Le livre des perles, par Salomon Ibn Gabirol
Une recension de Jean-Pierre Allali
Né en 1021, au sein d'une famille originaire de Cordoue, Salomon Ibn Gabirol, en arabe Abu Ayyub Sulaiman Ibn Yahia Ibn Jabirul, fut l'un des plus grands érudits juifs du Moyen Âge.
Les parents du petit Salomon, après avoir vécu à Malaga, rejoignirent Saragosse. Quand le père de Salomon disparaît, le futur poète et théologien est très jeune. Ce sont les dirigeants de la communauté qui le prennent en charge. Salomon, attiré par les études, s'intéresse à la Bible et au Talmud, à l'hébreu et à l'arabe, à la philosophie et à la logique et même à l'astronomie. Mais ce qui le passionne plus que tout, c'est la poésie. Atteint d'une dermatose aiguë, il sera accueilli par Ibn Janna, médecin et linguiste, qui le soignera bien que Gabirol ait un mauvais caractère, irascible, emporté et misanthrope. Plus tard, il réussit à se mettre sous la protection d'un riche dignitaire juif de la cour de Saragosse, Yékutiel ben Yitshak ibn Hassan. Malheureusement, en 1039, accusé à tort à la suite d'une tentative de coup d'État, ibn Hassan est condamné à mort et exécuté. Gabirol a 19 ans et est livré à lui-même. Ce véritable surdoué tient le coup et va, au fil des ans, produire une œuvre de qualité. En témoigne, entre autres, son Tikkun Midot ha-Nefesh ( en arabe Islah al-Akhlak), le Livre de la correction des mœurs. Parmi les poèmes les plus populaires dus à Ibn Gabirol, le fameux Lekha Dodi qui a traversé les siècles et que l'on continue d'entonner de nos jours lors des fêtes et du shabbat. Après avoir vécu à Grenade sous la protection de Samuel Ha Naguid, Salomon Ibn Gabirol s'est éteint à Valence vers 1056.
Le Livre des Perles (Sefer Mivhar ha-Peninim, en arabe Mukhtar al-Jawahir) se présente comme un recueil de dictons, d'adages et d'aphorismes. Ces pensées où l'on retrouve bien des lieux communs à la sagesse populaire du monde sont regroupées en 64 thèmes : « Sur l'amabilité », « Sur le pardon », « Sur la honte », « Sur l'amitié », « Sur la fidélité », « Sur la misère », « Sur la haine », « Sur le ridicule »...
Quelques exemples parmi les centaines qui nous sont proposés: « La honte et la foi sont tant liées que la disparition de l'une entraîne celle de l'autre », « Ne discute pas avec qui t'interrompt par manque de politesse », « Ne sers pas tes plats à qui n'aime pas tes salades : ne tiens pas tes propos à qui n'en est pas intéressé », « Toute amitié présente de l'intérêt à l'exception de celle de l'imbécile à laquelle l'on ne gagne rien », « Le sage dit : 'La plus docile des bêtes a besoin de brouter, la plus chaste des femmes d'un mari et la plus intelligente des personnes de conseils' », « Le trou d'une aiguille n'est pas trop étroit pour deux amants alors que le monde entier n'est pas assez vaste pour deux ennemis », « Une mauvaise femme est comparable à la louve qui change de pelage sans changer de nature », « Retiens ta langue, comme tu retiens ton argent », « Celui qui sollicite un avare pêche du poisson dans un désert » ou encore, plus étonnant : « Celui qui allie le service religieux à l'étude n'a ni gros cou ni corps gras »
Divertissant. À découvrir
(*) Éditions Avant-Propos, 2014.Traduit de l'hébreu par Dan Scher. Introduction par Dan Scher. 176 pages. 17,95 euros.
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