ISRAËL-HAMAS : LES SECRETS D’UN ACCORD SURPRISE, par Alain Chouffan
On se frotte les yeux. Non, un accord entre Israël et le Hamas ! C’est Le Monde, (daté du 17 Août) qui l’annonce sur une page. Et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a même salué l’ouverture du point de passage de Kerem Shalom. Un accord avec l’ennemi juré d’Israël qui a toujours affirmé ne jamais négocier avec cette organisation terroriste ? Incroyable ! Il faut pourtant bien l’admettre. Les temps changent. Les situations évoluent. Les idées se bousculent. Sans doute , a-t-on de chaque côté, voulu éviter une nouvelle guerre. C ‘est plus raisonnable. Le fait est que le cabinet de sécurité israélien a approuvé, mercredi 15 août, cet accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas lors d’une réunion consacrée à la situation dans la bande de Gaza. Comment a été prise cette décision ? On croit savoir que des négociations indirectes ont été menées par l’Egypte et les Nations unies depuis mars, pour aboutir à un cessez-le-feu - de longue durée ! - entre l’Etat hébreu et le Hamas. Attendons. Pour le moment le mouvement islamiste qui contrôle Gaza depuis 2007 n’a pas réagi. Mais déjà le point de passage unique des marchandises, Kerem Shalom, entre Israël et la bande de Gaza vient d’ouvrir après plus d’un mois d’une fermeture instaurée en représailles à des actes hostiles contre Israël. Le ministre israélien de la défense, Avigdor Lieberman, vient de justifier sa réouverture par le récent retour au calme dans le territoire palestinien. De plus, la zone de pêche devrait y être élargie à neuf mille nautiques (17 km) au lieu de trois (5,6 km).
Après une longue période de calme depuis la fin du conflit en 2014, la violence était de retour à Gaza depuis le printemps. Elle s’est cristallisée dans la Marche du retour, commencée le 30 mars, et qui défendait le droit des Palestiniens réfugiés depuis 1947 au retour sur leurs contrées d’origines en territoire israélien et exigeait la fin du blocus israélo-égyptien sur l’enclave, instauré après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007. Les manifestations hebdomadaires le long de la frontière israélienne, les cerfs-volants incendiaires, plus de 25 km2 incendiés, ont fait monter la tension : des milliers de palestiniens blessés, plus de 150 morts palestiniens
Un fragile cessez-le-feu a été conclu tard dans la nuit du 9 août, par l’intermédiaire de l’Egypte, sans qu’Israël ne le confirme. Malgré l’accalmie du week-end, M. Lieberman assurait dimanche qu’une guerre à Gaza était « inévitable ». Deux jours plus tard, il annonçait, sur un autre ton, le desserrement du blocus, donc l’annulation des sanctions prises, dès le 9 juillet, pour que le Hamas mette fin aux manifestations et aux engins incendiaires.
Le 13 août, la « 10 », une chaîne israélienne privée, révélait que le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, avait rencontré secrètement, en mai, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, au Caire, pour discuter entre autres d’une éventuelle trêve avec le parti islamiste à Gaza. Le lendemain, le ministre des finances, Moshe Kahlon, confirmait cette visite, précisant que « tout ce qui se passera [it] à Gaza serait fait avec la médiation de l’Egypte ».
Selon les médias israéliens, repris par Le Monde, l’accord sur un cessez-le-feu avait d’abord reçu une approbation de principe des ministres du cabinet de sécurité le 12 août. Seuls Naftali Bennett, le ministre de l’Education et la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, s’y sont opposés. Chef du parti nationaliste religieux, le Foyer juif, M. Bennett s’était auparavant prononcé pour une intervention militaire à Gaza. Il considère toute trêve comme dangereuse, car elle favoriserait le réarmement du Hamas.
Le détail de l’accord annoncé par le cabinet de sécurité n’est pas connu, et un échange de prisonniers n’y figurait pas. « Personne ne parle d’un accord de cessez-le-feu de longue durée. Comme d’habitude, c’est une trêve temporaire, en attendant la prochaine escalade », avance Yaakov Amidror, ancien chef du Conseil de sécurité nationale.« Le Hamas souhaite, pour la population civile, une fête de l’Aïd el-Kebir [dès le 21 août] sans violence. Pour Israël, rouvrir Kerem Shalom et faire passer des marchandises est un geste humanitaire à moindre coût », explique Eado Hecht, chercheur au centre d’études stratégiques Begin-Sadate. « La demande d’Israël est d’ailleurs de revenir à l’accord a minima convenu après l’opération Bordure protectrice [de l’été 2014] : la cessation des hostilités, une levée partielle du blocus et un élargissement de la zone de pêche. » Le calme assuré, le programme de réhabilitation de Gaza, proposé par le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix, Nikolaï Mladenov, pourra être mis en œuvre.
Dans le cadre des négociations, l’Egypte mise aussi sur le retour de l’Autorité palestinienne (AP) dans la bande de Gaza, après une réconciliation avec le Hamas. Des discussions au Caire entre les factions politiques de Gaza et une délégation venue de Cisjordanie ont lieu depuis le 15 août, sans garantie de réussite. Le Hamas salue le plan de l’ONU pour réhabiliter Gaza, mais refuse les concessions exigées par l’AP, concernant l’armement et les taxes. Pour faire pression sur le Hamas, celle-ci maintient ses sanctions à Gaza, notamment le gel des salaires des fonctionnaires. Le Hamas est également déterminé à poursuivre les négociations avec Israël tout en imposant des conditions que l’Etat hébreu n’est pas près d’accepter, comme la levée immédiate du blocus.
La signature de cet accord surprise a fait réagir Jacques Benillouche . “On comprend mieux le silence de Benjamin Netanyahou durant les événements de Gaza alors que les tirs de roquettes dans le sud du pays se multipliaient. Il était en pleine négociation secrète avec le Hamas pour un cessez-le-feu à long terme. Le Cabinet de sécurité s’est réuni plusieurs fois en laissant filtrer l’idée de l’imminence d’une guerre totale à Gaza mais le premier ministre ne s’est pas exprimé. “ Il est resté silencieux et n’a fait aucun commentaire sur Gaza à l’exception d’une déclaration dans son journal Israël Hayom pour critiquer la ministre norvégienne des Affaires étrangères, Ine Marie Eriksen, accusée de financer des groupes gauchistes anti-israéliens. Il a en revanche salué la décision de l'agence de notation Standard & Poor de relever la note de la dette souveraine d’Israël de A+ à AA-. Mais jamais la situation critique des habitants du sud, confinés souvent dans des abris, n’a semblé l’atteindre et encore moins celle des kibboutzim de la frontière soumis au feu des cerfs-volants mais qui votent à gauche de manière traditionnelle. Il a à peine accepté de visiter la ville de Sderot pour maintenir un lien avec ses électeurs.
En fait, un cessez-le-feu était en cours de discussion sous l’égide des Égyptiens et du Qatar. Cependant la discrétion était totale puisqu’aucune conférence de presse n’a été réunie pour en dessiner les contours et les éventuelles concessions. Cela explique ainsi la mollesse des représailles militaires contre la bande de Gaza qui ne devaient pas faire trop mal pour éviter de faire capoter les négociations. Les Israéliens ont été laissés dans l’ignorance d’un éventuel accord car le gouvernement voulait exploiter la période propice des vacances. Il a fallu attendre le journal Al Jazeera, qui le 9 août, a révélé qu'un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas avait été atteint. Dans un premier temps, une source israélienne de haut rang a démenti l’accord pour ensuite être contrainte de le confirmer. En fait rien n’était encore finalisé car Netanyahou négociait en secret avec le Hamas un accord plus important. Vis-à-vis de sa frange nationaliste et religieuse, il pouvait difficilement avouer qu’il était prêt, non pas à en découdre avec l’organisation terroriste, mais à s’asseoir à la même table que les terroristes. Mais il veut prouver qu’il est un homme d’État international, qui rencontre les leaders mondiaux et dialogue avec eux et qui n’a rien à faire avec la piétaille islamique. De manière officielle, les langues se sont déliées pour annoncer qu’un accord de paix était pratiquement conclu avec le Hamas pour une durée de cinq années. Les termes du protocole prévoient une amélioration des conditions humanitaires à Gaza. Évidemment l’accord est conditionné par l’arrêt immédiat des émeutes à la frontière et de l’envoi des cerfs-volants incendiaires. Le passage israélien de Kerem Shalom sera réouvert et celui de Rafah avec l’Égypte le sera sur une longue durée.
Lors de deuxième étape, si le cessez-le-feu dure, alors Israël autoriserait l’importation et l’exportation de marchandises de Gaza et augmenterait la quantité d’électricité israélienne fournie. Enfin la dernière étape comprendrait la construction d'un port maritime dans la ville égyptienne d'Ismaïlia et d'un aéroport au Sinaï ainsi que d'une centrale électrique au Sinaï. La réhabilitation générale de Gaza est planifiée. Mais ce projet impose le soutien de l’Autorité palestinienne et du Djihad islamique ce qui n’est pas acquis.
L’accord risque cependant de buter sur les échanges de prisonniers et des corps des deux soldats tués en 2014, Hadar Goldin et Oron Shaoul, ainsi que sur la libération de deux Israéliens capturés par le Hamas. Le Hamas exige en contrepartie la libération de nombreux terroristes meurtriers. On en est la. Faut attendre le communiqué officiel et le détail de l’accord… AC