Le nazi-chic : la nouvelle tendance made in Asia
Philippe Guédon
Le phénomène est récent et a tendance à se propager en Asie, en contaminant la Thaïlande, le Japon, l’Indonésie et l’Inde.
Le svastika est à la page, et les populations l’affichent éhontément sur leurs t-shirts, leurs affiches ou leurs devantures.
Même si (heureusement) l’idéologie n’y est pas, les symboles du "National sozialismus" existent bel est bien et connaissent un nouvel essor en Asie. Le "nazi-chic", se veut être une nouvelle approche de l‘imagerie et du style hitlérien dans la culture populaire. Les symboles des bouchers de l’Europe sont réutilisés, détournés et banalisés. Dans la capitale thaïlandaise, le visage d’Adolf Hitler a remplacé la mascotte Ronald McDonald. Un fast-food, le Hitler Fried Chicken (cf. photo), a également détourné la célèbre chaîne KFC, avec l’effigie du dictateur.
Selon Meng Zhenhua, spécialiste du monde juif, " il y a des chinois qui vénèrent Hitler et le Nazisme. Ils ignorent les crimes commis par les nazis. L’Europe c’est trop loin."
Dans des pays marqués par Hiroshima, qui n’enseignent pas la Seconde guerre mondiale comme une bataille d’idéologies politiques mais comme une guerre conventionnelle, la tendance peut paraitre grossière, amorale et indécente.
Un café aux allures de IIIe Reich
En Indonésie, un café rend carrément hommage au régime Nazi. Le Soldatenkaffee, à Bandung, a frappé fort et a trouvé le moyen de se faire un gros coup de publicité sans faire appelle aux grosses agences. Le concept, créer un café-musée avec tableaux géants d’Adolf Hitler, svastikas, dagues et serveurs en uniforme SS (cf. vidéo).
Ce café, fermé depuis deux jours avait ouvert en 2011, dans l’indifférence générale. Depuis un récent article publié mardi 16 juillet dans le Jakarta Globe, un quotidien anglophone indonésien, l’affaire a été reprise par les médias du monde entier. Le maire ayant subi des pressions ordonna la fermeture immédiate.
Idéologie, dérision ou mauvais goût ?
L’utilisation de la symbolique nazie a commencé au milieu des années soixante. En Californie et dans le grand ouest américain, des gangs de motards, tels les Hells Angels, revendiquant leur liberté et leur anti-conformisme, s’auto-proclamant rebelles, affichaient déjà la couleur en arborant des svastikas ou des symboles nazis, parfois à même la peau. D’autres affublaient leur "veste" de croix de fers, insignes et autres médailles.
Puis la tendance a repris au milieu des 70’, avec l’émergence du mouvement punk de la scène underground londonienne. La première apparition télévisée des Sex Pistols fit scandale quand Sid Vicious, un des membres fondateurs du groupe, se présenta affublé d’un t-shirt usé portant une croix gammée (t-shirt signé Vivienne Westwood).
Depuis de nombreux groupes de rock ont utilisé l’imagerie nazie pour choquer. Mötley Crüe, Motörhead …
Plus récemment, le Prince Harry avait crée la polémique, en revêtant un costume de l’Afrikakorps lors d’une soirée déguisée. L’embarras de la famille royale qui lutta directement contre l’ennemi fut considérable.
Dans tous ces cas, l’utilisation de la symbolique nazie était surtout une volonté de rompre avec les tabous classiques et la censure, contester et choquer des valeurs jugées trop conformistes plutôt qu’une réelle sympathie pour le régime et l’idéologie nazie.
Désormais la contagion touche l’Asie. En Corée du nord le Times magazine avait déjà observé au début des années 2000 une "fascination irréfléchie avec des icônes et des images du IIIe Reich." "Les tee-shirt Hitler sont très populaires, surtout auprès des adolescents", avoue un vendeur interviewé par CNN. "Ce n'est pas que j'aime Hitler. Mais il a l'air drôle", confirme naïvement un habitant de de la capitale thaïlandaise.