Des sommets aux canyons, des d?serts aux oasis du Maroc

Agadir n'Tizza des Iberkaken

Les greniers de pitons rocheux étaient nombreux aux temps mythiques : leurs ruines se différencient de celles des villages étalés en contrebas, dans la vallée.
Les villages se sont désertifiés, les hommes puis les familles entières ont pris le chemin de l'exode vers les villes du pays ou l'étranger. Les champs de la vallée sont de moins en moins irrigués faute de bras, et les oliviers comme les palmiers, de plus en plus délaissés. La route récemment goudronnée (1999) dessert la montagne et accuse encore cette tendance...
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Généalogie des mots Ighrem et Agadir
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Esthétique de la courbe

On oppose les greniers angulaires, agadir lanqar, littéralement la "forteresse aux angles" à agadir indawrn, "la forteresse qui tourne". A Amassine, à Amtoudi, les citadelles se hissent sur le rocher en épousant les lignes , leurs murs se tordent en volutes et courbures, prenant rarement appui sur l'angle droit. Ceci pour éviter une érosion trop rapide ou un mauvais emmagasinement du grain. Le bâtiment doit en effet canaliser le vent dominant ou au contraire le briser.
Les parois galbées : épousant un site remarquable, les greniers des Ayt-Herbil utilisent la courbe et la contre courbe créant au grenier des Id Issa une savante ondulation qui augmente la curiosité du visiteur.
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Esthétique de la courbe

"...La courbe a été très tôt utilisée dans les architectures des plus hautes civilisations, il a fallu attendre les grands ingénieurs-bâtisseurs du 20è siècle pour assister à une théorisation de la mécanique des poussées dans les voiles de béton de ciment. Certaines de leurs mises en oeuvre, éminemment rigoureuses, rejoignent les essais terriblement intuitifs des artisans berbères.
Une bâtisse à parement galbé et incliné est une structure auto-portante qui n'a rien à envier à la souplesse fonctionnelle d'une architecture célèbre en béton : la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier.
L'audace des courbes et contrecourbes qui rythment les façades extérieures de tous les greniers du versant saharien de l'Anti-Atlas occidental, semble jouer sur des limites de rupture.
La courbe est un trait caractéristique de l'architecture berbère."
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Agadir Tasginnt

"...Si les greniers ronds du Sirwa furent construits en une seule fois, les citadelles chez les Illalen furent élaborées sur une plus grande durée. Ainsi en est-il de l'Agadir Tasginnt qui n'a cessé de se déveloper sur son piton rocheux, à partir d'un noyau initial implanté à une époque ancienne difficile à préciser exactement, faute de sources. A ce propos Salima Naji explique : "Malgré nos diverses tentatives et la disponibilité des autorités sur place, il ne nous a pas été permis de consulter le luh ou droit du grenier. Les Affaires Indigènes situent la fondation de ce grenier en l'an 1050 de l'Egire ou 1640 du calendrier grégorien".
Chacune des "rues" du grenier est, aujourd'hui encore, contrôlée par une porte munie de multiples serrures. Trois sas permettent ainsi de franchir les différents espaces."
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Agadir Tasginnt

"La troisième et dernière phase d'expansion s'est constituée autour de la citerne supérieure obligeant à conserver une cour"
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Agadir Tasginnt

Vue de la partie ancienne

La richesse des matériaux de construction et leur mise en oeuvre, le génie du lieu, les stades de construction déterminent des spécificités régionales.
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Itoughayn, Iduska Ufella - Anti-Atlas

"Grâce à la coopération (tafaqant) entre les hommes du village, on a construit le grenier. Chacun à son poste : les uns prenaient les pierres , les autres la terre ou l'eau. Tout a été préparé longtemps à l'avance.Toute la communauté participait à l'édification du grenier, les hommes, mais aussi les femmes qui préparaient la nourriture en abondance."
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Toit du grenier d'Itoughayn - Anti-Atlas
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Grenier dit "des Portugais" - Anti-Atlas oriental

Igudar iroumin, les greniers des Portugais

"Un fait a intrigué tous les observateurs de l'époque coloniale : la référence constante, dans tout le Sud marocain, aux "Portugais" pour désigner des monuments anciens, les ruines nombreuses, et en particulier celles des greniers... Une phrase entendue souvent dans le Sirwa , l'Anti-Atlas, le Haut-Atlas et le Jbel Bani : cet agadir est très vieux, il daterait des Rom ou des Portugais."
"Les expressions couramment employées : Bortuqass, Iburteyqaz, Burtughalîm, Nçara,Rumân, Iroumîn (Byzantins,Romains, Chrétiens, renvoient à un même groupe, non autochtone) "
En l'absence de preuves, cette thèse est loin d'être recevable. Aucun document n'autorise à penser que les Portugais furent présents sur la durée, dans le Haut et l'Anti-Atlas. Leur occupation se réduisit aux ports, par un système de places fortes : Tanger, Azilah, Ceuta, Safi, El Jadida, Azzemour, Essaouira et Agadir (Santa Cruz).
La perception du temps islamique est moins dense que celle d'un temps mythique, posé comme très ancien. Ainsi, dans les consciences, l'Islam renvoie à "hier", les Portugais à avant-hier, voire au delà."
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Aglagal - Grenier des Ayt Ubiâl - Jbel Sirwa

Le Jbel Sirwa (au sud du Toubkal) culmine à 3304m. De nombreuses rivières prennent leur source dans ce massif et assurent les besoins en eau de toute la région. Majoritairement les Ayt Ubiâl sont cultivateurs, certains pratiquent aussi l'élevage et la transhumance. Les récoltes : blé, orge, maïs, sont destinées à l'autoconsommation, d'où la présence de nombreux greniers dans le Sirwa.
"Aglagal est à la rencontre de plusieurs villages, tout en n'appartenant à aucun d'entre eux, parce que sa position particulière le rend neutre. Visible de partout, il représente la tribu : " Aglagal est notre Zawya ", faisant ainsi référence au saint, l'ermite Sîdî Bû Câlah qui s'y installa jadis. L'histoire du saint local est liée à la protection du lieu dans ce qu'il a de plus fondamental : les cultures et l'eau.
Une cérémonie annuelle de 3 jours, réunit tous les villages au moment du mawlud, fête qui commémore l'anniversaire du prophète.
Même si Aglagal menace de s'effondrer, il conserve intact tout son prestige aux yeux de la communauté. " Aglagal est le lieu de nos ancêtres, il est notre mosquée". Ce grenier de pierres rond et monumental reste un lieu de prière et de vénération pour toute la tribu.
Le mot aglagal renvoie en berbère tachalhit à une réserve d'eau naturelle : dans ce grenier une citerne de taille importante permet d'avoir toujours de l'eau pour les ablutions, même au plus fort de l'été."
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Carte des greniers des Ayt Ubial

Le grenier tribal Aglagal placé sur la butte la plus haute, est visible de partout sur le territoire de la tribu. Relayé par une multitude de greniers intermédiaires , Aglagal permettait de contrôler tout le groupe et de faire rapidement circuler les informations.
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Grenier Aglagal

"Une légende locale attribue au saint, l'ermite Sîdî Bû Câlah, la découverte de la source et le partage équitable des eaux. Il assurait ainsi la protection des récoltes, dont il demandait une part en retour pour sa zawya. N'ayant pas eu d'héritiers, cette part est redistribuée à toute la tribu lors de son mûssem.
La baraka très grande de ce grenier, le fait qu'il soit le lieu du partage des dons rendus au saint, lui conféraient un prestige qu'aucun autre ne pouvait égaler. Aussi, même si les greniers de village se diffusèrent, le grenier tribal maintint son autorité. Il est identifié comme le lieu d'une protection souveraine au milieu d'un réseau de greniers."

Au sommet du piton le grenier Aglagal
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MERCI LUZ . Je suis ignorante en cette matière d'architecture, mais cette série de photos, les unes plus belles que les autres, m'èmerveillent!... Combien de trésors à découvrir tous les jours. MERCI encore.

Mirella

Merci pour votre chaleureux message. La fidélité des lecteurs de cette rubrique est un hommage à la mémoire des bâtisseurs de greniers- citadelles. Seule une parfaite cohésion sociale a permis la réalisation de ces constructions monumentales. La rigueur des chartes, dûment respectée au cours des siècles, codifiait la gestion "des biens de tous, dans l'intérêt de chacun".

Nous adressons à tous nos amis cette très belle photo :
Tables à gravures rupestres sur le sommet du grenier Id Issa d'Amtoudi
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Grenier Sanctuaire de Sidi Moussa

L'exceptionnel grenier circulaire en pisé de Sidi Moussa est construit sur un piton, qui domine la vallée des Ayt Bu Gemmez (ou vallée heureuse) a plus de 2000 m d'altitude.
Selon les traditions orales, Sidi Moussa se serait installé là, il y a plus de trois siècles. Une petite pièce renferme la tombe du saint patron, intégrée à la construction ultérieure du grenier. Un grand mûssem marquait autrefois la fin des travaux agricoles : on immolait un boeuf au sommet du piton. Un gardien habitait le grenier à demeure, avant sa désaffection dans les années 60 .
Selon les m'alem-s locaux, le choix de parois arrondies en pisé est justifié par l'intensité du vent sur les hauteurs. La pluie étant particulièrement redoutable sur la partie ouest, des toitures débordantes protègent l'édifice. Quatre tours forment des piles ou contreforts qui stabilisent la structure.
Grenier stratégique, des vigies furent installées au-dessus de ces tours, pour surveiller toute la région.
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luz
Pardon, si j'ai manqué des épisodes, il me semble avoir vu un reportage sur ARTE ,il y a quelques années, à propos de cet endroit qui montrait une sorte de culte de la fécondité . Tout serait lié ( tu l'as fort bien vu et expliqué avec finesse): pouvoirs divers, spiritualités diverses, aspect utilitaire et social,expression culturelle ( poésie, chant, architecture ),fécondité de l'eau, de la terre et des hommes, etc ..
Je crois voir quelques analogies entre ces greniers aux "cases " compliquées et les "temples " de MALTE ou certains dolmens enterrés de BRETAGNE, je ne pense pas qu'il ait une relation mais j'ai tendance à penser que les hommes aient pu détecter ou croire détecter en certains lieux privilégiés des sortes de "radiations " c'est en tous cas ce que prétend un guide intéressant qui fait visiter l'abbaye du THORONET en PROVENCE et qui raconte que les ROMAINS ne construisaient pas leurs temples n'importe ou, de même pour la plupart des abbayes ( il fallait une source aux "radiations spéciales" décelables uniquement par une sorte de médium ) . Après tout les sourciers détectent bien l'eau par des radiations ! De même ils croyaient en des "radiations telluriques ou solaires " qu'ils interprétaient comme sacrée . Toujours est-il que les " greniers" sont souvent dans des panoramas grandioses comme à AOUCHGAL ou aux AIT BOUGEMMES , la difficulté d'accessibilité, facilement compréhensible et l'aspect forteresse n'expliquant pas tout .

Grenier-Sanctuaire de Sidi Moussa

Suchet

Merci pour ton texte très intéressant : le choix d'un site pour la construction d'un temple, d'un grenier ou d'une abbaye était le résultat de longues réflexions, d'observations, de concertations. On prenait le temps de .... A propos de l'Abbaye du Thoronet, le livre de Fernand Pouillon "Les pierres sauvages" est une référence.

Le grenier-sanctuaire de Sidi Moussa est exceptionnel car il est en pisé et de forme ronde. La double paroi a permis de dégager une belle galerie, éclairée par des meurtrières. Cette succession d'ouvertures agrandit l'espace. Les cases particulièrement grandes, pouvaient recevoir une importante quantité de grains. De modestes sacrifices s'y déroulent toujours : les femmes viennent implorer Sidi Moussa pour favoriser leur fertilité.
Désaffecté depuis une trentaine d'années, ce grenier a fait l'objet d'un sauvetage en 93/94. Doté d'une nouvelle toiture, consolidée sur toutes les façades, il est redevenu un lieu de visites pieuses. On peut le visiter en compagnie d'un guide de la vallée.
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Grenier-Sanctuaire de Sidi Moussa

La galerie intérieure vaste et lumineuse.
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Grenier-Sanctuaire de Sidi Moussa
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