Rapprochements judéo-arabes, par David Bensoussan
Quelques signes timides montrent une évolution positive dans le rapprochement judéo-arabe. Le passé judéo-arabe est entaché de discrimination envers les non musulmans et le degré de rigueur dans l’application de leur statut de dhimmi aura varié grandement selon le bon vouloir des souverains. Il y eut néanmoins des moments de symbiose ; le passé civilisationnel de l’Espagne andalouse aurait été impensable sans la contribution des trois religions monothéistes.
Le sionisme a été pour beaucoup de juifs des pays arabes l’expression même de la dignité retrouvée à l’abri des angoisses relatives à la précarité des conditions réservées aux minorités. Plus de 800 000 juifs ont abandonné les pays arabes, beaucoup d’entre eux dans des conditions dramatiques et la plupart se sont rendus en Israël. Les sociétés arabes ont vu en le sionisme la révolte du juif contre son statut de toléré et un exemple dangereux pour leurs propres minorités telles celles des Kurdes ou des Kabyles. La guerre des Six jours a constitué un tournant important, l’humiliation de la défaite ayant trouvé dans les médias arabes une piètre consolation dans des théories conspirationnistes, notamment par la diffusion à grande échelle d’ouvrages antisémites tel Les protocoles des Juifs de Sion.
Les accords de paix entre Israël, l’Égypte et la Jordanie ont porté avant tout sur la sécurité et l’économie. Or, les médias qui dans ces pays sont contrôlés par les gouvernements ont continué de distiller une propagande haineuse. L’ensemble des pays arabes votent en bloc des motions anti-israéliennes absurdes qui monopolisent l’agenda des Nations Unies et de l’UNESCO. Bien des pays suivent leur exemple pour ne pas froisser les puissances pétrolières et il en va de même pour de nombreux pays européens qui participent à cette curée.
Plusieurs facteurs jouent présentement contre cette attitude de dénigrement d’Israël : bien des pays arabes réalisent aujourd’hui combien la contribution des communautés juives dans leur pays était importante : ils ont perdu non seulement une population industrieuse sur le plan économique, mais aussi une contribution cultuelle exceptionnelle. Le second facteur est l’inquiétude grandissante par rapport aux ambitions hégémoniques iraniennes qui prennent appui sur des milices armées en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen ; Israël peut contribuer à repousser la menace iranienne et des contacts de plus en plus officiels prennent place entre les pays du Golfe et Israël. Le printemps arabe a rejeté maints tabous qui prévalaient dans les pays arabes et les réseaux sociaux ont permis de forcer les frontières et d’établir des contacts directs qui ne sont pas censurés par les gouvernements.
En Égypte, une série télévisée dépeignant la cohabitation judéo-arabe a été programmée durant le mois de Ramadan. Le gouvernement restaure la grande synagogue Éliyahou Hanabi à Alexandrie. Treize universités enseignent l’hébreu et 3000 étudiants obtiennent leur diplôme dans cette matière cette année. Une synagogue a été inaugurée à Dubaï. À Bahreïn, une juive a servi comme ambassadrice aux États-Unis. Des journalistes saoudiens expriment ouvertement leur soutien à Israël. Lors de la dernière confrontation avec le Hamas, Abd Al-Hamid Al-Hakim, ancien directeur du Centre pour les études stratégiques et juridiques au Moyen-Orient à Djeddah a écrit : « Nos cœurs sont avec vous. Puisse Allah protéger Israël et son peuple. » Beaucoup d’autres journalistes soulignent que les incidents initiés et soutenus par l’Iran ne font que nuire aux Palestiniens. Ces voix restent minoritaires, mais leur diffusion était impensable il y a quelques années.
Toutefois, la Tunisie et le Maroc font des ouvertures publiques aux Juifs malgré les pressions des partis islamistes. Ainsi, le ministre du Tourisme juif en Tunisie a su répondre brillamment à ceux qui critiquaient sa nomination. Au Maroc, le conseiller du roi André Azoulay milite résolument en faveur des relations judéo-musulmanes et du rapprochement avec Israël. Ce fut le roi Hassan II qui donna son appui pour héberger les Égyptiens et les Israéliens et ces échanges résultèrent en la conclusion de la paix israélo-égyptienne.
Des ressortissants juifs originaires du Maroc venus du monde entier ont été invités à un congrès à Marrakech en 2019 et le Maroc est ouvert au tourisme israélien. L’Association sépharade américaine (American Sephardi Association) a organisé à New York un colloque d’historiens juifs et musulmans portant sur les rapports judéo-musulmans. Bien que la lecture de l’histoire ne soit pas toujours la même, le fait que cette rencontre se soit tenue est certainement positif.
Alors que de nombreuses voix se lèvent dans le monde arabo-musulman pour minimiser l’ampleur de l’Holocauste, le roi Mohamed VI a déclaré : « Ma lecture de l’Holocauste et celle de Mon Peuple ne sont pas celles de l’amnésie. Notre lecture est celle d’une blessure mémorielle que nous savons inscrite dans l’un des chapitres des plus douloureux, dans le Panthéon du Patrimoine universel. » Il faut noter que le Maroc a été un des rares pays arabes qui a respecté le patrimoine religieux des Juifs marocains et qu’il est le seul pays arabe ou il existe un musée du judaïsme.
Le dégel des relations judéo-arabes serait bien plus prononcé si les pays qui proclament leur volonté de paix cessaient de participer au lynchage diplomatique d’Israël à l’ONU qui ne fait qu’exacerber et radicaliser les passions, encourager les Palestiniens à refuser tout accord de paix et les Israéliens à désespérer de la paix, ne rendant service à aucune des parties du conflit du Proche-Orient et retardant l’inévitable conciliation si tant désirée