La culture judéo-marocaine est-elle mourante ? par Melanie Frerichs-cigli
Et ce matin, j'ai envie d'être un peu provocatrice, d'appuyer là où ça fait mal. Y'a des matins comme ça, le milieu de semaine, tout ça. Il y a quoi ?
15 jours à peine, on célébrait dans une expo berlinoise la richesse de la culture juive marocaine, grâce à une collaboration entre l'ambassade, le ministère allemand des affaires étrangères et le musée du patrimoine judaïque marocain de Casablanca. Notre invitée de ce matin va nous parler d'une caravane dont le but est sensiblement le même : célébrer le patrimoine judéo-marocain, profondément enraciné dans notre identité. Sauf que pour moi, tout ça, c'est de plus en plus un souvenir.
Il y a un mois, un beau livre est sorti à la Croisée des Chemins, intitulé Mémoires juives de l'Oriental Marocain. Regardez-le, je l'ai amené. Dedans, on trouve des témoignages de MRE sur leur enfance lointaine, des photos de paysages et... Des ruines et beaucoup, beaucoup de tombes. Il y a un an, à peu près à cette époque, l'on se réjouissait de la remise en état de la synagogue fassie Al Fassiyine, enfin, elle et trois autres classées monuments historiques, dans le but de les transformer en lieu de culture et musés. Ne voyez-vous pas un thème qui se dégage de tout cela ? Oui, la culture judéo-marocaine a été importante pour le Maroc. Mais peut-on dire qu'elle l'est encore quand seuls 3 000, peut-être 5 000 juifs habitent un pays de 30 millions d'habitants ? Il est probable que les chrétiens soient beaucoup plus nombreux de nos jours.
Loin de moi l'idée de vouloir minimiser l'importance de l'histoire juive marocaine. Elle est fondamentale, même si l'on a tendance à plus insister sur la bienveillance du Sultan Mohammed V protégeant les juifs durant la Seconde Guerre Mondiale que de la gestion du drame du Pisces en 1961. Mais je me demande : comment faire pour que cette richesse ne pourrisse pas dans un musée ? Si, historiquement, le choix de l'exil a été logique pour une grande part de la diaspora juives marocaine, où sommes-nous en train d'échouer, alors que la diversité culturelle est désormais inscrite dans la constitution marocaine ? Échouer à ré-attirer cette diaspora, que l'on qualifie volontiers d'ambassadrice du Maroc, dont on se réjouie de l'attachement aux racines mais qui ne revient pas, pourtant. Où sont les juifs marocains, porteurs non seulement de tant d'histoire, mais à voir leurs accomplissements dans tous les domaines de la science, de l'art et du reste, aussi porteurs d'avenir ? Le jour où le Maroc parviendra à ramener à lui ses enfants les plus doués, juifs ou non, alors, nous pourrons nous réjouir de la multiculturalité riche et épanouie du plus beau pays du monde.