Le Tombeau et la kippa
Lors de ma dernière visite en Israël, j’avais décidé de me rendre sur le Tombeau de Joseph. A quelques jours près, j’ai manqué la visite organisée sous haute protection militaire israélienne.
Citoyen français, je me suis alors tourné vers le Consulat de France, pour accéder à ce site que je considère comme hautement emblématique de la mémoire et de l’identité juive. Au moment de prendre place dans le véhicule officiel, la sympathique attachée culturelle, qui avait accepté de me conduire enfin sur le lieu tant désiré, m’a indiqué - embarrassée - la seule formalité demandée par le gouvernorat palestinien de Naplouse : ne porter aucun signe religieux visible, autrement dit, pas de kippa.
Président du Consistoire, interdit de Kippa pour le Tombeau de Joseph, j’ai alors décidé de ne pas m’y rendre.
Une évidence. A cause d’une exigence insensée imposée comme une simple formalité : un lieu saint juif, mais sans juif apparent ! Un pèlerinage ne s’achète pas au prix de son identité. Rien ni personne ne peut exiger d’un juif qu’il soit, même le temps d’un instant, même pour le Tombeau de Joseph, un juif «en secret», un juif «en cachette» d’un pouvoir dont l’intolérance impose sa loi.
Il est inenvisageable que, Président du Consistoire, je devienne par révérence pour nos lieux saints, complice soumis, ou muet, d’une odieuse politique de «nettoyage religieux» où qu’elle soit, et plus encore sur un site que les Accords d’Oslo ont placé sous souveraineté israélienne.
Imagine-t-on sans frémir, en Israël, terre sainte, qu’aucun chrétien ne puisse célébrer son culte, ni faire de signe de croix, ni prier dans une église? Imagine-t-on sans indignation l’interdiction des signes religieux musulmans ou l’obligation pour les muezzins de se taire ? Non. La seule image d’un Israël strictement mono-confessionnel blesse notre entendement et nos cœurs. Parce qu’Israël est une démocratie où la «purification religieuse» est en soi une monstruosité que nous avons lourdement payée. Parce l’exercice de tous les cultes y est libre et évident.
Ailleurs en revanche, la simple vue d’une kippa est susceptible d’embraser une ville ou des territoires entiers, mais qui s’en offusque ? Qui se dresse contre l’absurdité monstrueuse d’être interdit de judaïsme sur la terre qui l’a porté ? Où sont ces démocrates ordinairement donneurs de leçons ?
J’irai sur le Tombeau de Joseph, sous protection de l’armée d’Israël, avec ma kippa….
Joël Mergui