Gilles Bernheim, le Grand rabbin de France démissionne
Le Grand rabbin de France, Gilles Bernheim, qui a reconnu des plagiats et l'usurpation d'un titre de philosophie, a annoncé jeudi sa démission, après un scandale qui fragilise le Consistoire, institution officielle du judaïsme en France. Gilles Bernheim a annoncé sa "mise en congé" avec effet immédiat lors d'un conseil exceptionnel du Consistoire, a indiqué le vice-président du Consistoire de Paris, Elie Korchia.
Le Grand rabbin, qui avait reconnu avoir plagié divers auteurs et s'être prévalu à tort d'une agrégation de philosophie, avait pourtant annoncé mardi soir qu'il excluait de démissionner. Mais il a cédé face à la convocation du conseil exceptionnel du Consistoire central. "Il a reconnu ses fautes, demandé pardon et donné des explications. Il a accepté la mise en congé de ses fonctions de grand rabbin", a précisé à l'AFP Sammy Ghoslan, vice-président du Consistoire, à l'issue de la réunion.
"C'est une solution qui apporte plus de sérénité. On était tous d'accord", a-t-il commenté, précisant que toutes les prérogatives de Gilles Bernheim "vont être assurées par un intérim qui sera désigné dans la semaine par le président du Consistoire". "C'était la bonne décision. Tout le monde s'est rangé à cette solution, ça protège l'homme d'abord, ensuite ça protège la fonction et le Consistoire", a commenté de son côté Jacques-Hubert Gahnassia, président d'une synagogue à Paris.
Gilles Bernheim, 60 ans, élu grand rabbin de France en 2008 et installé le 1er janvier 2009 pour un mandat de sept ans, avait exclu mardi de démissionner, considérant qu'il s'agirait d'une "désertion", tout en reconnaissant plusieurs plagiats, qualifiés d'"emprunts" dans différents ouvrages, notamment celui consacré au mariage homosexuel, qui avait été cité par le pape Benoît XVI en décembre 2012.
Il avait également avoué n'avoir pas obtenu l'agrégation de philosophie, contrairement à ce qui est indiqué sur plusieurs notices biographiques, notamment celle du Who's Who, expliquant avoir "laissé dire" ce mensonge à la suite d'un "événement tragique" dans sa vie. Il n'a toutefois pas précisé quel évènement avait pu le conduire à un tel mensonge.
Surnommé le "rabbin philosophe", Gilles Bernheim avait assis sa notoriété sur une image d'intellectuel et de guide moral qui a volé en éclats avec la révélation de mensonges à répétition. Ce tenant d'un judaïsme ouvert, bien qu'orthodoxe (il lui a fallu préciser que sa femme, psychanalyste, portait une perruque) avait gagné un large respect grâce à ses hauteurs de vue sur des questions sociétales touchant à l'euthanasie, le mariage, l'égalité homme-femme, le sida.
Raffiné, élégant, Gilles Uriel Bernheim avait même séduit au-delà de la communauté juive, par son ouverture aux autres religions, au point d'être surnommé "le rabbin des cathos". Forte d'environ 600.000 personnes, soit la plus grande d'Europe, la communauté juive française se montrait très partagée depuis plusieurs semaines sur l'avenir du Grand rabbin, comme en témoignent les échanges sur les réseaux sociaux. Certains plaidaient pour un soutien inconditionnel tandis que d'autres appelaient à sa démission.
Le scandale a rejailli sur le Consistoire central, représentant religieux officiel de la communauté juive, unique interlocuteur des autorités, mais déjà fragilisé par la montée en puissance de mouvements autonomes. Depuis une dizaine d'années, en outre, des synagogues indépendantes du Consistoire se sont ainsi créées, pour garder une autonomie financière ou choisir leur propre rabbin, à travers trois branches principales: une libérale, les Loubavitch, un mouvement très orthodoxe de rejudaïsation qui compte environ 12.000 familles, et les Massorti (conservateur).