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Faut-il reprocher à un pasteur de Floride les morts en Afghanistan ?

par Daniel Pipes

Adaptation française: Johan Bourlard

Quand, en 2010, le pasteur Terry Jones, 59 ans, a annoncé son intention de brûler un exemplaire du Coran pour commémorer les attentats du 11 Septembre, le gouvernement américain, craignant des attaques contre les troupes américaines stationnées à l'étranger, a exercé d'énormes pressions sur lui pour qu'il fasse marche arrière. Finalement, le pasteur n'a pas mis son plan à exécution.

 
Toutefois, Jones n'a pas annulé le jugement cérémoniel du livre sacré de l'islam mais l'a simplement retardé de six mois. Le 20 mars, lors d'une cérémonie de six heures appelée « International Judge the Koran Day » (« Journée internationale du jugement du Coran »), il a organisé en Floride une parodie de procès judiciaire qui a déclaré le Coran « coupable de crimes contre l'humanité » et en a livré un exemplaire aux flammes.

Aux États-Unis, l'événement a été volontairement ignoré, dans l'espoir de limiter son impact mais, à l'ère d'Internet, bien peu de choses demeurent cachées. En l'espace de deux jours, la nouvelle avait atteint le Pakistan et l'Afghanistan dont les présidents respectifs ont fermement condamné Jones et ont largement informé de son action. Le 1er avril, des Afghans furieux se sont déchaînés, tuant douze personnes dans la ville de Mazar-e-Charif située au nord du pays ; le lendemain, des kamikazes habillés en femmes ont attaqué une base militaire de la coalition à Kaboul tandis que la populace tuait douze autres personnes.

(Soit, il faut le dire, seulement cinq morts de plus qu'en septembre 2010, où 19 personnes avaient été tuées alors que Jones avait seulement menacé de brûler le Coran.)

À qui ces morts sont-ils moralement imputables, à Jones ou aux islamistes qui ont cherché à appliquer la loi de l'islam dans son intégralité et aussi sévèrement que possible ?

Comme on pouvait s'y attendre, Jones a qualifié les meurtres d'« action criminelle » et proclamé que « nous devons tenir ces pays et leurs peuples pour responsables de ce qu'ils ont fait ainsi que des prétextes dont il peuvent faire usage pour promouvoir leurs activités terroristes. »

À l'opposé, Barack Obama a défini le fait de brûler le Coran comme « un acte d'une intolérance et d'un sectarisme extrêmes » tandis qu'il qualifiait les réponses violentes de « déshonorantes et déplorables ». Dans leur grande majorité, les membres du Congrès ont condamné l'attitude de Jones :

  • Le leader de la majorité au Sénat, Harry Reid (démocrate du Nevada), a dit qu'il allait « envisager » l'introduction d'une résolution pour condamner le fait de brûler le Coran.
  • Le sénateur Richard J. Durbin (démocrate de l'Illinois) a soutenu que « malheureusement, par son coup de pub sur le Coran, ce pasteur met en danger la vie de nos troupes et des citoyens de ce pays ainsi que de nombreuses personnes innocentes. »
  • Le sénateur Lindsey Graham (républicain de Caroline du Sud) a exprimé le souhait « de trouver un moyen pour faire porter la responsabilité au peuple [américain] », qualifiant la liberté d'expression de « grande idée, mais nous sommes en guerre. » .
  • Le président de la commission du renseignement de la Chambre, Mike Rogers (républicain du Michigan), a demandé que chaque Américain « soit réfléchi et soucieux des responsabilités de tout citoyen pour faire en sorte que nos soldats rentrent au pays sains et saufs. »

 
À la lumière de cette condamnation unanime de Jones par l'élite, les résultats d'un sondage commandé par un journal britannique de gauche, le Guardian, font en quelque sorte l'effet d'une surprise. À la question de savoir si « le pasteur de Floride qui a brûlé le Coran est moralement responsable de la mort d'employés de l'ONU dans des manifestations en Afghanistan », seulement 45 % des personnes interrogées ont condamné Jones, alors que 55 % ont condamné les islamistes.

En effet, certains leaders musulmans américains non islamistes sont également de cet avis. Zuhdi Jasser, de l'American Islamic Forum for Democracy, en Arizona, a tenu pour responsables des meurtres les leaders extrémistes qui se sont servis de cette affaire comme d'un prétexte pour recourir à la violence. Shamshad Nasir, imam d'une mosquée ahmadiya située en Californie, a dit que sa communauté « condamne tout meurtre au nom d'une religion, quelle qu'elle soit, même si c'est au nom des écritures les plus sacrées. »

Comme je l'écrivais en septembre dernier, lorsque Jones menaçait de brûler le Coran, la « violence procède de la loi islamique, la charia, qui insiste sur le fait que l'Islam, et particulièrement le Coran, jouit d'un statut privilégié. » On ne peut tolérer cette affirmation récurrente en Occident depuis la publication, en 1989, par l'ayatollah Khomeyni d'un édit contre Salman Rushdie et son roman Les Versets sataniques. L'islam est une religion parmi d'autres et ne peut prétendre à un statut supérieur. Barrer la route à cette prétention de l'islam à dominer est peut-être le seul défi majeur à la modernisation de l'islam.

Aussi déplaisante soit-elle, l'initiative de Jones est à la fois légale et non-violente. Ce n'est pas lui le responsable de la mort de 43 personnes mais bien l'idéologie répugnante et barbare de l'islamisme. Quand les responsables politiques américains vont-ils donc ouvrir les yeux sur cette réalité élémentaire et se lever pour défendre vigoureusement les libertés civiles des citoyens américains ? Critiquer l'islam, adroitement ou non, est un droit constitutionnel et la critique faite intelligemment est même un impératif pour la civilisation.

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