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LE MONDE EST PETIT

 

 

Je ne vous le cache pas, j’aurais aimé être grand, six pieds et des poussières, marcher d’un pas nonchalant et tranquille, l’œil allègre, la main légère, le sourire en coin, un petit cigare aux lèvres, la chemise blanche ouverte sur un corps bronzé (retour d’un voyage aux îles) athlétique, sûr de moi: beau et grand, quoi! Blazer marine, pantalon gris, œillet rouge à la boutonnière, briquet et montre Cartier les «must», Mercedes sport blanche, décapotable de préférence. Tout le kit du vrai playboy.

Mais, hélas, je suis petit. J’ai donc décidé de tirer le meilleur parti de moi-même.

D’abord, je me suis persuadé que les grandes aimaient les petits. C’est souvent faux, gênant parfois, mais on s’y fait.

Et puis, franchement, nous n’avons pas tellement le choix: avec leurs souliers échasses, leurs godasses ascenseurs, elles n’en finissent pas de grandir. Qui donc invente ces modes ridicules?

Et puis enfin, n’est-ce pas, «les contraires s’attirent» !!! «Quand c’est petit, c’est mignon» « c’est dans les p’tites bouteilles qu’on trouve les grands parfums » !!! C’est bizarre, mais les grandes filles prennent les hommes petits pour des enfants et souvent les traitent comme tels ! Cette envie que nous avons de vouloir plaire justifie sans doute cette attitude: l’énergie chez nous semble concentrée, decuplée et ne se dégage vraiment que lorsque nous nous sommes plus ou moins délivrés de notre complexe.

Chez moi, nous étions tous petits, et ma mère, qui avait entendu raconter par une de ses amies que c’était une question de glandes, nous avait conduits chez un médecin.

«Ça vous donnera un bon coup de pouce !», qu’elle nous disait.

Avant elle avait essayé en vain de nous mettre des fers à repasser à l’extrémité de nos jambes et de nous faire gigoter, histoire de mieux faire circuler notre sang !

 Le docteur en question mesurait moins de cinq pieds c’est a dire pour les ignorants que vous êtes,  pas très grand !!!

Voilà qui a refroidi ma mère. Elle est partie en claquant la porte  en nous entraînant avec elle. Plus tard, elle nous a fait prendre des hormones. Résultat : ma sœur a failli avoir une barbe, mon frère des seins et moi j’ai eu une fringale, je mangeais sans arrêt qui a coupé court au traitement. Découvrant que mon père et elle même étaient tous les deux de petite taille un célèbre spécialiste espagnol qu’elle consulta lui dit avec son accent « Vous zêtes peutite, votre mari est peutite, vous êtes un peutite moule vous fairez des peutites gâteaux »

Elle décida donc de nous aimer tels que nous étions, « des peutites gâteaux », sinon Dieu sait dans quelles aventures elle nous aurait entraînés!

Les petits font-ils mieux l’amour? Sont-ils plus charmants? Est-ce vraiment dans les petites bouteilles qu’on trouve les grands parfums? Ouais…

Quand on me présente une jolie fille, je me lève toujours, non seulement par politesse mais aussi par prudence: pas de surprises à la sortie.

S’en trouve-il pour vraiment croire que la taille n’a pas d’importance? Que ça n’a pas marqué Aznavour, comme il le prétend? Qui dit que, de toute façon, à l’horizontale, nous sommes tous pareils? Pour moi, la taille a de l’importance, le nom a de l’importance, la date de naissance a de l’importance: ce sont des facteurs primordiaux qui déterminent le succès ou l’échec de chacun. Si j’avais été plus grand, aurais-je été moins agressif, moins entreprenant? Je le crois! Il y a chez le petit une volonté de réussir et une détermination plus forte que chez les autres.

 Napoléon, s’il n’avait pas été petit, aurait-il été grand?

- Je suis plus grand que vous, Majesté, avait dit à Napoléon l’un de ses lieutenants.

- Non, avait répondu Napoléon: vous êtes plus haut!

Il y a bien sûr des grands qui sont stupides et inintéressants, et des petits désespérément insipides et totalement effacés. Alors, si j’avais le choix entre être grand et pas si brillant que ça ou petit et charmant, «un beau fou»? Être petit? Être grand? Être beau? Être laid, intelligent, idiot? Je ne sais pas, je ne sais plus !

L’important, bien sûr, c’est d’être soi-même totalement, complètement, de se réaliser, de se dépasser et ainsi de devenir grand par la force des choses et des événements.

Je me dis ça, parfois, pour me rassurer, les soirs de cafard quand je me retrouve seul, abandonné, tout petit, avant de m’endormir et de rêver enfin que je suis grand!

 

Bob Oré Abitbol

boboreint@gmail.com

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