Les Européens ne pardonnent pas Auschwitz aux Juifs(info # 010911/14) [Analyse]
Par Guy Millière ©Metula News Agency
Jeudi 30 octobre, le gouvernement de centre-gauche suédois, conduit par le socialiste Stefan Lofven, a reconnu « l'Etat de Palestine ». La ministre des Affaires Etrangères, Margot Wallstrom, a déclaré qu'elle pensait que la décision prise par le gouvernement auquel elle appartient « montrerait la voie » à d'autres gouvernements européens.
Il est, hélas, clair qu'elle a raison. Le 13 octobre dernier, le Parlement britannique a massivement voté en faveur de la reconnaissance officielle de la « Palestine », et même si ce vote fut symbolique, il n'en a pas moins été significatif : lors du débat qui a précédé le vote, nombre d'intervenants ont souligné « l'urgence » d'une telle reconnaissance.
En France, François Hollande a dit très explicitement, le 19 septembre dernier, que « la France veut un Etat palestinien à côté d'Israël », et les députés socialistes préparent actuellement un texte inspiré de celui voté en Suède, aux fins de le faire adopter par l'Assemblée Nationale. Tôt ou tard, le texte sera adopté.
Margot Wallstrom a ajouté que la reconnaissance de « l'Etat de Palestine » par le gouvernement suédois permettrait de « relancer les négociations » et allait renforcer les positions des « modérés ». Il est évident que ce qu'elle a dit est faux et qu'elle le sait. A l’instar de tous les gouvernements européens qui sont susceptibles de suivre la Suède, elle pratique l'aveuglement volontaire.
De fait, toutes les déclarations diplomatiques récentes de Mahmoud Abbas et des autres dirigeants « palestiniens » montrent une volonté de parvenir à une reconnaissance officielle de la « Palestine » sans négociations et sans accord de paix. C'est très exactement cette reconnaissance que la Suède leur apporte et que tous les gouvernements qui suivront la Suède leur apporteront.
De fait encore, toutes les déclarations récentes de Mahmoud Abbas et des autres dirigeants « palestiniens » concernant le terrorisme montrent qu'il n'y a chez eux aucune trace de « modération », et qu'ils peuvent traiter des assassins comme des héros et des « martyrs » sans perdre le qualificatif de « modérés » aux yeux des Européens.
Leur reconnaissance par des Etats importants ne peut que les inciter à persévérer, et l'Autorité Palestinienne de continuer à se trouver traitée comme un gouvernement honorable bien qu'elle ait formé un gouvernement d'union avec les terroristes fanatiques du Hamas. Cela ne peut que pousser les extrémistes palestiniens à aller plus loin dans la direction qu'ils ont choisie de suivre.
Margot Wallstrom a souligné que le gouvernement suédois se situait dans la ligne définie par l'Union Européenne, ce qui est hélas exact.
Elle fait référence à une position prise par l'Union Européenne en 2009, et c'est véridique, une fois encore.
En décembre 2009, le Conseil de l'Union Européenne a adopté un ensemble de conclusions stipulant que l' « Etat de Palestine » doit être « reconnu officiellement » dès que les conditions seraient réunies, définissant à l'avance, sans concertation ni négociation, ce que devraient être les frontières de cet Etat, à savoir « les frontières d'avant 1967 ».
Le document souligne que la capitale de l' « Etat de Palestine » doit être Jérusalem. Il ajoute que des « ajustements de frontières ne seront acceptés » que s'ils bénéficient de l’ « accord des deux parties » ; ce qui signifie, en langage clair, que les ajustements de frontières éventuels ne seront acceptés par l'Union Européenne que s'ils sont acceptés par l'AP.
Les dirigeants européens qui ont adopté ces conclusions ne sont pas totalement ignorants de l'histoire : ils savent, par conséquent, qu'il n'y a pas de « frontières d'avant 1967 » et que les soi-disant « frontières de 1967 » étaient uniquement les lignes d'armistice de 1949.
Ils savent que la Guerre des Six Jours a été une guerre d'agression arabe visant à l'annihilation d'Israël, et que les territoires perdus en 1967 l’ont été par l'Egypte, la Jordanie et la Syrie. Ils savent qu'en 1967, il n'existait pas de « territoires palestiniens » et que nul n'aurait osé définir à l'époque la Judée-Samarie et la bande de Gaza comme des « territoires palestiniens ».
Ils savent qu'à l'époque, l'OLP ne revendiquait pas la création d'un « Etat palestinien », et se présentait comme un mouvement voué à « libérer » un seul territoire, celui d'Israël. Ils savent qu'aucun dirigeant palestinien n'a jamais accepté et n'acceptera jamais la création d'un Etat de Palestine vivant en paix à côté de l'Etat juif d'Israël, et qu'il n'y aura dès lors jamais d'accord ou de traité de paix ; Arafat ne l'a jamais accepté, Mahmoud Abbas non plus, même quand des dirigeants israéliens ont fait des propositions que d'autres dirigeants israéliens considéraient suicidaires pour Israël.
Les dirigeants européens savent que les lignes d'armistice de 1949 ont été et restent considérées comme militairement indéfendables par les états-majors israéliens successifs, et qu'aucun gouvernement israélien n'acceptera un retour auxdites lignes d'armistice. Ils savent qu'aucun gouvernement israélien n'acceptera de diviser Jérusalem et de céder la souveraineté israélienne sur la vieille ville et sur les lieux saints.
Ils ont adopté une version falsifiée de l'histoire qui est celle mise en place par la propagande arabe.
En définissant a priori les frontières entre Israël et un Etat de Palestine, et en entérinant d'avance les positions « palestiniennes », ils ont vidé les négociations de leur sens, et ont endossé la définition unilatérale des dirigeants « palestiniens » de ce que serait leur « Etat ».
Ils n'ignorent pas que les dirigeants palestiniens veulent une reconnaissance officielle de la « Palestine » sans négociations et sans accord de paix. Ils n'ignorent pas que les dirigeants « palestiniens » ne veulent pas la paix.
Ils n'ignorent pas qu'aucun dirigeant « palestinien » n'a jamais été « modéré ».
Ils n'ignorent pas ce que veulent en réalité les dirigeants « palestiniens ».
Ils font néanmoins comme s'ils l’ignoraient.
Comprendre leur position impliquerait de comprendre l'évolution de l'Europe depuis 1945.
L'Europe s'est reconstruite après la Deuxième Guerre Mondiale sur la base d'un postulat : l'Etat nation et l'identité nationale sont la source de tous les maux et de toutes les guerres. Israël est un Etat nation et possède une identité nationale forte, donc Israel a tort, Israel est un pays dangereux.
L'Europe s'est reconstruite chargée du poids de sa culpabilité dans la Shoah et a voulu se décharger dudit poids : soutenir la « cause palestinienne » permet aux Européens de dire que les Juifs israéliens sont aussi criminels que les Européens au temps du nazisme et se conduisent vis-à-vis des Palestiniens comme les Européens se sont conduits à l’encontre des Juifs.
La vieille phrase disant que les Européens ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs reste exacte : les Européens se déchargent de leur culpabilité aux dépens des Juifs en accusant ceux-ci d'être aussi criminels que les Européens l'ont été autrefois vis-à-vis des Juifs.
L'Europe s'est, décennie après décennie, imprégnée d'un discours relativiste et multiculturaliste, imprégné d' « anti-impérialisme », au nom duquel toutes les civilisations sont égales, mais la civilisation occidentale est moins égale que les autres.
Israel est très souvent décrit en Europe en ce contexte comme un pays « impérialiste », colonialiste, soit une incarnation de la civilisation occidentale coupable face à la civilisation musulmane, incarnée par les « Palestiniens ».
L'Europe a vu, en outre, sa population changer, et des minorités musulmanes grandir en elle, et elle s'est rapprochée de la vision musulmane du monde.
Imprégnés de cette vision, les dirigeants européens considèrent obstinément que le « conflit israélo-palestinien » est le conflit central du Proche Orient et la cause essentielle de la rage musulmane. Ils voient dans le refus d'Israel de céder aux exigences des « Palestiniens » l'obstacle empêchant la résolution du conflit. Ils seraient prêts, bien sûr, à ce qu'Israël cède à toutes les exigences des « Palestiniens »…
La remplaçante de Catherine Ashton, Federica Mogherini, était, ces jours derniers, en visite au Proche-Orient. Malgré les actes de violence terroriste et les incitations au djihad proférées par Mahmoud Abbas et les chefs du Hamas ou du Djihad Islamique, elle s'est déclarée « confiante » dans la possibilité d'avancer vers une « solution pacifique ». Binyamin Netanyahou lui a répété que les positions européennes sont délétères. C'est le moins qu'il pouvait faire. Tenu par les règles de la diplomatie, il ne pouvait dire que les positions européennes sont criminelles.
La prochaine étape dans les pressions sur Israël aura lieu en janvier 2015. Mahmoud Abbas et les dirigeants palestiniens demanderont alors la reconnaissance de « l'Etat Palestinien » aux Nations Unies.
Seul le veto des Etats Unis au Conseil de Sécurité pourra empêcher cette reconnaissance. La France et le Royaume Uni s'abstiendront : leur abstention signifiera qu'ils consentent.
Obama sera tenté par un vote semblable à celui de la France et du Royaume Uni : on peut souhaiter que les Républicains, qui tiennent désormais les deux Chambres du Congrès, sauront trouver les moyens de le faire résister à la tentation.