Israel vu par Tel Quel
Exclusif. Voyage en Israël
Jérusalem-Al Qods, Tel Aviv, la Cisjordanie, les colonies, le mur de la honte, la mosquée Al Aqsa… TelQuel a visité ces lieux qui ont changé la face du monde. Un reportage plein de vérités…
et de surprises.
Ce reportage est le fruit d’un voyage effectué en juillet 2010.
Il est dédié aux militants pour la création d’un Etat palestinien et à ceux, plus généralement, qui œuvrent pour la paix entre les peuples
de la région.
Le voyage pour Tel Aviv est une épreuve pour les nerfs. C’est ce qu’on dit et c’est vrai. En cause : la forte charge émotionnelle qui s’empare de vous à l’idée de fouler cette terre qui concentre à elle seule tous les conflits et tous les malentendus de notre époque. En cause aussi, et surtout, les mille et une tracasseries administratives liées à la sécurité de l’Etat hébreu. Mesdames, messieurs, bienvenue dans la forteresse la mieux gardée au monde. Le seul endroit où personne ne peut rien pour vous. Vos accompagnateurs vous lâchent. Vos documents officiels ne servent plus à grand-chose. Plus aucune garantie ne compte. Vous êtes livré à vous-même, seul au monde. Et vous devez répondre de tout, absolument tout. “Pourquoi vous rendez-vous en Israël ? Qui vous a invité ? Pourquoi ? Comment ? Qui êtes-vous ? Avez-vous des contacts sur place ? Connaissez-vous des Palestiniens ?”. Les questions, toujours les mêmes, reviennent en boucle. Elles fusent comme des roquettes et sont formulées de toutes les manières possibles. Le ton passe invariablement du courtois au menaçant. A la longue, l’échange devient robotique, aux frontières de l’absurde. Deux, trois, voire quatre employés d’El Al, la compagnie aérienne israélienne, se relaient pour vous mitrailler de questions pendant que d’autres employés retournent vos bagages dans tous les sens avant de les passer au contrôle électronique. Ce n’est qu’au bout de ce véritable calvaire, de ce long processus qui peut prendre des heures, que vous avez droit à un premier sourire, plutôt gêné, du jeune homme qui vous remet votre passeport (sans le tamponner, pour éviter que le mot Israël apparaisse sur votre document de voyage) comme si c’était la clé du paradis. “Excusez-moi, vous dit-il dans un français parfait (quelques minutes auparavant, il ne s’adressait à vous qu’en anglais et en hébreu). Ce n’est pas personnel, ce n’est pas contre vous. Je suis moi-même originaire du Maroc, enfin je parle de mes parents, ils viennent de Debdou, ou de Sefrou, je ne sais plus”.
La capitale ? Non, l’Amérique
Nous voilà donc à Tel Aviv. Pour nous, pour le monde entier, nous sommes dans la capitale d’Israël. Pour les Israéliens, nous sommes juste dans la ville la plus américaine du pays. Les panneaux qui signalisent la route menant au centre-ville sont généralement écrits en hébreu et en arabe. Les rues sont animées et le métro n’existe pas. C’est une ville marchante, roulante, extravertie et littéralement exubérante, à la manière de la Côte Ouest américaine ou de la Costa Brava espagnole. Tout est cher et le coût de la vie semble indexé sur les meilleurs quartiers de Londres ou Paris.
Cette étonnante cité qui combine tradition et modernité a un côté âpre, physique, qui vous prend à la gorge. Les motifs architecturaux empruntent au Bauhaus, parfois au néo mauresque et à tout ce qui peut relever du style post-moderne. La musique gicle de partout, ça bouffe à tous les coins de rue, les terrasses occupent une bonne partie des trottoirs. La corniche, qui s’étale sur plusieurs kilomètres, ressemble à une plage de Santa Monica, West L.A, avec ses bars qui s’enfoncent dans le sable, ses palmiers et ses promenades, sa baie ronronnante, ses beach boys & girls, ses marcheurs en short et tongs smart, ses femmes chics qui ont du mal à tenir leur chien en laisse. Le quartier d’affaires, le trafic, les buildings, tout ce décor est à l’identique des tableaux offerts par n’importe quelle capitale européenne. Seule la ville arabe, Jaffa, dénote, fièrement dressée comme une forteresse qui surplombe Tel Aviv.
La vraie-fausse capitale de l’Etat hébreu mérite bien son surnom de “ville qui ne dort pas”. Tout est loisir, tout est ouvert, le neuf côtoie tranquillement l’ancien, juifs ultra-orthodoxes et jeunes punks au crâne coupé par une crête iroquoise se croisent sans se regarder, l’impression générale est celle d’un curieux et permanent mélange new age – old school. De quoi étonner. Et les Arabes ? Ils sont là, disséminés dans le décor. “Tel Aviv est une ville champignon, nous sommes de Yaffa (Jaffa), l’ancienne ville, la vraie, la seule”, nous explique, en haussant les épaules, un chauffeur de taxi palestinien.
Des ados pour contrôler des hommes
Contrairement à d’autres villes israéliennes, la présence militaire semble discrète à Tel Aviv. Peut-être parce que la ville est quelque peu frivole. Il n’empêche, à l’hôtel ou à l’entrée de n’importe quel bâtiment officiel, nous avons affaire à des staffs de sécurité configurés de la même manière : un homme et plusieurs femmes. Ils sont tous jeunes, moyenne d’âge 20 à 22 ans tout au plus. A Tel Aviv , et nous avons pu élargir le constat à l’ensemble d’Israël, la sécurité est confiée à des jeunes gens à peine sortis de l’adolescence. Des gamins. Ils ont encore des boutons sur le visage, les joues pouponnes et bien d’autres traces de l’enfance : une suractivité physique, un mélange de surexcitation et d’énervement, de l’impatience, une certaine impétuosité, une forme d’insolence diffuse, maligne.
Nous avons demandé, tout au long de notre séjour et à plusieurs interlocuteurs, de nous expliquer le pourquoi de l’extrême jeunesse des agents de sécurité israéliens. Les réponses, réparties en trois catégories : “Je ne sais pas, c’est une coïncidence”, “Les agents sont jeunes parce qu’ils sont en âge d’effectuer leur service civil, voire militaire”, “La jeunesse garantit l’intransigeance, l’absence de compassion, la réactivité physique pour parer à tout imprévu”.
Nous avons aussi demandé pourquoi la configuration des agents était largement dominée par les femmes. Nous n’avons pas eu de réponse.
Educations séparées, douleurs séparées
Visite au centre arabo-judaïque de Jaffa, un espace dédié à la mixité et au dialogue entre les religions. Ici, il n’y a pas de juifs, pas de musulmans, pas de chrétiens, juste des enfants issus de ce quartier qui donne sur la mer. Une douce quiétude berce l’endroit, les sourires sont distribués avec bienveillance par les uns et les autres, mais la crispation et la tension peuvent surgir à tout moment. Le directeur, Ibrahim Abu Shindi, est musulman. Il nous explique qu’il ne fait pas de politique (“Je crois au travail, je crois au terrain, je ne crois pas aux leaders en plastique !”). Son discours a un accent amer, désabusé. “A l’exception de trois écoles privées, tout l’enseignement dispensé dans cette ville sépare les musulmans des juifs. L’éducation est coupée en deux, les mentalités aussi, forcément. Il n’y a que dans les aires dédiées aux sports et aux jeux que la mixité devient possible”.
Abu Shindi résume en une formule toute la complexité de la société israélienne à la fois ouverte et fermée : “Ici, même la mentalité la plus rétrograde arrive à tolérer un couple homosexuel, mais elle ne peut pas tolérer un couple religieusement mixte”.
Le docteur Denis Sharbit, écrivain et professeur de sciences politiques à The Open University of Israel, apporte un autre son de cloche, déplaçant les origines de l’incompréhension et de l’intolérance sur le terrain, assez inattendu, de la compétition. “Oui, il y a compétition. Il y a nous, il y a eux. Les juifs, les musulmans. Deux peuples, deux histoires, deux douleurs. Nous sommes en compétition de part et d’autre. Nous n’avons pas dépassé le stade où chacun croit souffrir le plus”.
Démocratique pour les juifs, juif pour les autres
Escale à Acre. La ville appartient au patrimoine mondial de l’UNESCO et, quand on parcourt ses vieilles ruelles, on comprend pourquoi. Le temps y semble suspendu. Cette ville portuaire de 50 000 habitants porte encore les vestiges des différentes civilisations qui s’y sont succédé. Nous sommes dans le nord d’Israël et nous avons la sensation d’être nulle part. La nuit, on se croirait revenus à l’époque des Croisés, dans le 12ème siècle, n’étaient-ce les sirènes d’une ambulance qui défile à toute vitesse, le clignotant d’une pizzeria arabe ou les effusions techno-pop que dégage un 4x4 au design dernier cri. Un détail nous interpelle : la tenancière de l’hôtel qui nous héberge, l’un des plus anciens de la ville. Elle est arabe, elle ne parle pas beaucoup, et elle a une manière incroyable de baisser les yeux et la tête devant ses clients israéliens. De colère ? De dépit ? De résignation ? Pour toutes ces raisons et aucune à la fois ? Nous n’avons pas osé lui poser la question.
Dîner avec Mohammad Darawshe, co-directeur du Center of the Abraham Fund Initiatives, qui défend l’égalité des droits et des chances entre Arabes et juifs. Notre interlocuteur est un homme courtois, même s’il n’arrête pas de regarder sa montre. “Mettez-vous à ma place : je suis censé être en ce moment même en trois endroits différents !”. M. Darawshe ne mange pas avec nous mais il nous parle pendant que l’on mange. “La Palestine et les Palestiniens ont été bernés par tout le monde. Ici, c’est notre terre, notre sol, pas notre pays”. Il résume en une phrase ce paradoxe de la démocratie israélienne, qui n’accorde pas les mêmes droits à tous ses citoyens, selon qu’ils soient juifs ou arabes (musulmans, chrétiens) : “Israël est un Etat plus juif que démocratique. Il est démocratique pour les juifs et juif pour les autres”. Comme d’autres Palestiniens, le dirigeant du Center of the Abraham Fund Initiatives milite pour l’établissement d’un véritable Etat palestinien ou, en attendant, pour un changement dans les lois qui définissent l’Etat d’Israël : “En 1999, déjà, Ehoud Barak (ndlr Premier ministre travailliste de 1999 à 2001) a obtenu le soutien des députés arabes contre la promesse qu’Israël n’allait plus être un Etat juif, mais un Etat et une démocratie pour les juifs et les autres citoyens. Il n’a pas tenu sa promesse…”. C’est sur cette note de dépit que s’achève le discours de Mohammad Darawshe, et notre dîner aussi.
Al Qods, le présent et le futur du monde
Jérusalem, Al Qods, Orshalim. Nous avons la chance de survoler la cité trois fois mythique en hélicoptère. Le décor est d’une beauté à couper le souffle. Une série de collines et de saillies dont les plus belles, vues de là-haut, restent le Dôme du rocher sur l’Esplanade des mosquées et le musée de l’Holocauste. Tout un symbole. Le seul problème, quand on survole cette cité mythique, et alors que tous nos sens sont sollicités à la fois, c’est que l’on ne peut rien sentir. Et Al Qods – Jérusalem ne serait pas la même sans les senteurs et les parfums qui se dégagent de ses rues, notamment dans les rues étroites du vieux quartier arabe.
Quand on foule le sol de la ville aux mille et une histoires, on comprend le sens du mot Histoire tout court. L’atmosphère est lourde et la tension à son paroxysme. Ce lieu est l’un des plus cosmopolites au monde mais c’est aussi l’un des plus fermés. Les communautés, les ethnies, les religions, les couleurs, en un mot, toutes les différences se frottent, se touchent, s’observent mais restent clouées chacune à sa place. Le problème, qui saute aux yeux, est qu’il y a beaucoup de différences et pas assez de place. Dans un petit rayon de quelques dizaines de mètres à peine, et en moins de dix minutes de marche, nous circulons entre trois lieux sacrés : l’église du Saint-Sépulcre, le Mur des lamentations et la mosquée Al-Aqsa. Les trois religions monothéistes réunies en un espace incroyablement petit, agité, dense, chargé d’émotions.
La mosquée Al-Aqsa est le seul lieu gardé par des équipes de policiers et de militaires. Personne, ici, n’a oublié le jour où l’ancien Premier ministre Ariel Sharon a marché sur l’Esplanade des mosquées en passant la porte dite “Bab Al Maghariba” (la porte des Marocains), provoquant la deuxième Intifada. Le lieu est interdit d’accès aux non-musulmans et aux femmes “non couvertes”, selon l’expression consacrée. Nous déclinons notre passeport et récitons une sourate aux militaires qui nous font face avant de pouvoir fouler le sol sacré.
Quelques mètres plus loin, et avant la porte de la mosquée, nous sommes surpris par le spectacle d’un match de football improvisé entre des gamins de Jérusalem-Est, le quartier arabe de la ville sainte. “Où voudriez-vous que ces gamins aillent jouer, sinon ? Ils n’ont pas trop le choix…”, opine l’un des “fidèles” venus pour la prière d’Addohr.
Bethléem, le colon et le Mur
“La bande de Gaza et la Cisjordanie ne forment pas un Etat, mais deux grandes prisons”. La plupart de nos interlocuteurs palestiniens ont brandi ce slogan et, sur le terrain, la formule-choc n’est pas loin de la réalité. Gaza est un territoire bouclé auquel nul ne peut accéder. La Cisjordanie est traversée par un mur et cernée de plusieurs check-points. Comme d’habitude, les agents de sécurité qui contrôlent les passages sont extrêmement jeunes, et extrêmement nerveux.
Bethléem, l’une des principales cités de Cisjordanie, ressemble ainsi, avec le mur qui la défigure, à une ville “handicapée”. Les graffitis qui ornent “le Mur de la honte” selon les Palestiniens et “la barrière antiterroriste” selon les Israéliens, donnent à la cité un air de petit Berlin des années de la guerre froide. La cité n’est pas exactement coupée en deux mais, tout autour, les colonies israéliennes poussent comme des petits champignons blancs.
Nous arrivons à l’une de ces colonies dont l’ordre et la propreté contrastent avec l’anarchie qui semble régner dans les villes palestiniennes. L’un des responsables de la colonie nous accueille et nous conduit chez lui, dans sa maison, avant de nous faire le tour de “sa ville”. Il est originaire de France, a quatre enfants et sa douce moitié est femme au foyer. La petite famille semble heureuse et le père rentre tout de suite dans le vif du sujet : “Vous estimez que ce Mur de protection est une honte ? Pas moi, pas nous. Depuis que le Mur a été construit, la fréquence des actes terroristes a considérablement baissé et nos femmes et nos enfants peuvent circuler sans risquer leur vie”.
Notre interlocuteur ne mâche pas ses mots. Il défend le projet (porté par l’extrême droite israélienne) dit du “Grand Israël”, dans lequel les territoires palestiniens seraient définitivement annexés. “Citez-moi si vous le voulez, je m’exprime on the record et je dis tout haut ce que beaucoup ici pensent mais ne le disent pas nécessairement. Cette terre ne peut pas accueillir deux Etats mais un seul. Israël est et restera un Etat et une démocratie juifs, et seulement juifs. Les autres ne seront jamais traités sur le même pied d’égalité. Ils étaient là avant nous mais nous étions aussi là avant eux. A leur place, et dans les conditions actuelles, je partirais…”.
Détendez-vous Wal Hamdoulillah
Les propos tenus par notre interlocuteur et l’ensemble de la visite effectuée dans cette colonie satellite de Bethléem nous plongent dans un malaise indescriptible. En moins de temps qu’il ne faut pour dire bonjour, nous passons ostentatoirement de la colère au désespoir. L’effet est terrible. Plus tard dans la soirée, et de retour à Jérusalem, le malaise se dissipe légèrement au contact de Daniel Ben Simon, député travailliste. Il est originaire de Meknès. “Détendez-vous, nous sommes tous Marocains Wal Hamdoulillah. Je vous donne un scoop : un plan de partage existe et il sera signé sous peu. Un tracé des frontières futures est déjà établi. L’annonce officielle sera bientôt faite et l’Etat palestinien verra le jour”. Etonnant. Invraisemblable ? Ben Simon, comme d’autres progressistes israéliens, défend l’idée selon laquelle les colonies pourraient être détruites, ou maintenues en échange de certains territoires dans le Néguev (le désert du sud) concédés au futur Etat palestinien. Une journaliste israélienne, croisée le lendemain, balaie le “plan” suggéré par le député travailliste : “Il ne faut pas croire tout ce que disent nos hommes politiques”.
A Jérusalem, nous avons rencontré un représentant du Fatah, le “parti” concurrent du Hamas. Il a souhaité ne pas être cité nommément. Nous retenons donc ses idées : “Les démocrates palestiniens se retrouvent aujourd’hui en face de deux adversaire, Israël et le produit né de sa politique radicale, le Hamas”.
Schématiquement, la bande de Gaza est sous la coupe des islamistes du Hamas et la Cisjordanie est plutôt contrôlée par le Fatah. C’est cela la carte politique de la Palestine, un Etat en gestation mais un pays et un territoire déjà coupés en deux.
Gaza si loin si proche
Sderot. Comment ne pas être saisi d’un nouveau malaise quand on arrive dans cette ville de 30 000 habitants, la plus proche de la bande de Gaza, ce territoire inaccessible au commun des mortels. Nous avons l’impression de nous promener dans une cité fantôme, où le foncier coûte moins cher que partout en Israël. Ville morte, ville paranoïaque, Sderot vit dans la peur, réelle ou exagérée, d’une attaque. Toutes les roquettes lancées par le Hamas sont stockées dans un entrepôt près de la préfecture de police. Et tous les habitants ne parlent que de la mort, il y a quelques années, d’un jeune homme victime d’une roquette.
La localité est juive à presque 100%. Elle vote massivement à droite et son tissu social est constitué principalement de l’immigration marocaine (le “Marocain” Amir Peretz, ancien ministre de la Défense a été maire de Sderot). Le tropisme marocain explique sans doute que l’une des principales places de la ville porte le nom de Hassan II, “ce grand homme de paix”, comme on l’appelle ici.
C’est ici, dans cette ville qui se considère en état de guerre permanent, que nous avons peut-être entrevu la lueur d’espoir la plus claire de tout ce voyage. “Je crois malgré tout au dialogue entre les peuples, entre les gens de Sderot et ceux de Gaza, entre les Israéliens et les Palestiniens. Ça sera très dur mais on finira bien par trouver une solution. Personne, ni eux, ni nous, ne peut se permettre de vivre isolé”. L’homme qui nous a tenu ces propos dirige la Gvanim Association for Education and Community Involvment et, sur le mur de son bureau, on peut voir le portrait du jeune Israélien victime d’un tir de roquette.
Une famille marocaine…
L’un des derniers détours par Jérusalem, peu avant le voyage du retour, nous conduit à un dîner organisé par une famille d’origine marocaine. Nous sommes chez Shlomo Ganon, ses amis et ses proches, et tout ce petit monde s’apprête à célébrer le Shabbat. L’accueil est chaleureux, le souvenir du Maroc arrache des larmes aux plus âgés et la discussion s’enflamme avant de retrouver une température normale, comme dans une banale discussion à l’intérieur d’une famille marocaine.
Sur la route qui nous ramène plus tard à l’aéroport Ben Gourion, nous sommes arrêtés par un dernier barrage militaire. Les très jeunes soldats sont armés jusqu’aux dents. Ils nous posent des questions en hébreu, nous répondons en anglais. La suite : fouille minutieuse du véhicule, vérification brutale des bagages, des documents de voyage, etc. Ici, c’est du menu fretin.
Aparté. Flottons, flottons !
Après un détour par le kibboutz de Ein Gedi, un jardin botanique niché en plein désert, notre voyage nous conduit jusqu’à la mer Morte, à cheval entre la Jordanie, la Cisjordanie et Israël. Le thermomètre monte jusqu’à 40 degrés et, à l’hôtel, nous enfilons nos maillots de bain comme des gamins impatients à l’idée de se jeter à l’eau. Mais attention : ici, dans cette mer où les poissons et les végétations, dit-on, n’existent pas, dans cette eau où la concentration saline est 20 à 30 fois supérieure à la moyenne, il est interdit de nager, ni même de secouer les mains et les pieds. Les consignes sont strictes : “Ne passez pas la tête sous l’eau, avancez à reculons, mettez-vous sur le dos, ne vous frottez jamais les yeux et contentez-vous de flotter”. A quelques kilomètres de là, de l’autre côté, on peut apercevoir la rive jordanienne de la mer Morte, là où le défunt roi Hussein s’était baigné avec de prestigieux hôtes politiques (un célèbre cliché avait immortalisé la baignade, dans les années 1970).
Sud-Liban. Elle a changé de pays
sans bouger de sa place…La frontière avec le Sud-Liban est une longue série de barbelés que l’on ne peut parcourir que sous escorte militaire. C’est une zone à haut risque. Et le risque est de marcher sur une mine ou être victime d’une balle perdue. En face, et visible à l’œil nu, c’est le Liban, le pays du cèdre, de Faïrouz et de tellement de symboles.
Au village de Arab Aramsha, qui longe la frontière libanaise, nous croisons une vieille dame, qui dit avoir 50 ou 60 ans, qui en a probablement 20 de plus, qui marche pliée en deux et nous regarde de bas en haut, en contre-plongée permanente. Elle relève la tête pour jeter un regard triste à la patrouille de surveillance et dit connaître tous les soldats un par un. “Ils sont là depuis des années, alors à force de les voir passer et repasser…”. La vieille dame reprend son souffle avant de conclure sur son histoire personnelle, qui est aussi celle de beaucoup de Palestiniens : “Avant, j’habitais au Liban. Je n’ai pas changé de maison, je n’ai pas bougé de ma place, mais la frontière s’est déplacée et je me retrouve désormais en Israël, une partie de ma famille étant aujourd’hui de l’autre côté de la frontière”.
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"Ne nous y trompons pas : ceux qui parlent de l'islamisation de la France sont guidés par la même obsession xénophobe que ceux qui dénonçaient la judaïsation de notre pays dans les années 1930. L'étranger, quel que soit son visage, reste responsable pour l'extrême droite des maux de notre -société." Richard Prasquier, Président du CRIF