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L'antisémitisme, une spécificité française ?

 

 

Alors «bonne nouvelle», explique la sociologue Nonna Mayer, les Français, quand on les interroge, ne sont pas antisémites. Certes, il leur reste quelques solides clichés sur «les juifs et l’argent» ou «les juifs et le pouvoir» mais dans leur majorité les Français jugent avec bienveillance leurs concitoyens juifs.

A l’envers du tableau de la France paisible peinte par ces sondages, d’autres statistiques sont plus noires : la France détient le record européen d’actes de violence envers les juifs – agressions physiques, attaques de synagogues ou autres lieux culturels, manifestations : pendant les premiers six mois de 2014 on a constaté 91% d’actes antisémites en plus par rapport à l’année précédente. Avec deux pics de violence, l’un en janvier au moment de l’affaire Dieudonné et de la manifestation «Jour de colère», l’autre en juillet au cours de la guerre à Gaza. Alors qu’une manifestation propalestinienne de 60 000 personnes se déroulait dans le calme à Londres, à Paris les mêmes manifestations dégénéraient en casse, comme à Barbès. Un chiffre étonnant : 20% des actes violents antijuifs en Europe se sont produits… en France.

Comment expliquer cette désagréable «exception française» ? Il s’agit d’une minorité, mais elle passe à l’acte.

Didier Leschi (préfet délégué auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis), François Pupponi (maire PS de Sarcelles), Camille Bedin (conseillère municipale UMP à Nanterre) décrivent, eux, la réalité du terrain derrière ces chiffres. Ils parlent de territoires «déstructurés», de la pénétration des réseaux fondamentalistes, de la banalisation de la violence des propos antisémites – cachés derrière l'anti-sionisme. Banalisation diffusée en permanence sur le web. «On peut dire n’importe quoi, c’est la facebookisation», dénonce Sylvain Boulouque, historien spécialiste du communisme, qui pointe la responsabilité de la gauche et de l’extrême gauche dans cette montée de la violence antisémite : «Les verrous de l’extrême gauche ont sauté. Il n’y a plus de tabou.» Plus de tabou non plus dans les débats à la télévision, où toutes les paroles se valent, s’inquiète aussi Anne Sinclair (directrice du Huffington Post) qui leur demande d’être plus responsables dans leurs nombreux talk-shows.

Appliquer la loi, bien sûr, ce que fait l’Etat français, mais tous insistent sur la bataille des mots, l’importance de la parole. «Dans les quartiers, dit le maire de Sarcelles, on n’est plus là, il faut qu’on invente une nouvelle profession capable de parler à ces jeunes.» Et face à la montée des idées populistes en Europe, l’historien Benjamin Stora pense qu’il faut se lancer «dans le combat politique, affronter les théoriciens,  le réservoir idéologique de l’antisémitisme européen».

Annette LÉVY-WILLARD

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