Le bouclier spatial israélien marque des points (info # 012302/11) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
On a sabré le champagne, hier, à la base aéronavale de Mugu, située à une centaine de kilomètres au nord-ouest du centre de Los-Angeles. Une base spécialisée dans le développement et l’expérimentation des missiles, dans laquelle s’afférait, depuis plusieurs semaines, une énergique cohorte d’ingénieurs israéliens, accompagnés de leurs partenaires de Boeing, et fréquemment dérangés par la curiosité d’officiers en uniforme.
Mardi matin, à 8h30, heure israélienne, soit 22h30, lundi soir, en Californie, en regardant la scène impressionnante montrant le succès complet de leur entreprise [visionner les images vidéo], les hommes ont laissé exploser leur joie ; à Mugu, dans la "fosse", au quartier général de Tsahal à Tel-Aviv, et dans bien d’autres endroits névralgiques, en Israël comme aux Etats-Unis.
C’est qu’on venait de réaliser un très bel exploit scientifique commun, en lançant un missile Khetz (Flèche) au-dessus du Pacifique, à la rencontre d’un missile balistique, parti un peu plus tôt du pont d’un bâtiment de la Navy. A une vitesse ahurissante, le chasseur éperonna sa proie, déclenchant une étincelante gerbe de feu dans le ciel californien.
Selon un officiel du ministère de la Défense US, "le missile ennemi jouait le rôle d’une menace futuriste à laquelle Israël pourrait avoir à se mesurer, un jour, dans la région". Exprimé plus clairement, il s’agissait d’un clone de fusée balistique Shihab (Météore) iranienne.
L’essai d’hier – le 18ème - venait valider les évolutions installées sur la quatrième version du Khetz II. Mais à Métula, au vu de l’explosion de joie extraordinaire causée par les résultats de ce test, nous sommes persuadés qu’il a recelé des éléments prépondérants conservées à l’insu du public.
Ces non-dits pourraient bien concerner le développement du Khetz III, ou Super-Khetz, dont le premier tir est prévu plus tard cette année, et l’intégration opérationnelle, dès 2014. Le nouveau missile israélien, déjà bien en chantier, bénéficiera d’une architecture totalement nouvelle, mais surtout, il sera capable d’intercepter ses proies en dehors de l’atmosphère terrestre – à une altitude de plus de 100km -, plus loin du territoire à défendre et donc plus près de son origine.
Ces améliorations doteront notamment les utilisateurs de la nouvelle arme d’une rallonge de temps précieuse, qu’ils pourront mettre à profit pour décocher une autre flèche, au cas où la première aurait manqué sa cible, ainsi que pour préparer une riposte offensive adéquate.
Le III, dont une maquette a été présentée au dernier salon du Bourget, est un peu plus petit que son prédécesseur, encore plus rapide, mais surtout, il pèse deux fois moins lourd. Ces caractéristiques font qu’il pourra être tiré à partir de navires militaires – et non plus de bases fixes pré-aménagées, comme c’est le cas actuellement avec le Khetz II.
Autre indice révélateur d’une réalisation exceptionnelle, l’Amérique a décidé de financer entièrement le programme du nouvel intercepteur, ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant, Israël mettant la main à la poche à raison de 65 millions de dollars par année. Le développement de la nouvelle émulation du Khetz devrait coûter à l’Oncle Sam la bagatelle du milliard de dollars annuellement, ce qui suffit à établir son importance stratégique pour les USA.
Le Khetz III (ou version 5) pourra être guidé par des radars embarqués à bord des destroyers de l’US Navy, en plus d’un système israélien Super Pin Vert, développé pour l’occasion, et du nec plus ultra en la matière, l’AN/TPY-2. Un radar à ce point secret, que les Etats-Unis ont accepté d’en déployer une unité sur le sol israélien, mais celle-ci est opérée uniquement par des yankee boys.
Pour éventer les intentions américaines, il suffit d’écouter ce que dit du Khetz III le directeur de la très puissante Agence de Défense Missiles, le lieutenant-général Patrick J. O’Reilly : "Le concept de l’Arrow III promet d’être un système extrêmement efficace, plus avancé que tout ce que nous ayons jamais tenté de réaliser aux USA avec nos propres programmes. C’est lié aux senseurs, qui ont plus de flexibilité, ainsi qu’à d’autres aspects, tels les systèmes de propulsion – ce sera un système… extraordinairement efficace".
Dans les faits, une fois testé, le nouveau Khetz remplacera l’ancien au sein des unités dans lesquelles il est actuellement déployé. Car, en plus de ses qualités en haute altitude, il pourra toujours intervenir plus bas dans l’atmosphère.
A en croire des spécialistes de renommée mondiale, la version en gestation avancée pourrait, dans l’une de ses déclinaisons ultérieures, être utilisée comme une arme antisatellite.
Dans son mode opératoire, l’Arrow est tiré avant que la trajectoire exacte de la fusée balistique et le point d’impact aient pu être précisément calculés. C’est au cours du vol – qui peut durer moins de deux minutes – que les coordonnées précises sont calculées, et que le second étage – "le tueur" -, d’un poids de 500 kilos, est lâché sur son objectif.
Ce véhicule comporte la tête explosive, le radar embarqué, qui continue les calculs d’affinage, ainsi qu’un "fusible de détection de proximité". Il dispose de quatre ailerons aérodynamiques à géométrie delta, lui permettant de modifier sa course à basse altitude.
Se distinguant des autres projets d’intercepteurs de missiles balistiques, si le Khetz est premièrement conçu pour heurter sa proie, son fusible lui permet de déclencher une explosion à fragmentation, dans un rayon de 50 mètres de l’intrus, s’il ne parvient pas à générer un contact physique.
La déflagration ainsi engendrée suffit à détruire le missile balistique, ce, même si, hier, il l’a percuté de plein fouet. C’est en constatant que le Khetz se propulse à une vitesse de 2.6 kilomètres par seconde, dans une phase ascensionnelle, et le Shihab, à 1.36 kilomètre/seconde, en phase de descente terminale, sur des trajectoires opposées, que l’on peut saisir la précision phénoménale qui est nécessaire à créer un abordage.
Même dans ces conditions extrêmes, le "père du Khetz", Dov Raviv, affirme que l’un de ses missiles, tiré en solitaire, possède 90% de chances de détruire sa cible à la plus haute des altitudes opérationnelles. Il précise, qu’en cas de ratage, il est possible de lancer deux Khetz supplémentaires, avec un faible intervalle entre eux, sur le même objectif, et ajoute encore que, si le second détruit l’intrus, on peut encore rediriger le troisième vers un autre objectif. De cette manière, les chances d’intercepter un Shihab sont de 99.9 pourcent, ce qui fait de l’arme de défense israélienne un bouclier quasi impénétrable.
Une batterie de Khetz II, telle que celles déployées dans les rangs de Tsahal, peut recevoir entre quatre et huit missiles, et chaque batterie est capable de traquer jusqu’à cinq objectifs pénétrants. Une batterie de ce type est opérée par une centaine d’hommes, et peut être rechargée en moins d’une heure.
La démonstration faite hier face à Los Angeles confirme que l’on est prêt à intercepter des fusées balistiques de moyenne portée (MRBM), pouvant transporter une ogive nucléaire sur une distance de 1000 à 3000 kilomètres, et protéger ainsi, non seulement le territoire de l’Etat hébreu, ainsi que les bases américaines au Moyen-Orient, mais également l’Europe et d’autres cibles intéressant la "République" Islamique d’Iran. Cela explique l’intérêt que suscite le missile hébreu et le financement que lui octroient les Etats-Unis.
Le Khetz III sera rebaptisé Réshéf, l’éclair, car on pense ici qu’il ouvre une nouvelle ère. Une ère durant laquelle il sera possible de protéger sa population et ses infrastructures contre les menaces représentées par des dictatures hostiles, ayant acquis des armes de destruction massive, de conception éculée, mais n’ayant rien perdu de leur létalité. C’est en tout cas le grand projet d’Israël, comme l’a souligné Ehud Barak, le ministre de la Défense, en apprenant le succès du test de Mugu.
L’Etat hébreu s’affaire à développer et à s’équiper de trois familles de missiles pour se protéger : le Dôme de fer, contre les Katiouchas, les roquettes à courte portée et les obus d’artillerie, la Harpe de David, destinée à abattre les missiles de moyenne portée et les missiles de croisière, et le Khetz.
D’ailleurs, le Dôme de fer a passé avec succès son examen d’entrée dans Tsahal la semaine dernière, et ses premières batteries vont incessamment être déployées sur le pourtour de Gaza.
Au sujet de ce concept de défense total, le lieutenant-général Henri Obering, le prédécesseur d’O’Reilly à la tête de l’Agence Défense Missiles, avait posé les cartes sur la table, quand il déclarait : "Nous désirions un programme véritable cogéré, parce que les Etats-Unis vont être très intéressés par cela pour leur propre usage".
L’Inde, d’ailleurs, vient de demander une offre chiffrée pour la Harpe de David ; le moins avancé des trois projets, qui ne sera opérationnel que dans un an ou deux.