est que l'humanité n'apprend jamais rien de l'histoire.