Assad : dernier avertissement (info # 011705/13) [Analyse]
Par Jean Tsadik ©Metula News Agency
A Jérusalem, on a pris très au sérieux la nouvelle du quotidien panarabe Al-Hayat (la vie), selon laquelle, sous la pression des Iraniens, Béchar al Assad aurait autorisé l’ouverture d’un troisième front contre Israël sur le plateau du Golan. A tel point que Jérusalem a immédiatement réagi par une réponse dont le ton énergique sort de l’ordinaire.
On a choisi un haut-fonctionnaire connu, mandaté par le gouvernement hébreu pour prendre langue avec Mark Landler du New York Times afin de faire connaître la position israélienne. Le moins que l’on puisse en dire est qu’elle est cinglante.
Elle prend deux menaces en compte : la première est constituée par l’intention affichée de pourvoir le Hezbollah de Hassan Nasrallah d’armes sophistiquées, d’un genre que Damas se refusait de livrer jusqu’à maintenant à la milice chiite libanaise.
A en croire le chef de cette organisation, en réponse aux récent raids du He’l Avir contre des objectifs à Damas, la Syrie lui livrera des "armes ayant la propriété de changer les règles du jeu". Réponse de l’envoyé de Jérusalem : Israël envisage de nouvelles frappes en vue d’empêcher le transfert d’armements avancés dans les mains du Hezb.
Quant à la seconde hypothèse soulevée par Al-Hayat depuis sa rédaction principale de Londres, l’éventualité d’opérations militaires de la part d’Assad contre Israël, directement ou par supplétifs interposés, la réplique du cabinet Netanyahou se veut plus vive encore : dans ce cas, le dictateur alaouite "mettrait son régime en péril car Israël riposterait".
Le haut-fonctionnaire a toutefois précisé que, "jusqu’à présent, Israël s’était abstenu d’intervenir dans la Guerre Civile syrienne et qu’il conservera cette politique aussi longtemps qu’Assad n’attaquera pas Israël directement ou indirectement".
Le message de Jérusalem est d’autant plus percutant que son armée possède, sans le moindre doute sensé, la capacité, non seulement de frapper le régime alaouite de manière très douloureuse, mais aussi, celle d’offrir la victoire à l’insurrection.
Encore est-il utile de mentionner que, pour ce faire, il suffirait aux appareils portant l’étoile de David d’anéantir une quinzaine de sites et de positions névralgiques pour créer une nouvelle situation dans laquelle les forces gouvernementales ne seraient plus à même de protéger Damas. Sans compter, en outre, que si Netanyahu décidait de se débarrasser physiquement d’al Assad, il y parviendrait sans grande difficulté. Pour atteindre ces objectifs, il faudrait une heure, deux, tout au plus, aux pilotes hébreux surentraînés.
Ce rapport de forces est connu de tous les partis concernés. Ce qui fait dire à des officiels du monde arabe que le tyran damascène ne risquera pas la gageure suicidaire de titiller son ennemi traditionnel sur le Golan. Les mêmes responsables arabes affirment ne pas nourrir le moindre doute quant au fait que Jérusalem n’hésitera pas à punir la Syrie et le Liban en cas d’attaques terroristes à la frontière israélo-syrienne. Et l’exécutif israélien fait également savoir, tant à ses ennemis qu’à la communauté internationale, qu’il tiendra al Assad responsable pour toute agression en provenance de son territoire.
Pour le despote alaouite, cependant, les choses ne sont pas simples. Dépendant largement du soutien logistique aussi bien que de la participation des Gardiens de la Révolution khomeyniste dans sa guerre, il connaît l’intérêt majeur des ayatollahs de disposer du recours à des ripostes indirectes dans le cas d’une opération de Tsahal contre leurs infrastructures nucléaires.
Ce souci compte encore plus pour les guides de la "République" Islamiste que l’issue du conflit syrien. D’ailleurs, en lisant la presse arabe et iranienne, on comprend entre les lignes que l’ampleur du soutien que Khamenei propose à Assad est directement proportionnelle avec l’aide stratégique qu’il décide de lui fournir.
Or dans le quotidien syrien Al Watan (la patrie), on évoque l’éventualité de permettre à des groupes palestiniens armés de lancer des attaques contre l’ennemi sioniste à partir des hauteurs du Golan. Au Liban et en Perse, on lit qu’Assad envisagerait de permettre à tout Arabe et à tout musulman d’agir contre les Juifs à partir de son territoire.
De l’avis de Khaled Abd al Majid, le secrétaire général du Front de Lutte Populaire Palestinien (FLPP) basé à Damas et proche du régime, la Syrie possède "le droit et le devoir de riposter en utilisant tous les moyens dont elle dispose".
Certes, mais ces moyens, que ce soit sur le second front – le Liban – ou sur le troisième, le Golan, restent minces voire anecdotiques.
Au pays du cèdre, le Hezb n’a pas encore réussi à toucher les missiles Fatah-100 ni les fusées antiaériennes SA-17 qui lui permettraient de poser des problèmes un peu plus conséquents à Tsahal. Et même si c’était le cas, Nasrallah et les Palestiniens alliés à Assad ne pèseraient toujours pas lourd dans le rapport de force avec l’Etat hébreu.
Ce dernier dispose en effet des moyens de neutraliser les SA-17 par des contremesures électroniques, et met la dernière main à la Fronde de David, capable d’intercepter en vol la plupart des missiles balistiques à courte et à moyenne portée. C’est la Ména qui, lors de la dernière confrontation entre Israël et le Hamas avait révélé que le dispositif qui avait détruit en l’air des missiles se dirigeant vers Tel-Aviv était en fait constitué des éléments de la Fronde de David et non du Dôme d’Acier. Peu après cet affrontement, la confirmation de notre évaluation était venue de la bouche même du 1er ministre Netanyahu.
Il nous appartient d’être clairs sur ce point : il n’est nullement dans notre intention de prétendre qu’aucun projectile tiré depuis le Liban ou la Syrie n’atteindrait le territoire de l’Etat hébreu, car certains y parviendraient probablement. Ils occasionneraient tout aussi vraisemblablement des pertes humaines et des dégâts matériels. L’Armée régulière syrienne possède à elle seule, dans son arsenal, nombre d’engins à même d’occasionner des dommages en Israël.
Mais ces armes existent chez nos ennemis depuis pas mal de temps et, fort sagement, ils n’en ont que très rarement fait usage. Ce que nous affirmons est, qu’en l’état des forces en présence, aucune de ces forces armées, y compris celle des Iraniens, aucune milice, et, à plus forte raison, aucune organisation terroriste ne pose un problème existentiel, pas même aigu à la sécurité d’Israël.
Une attaque déclenchée à coups de roquettes et de quelques missiles par les Fous d’Allah depuis le Liban aurait pour conséquence certaine l’anéantissement de cette milice. Sans compter que, contrairement à 2006, Jérusalem dispose d’alliés objectifs au pays des cèdres, qui profiteraient probablement d’un nouvel affrontement entre le Hezb et l’Etat hébreu afin de tenter de se débarrasser définitivement de Nasrallah et de ses combattants. Car l’une des différences entre 2006 et nos jours découle de l’affaiblissement de la milice chiite, consécutivement à sa participation à la Guerre Civile voisine, et aux difficultés qu’elle rencontre à obtenir des armes et des munitions en provenance des entrepôts alaouites, à cause, précisément, des impondérables du conflit en cours.
Quant à mener des activités militaires à partir du Golan, c’est encore plus aléatoire. Il faut commencer par noter que la plus grande partie du versant syrien de ce plateau se trouve actuellement aux mains des rebelles. Et ajouter que les plus infimes mouvements de troupes et de matériels sont instantanément repérés par les satellites, les drones et les appareillages électroniques mis au point par les ingénieurs hébreux. Dans ces conditions, aucune force armée digne de ce nom n’aura l’opportunité ou le temps, ne serait-ce que de s’approcher de la frontière.
Les actions les plus désagréables pour les Israéliens qui pourraient être conçues à partir de la Syrie ou du Liban consisteraient en des tentatives de kidnapper des soldats ou des civils, ou de tirer quelques obus de mortier et des roquettes à la sauvette. Lors, Nasrallah et Assad sont dûment avertis que ces actes de provocation dénués d’avantages tactiques quels qu’ils soient, en cette conjoncture de pré-guerre avec l’Iran, se solderaient par des représailles assurément "disproportionnées".
Dans cette analyse, il convient également d’observer que Tsahal a déjà, ces dernières années, conduit des opérations sur le territoire de Béchar al Assad. Elle y a éliminé des terroristes internationaux ainsi que des généraux alaouites responsables de programmes de développement d’armes de destruction massive. En 2007, la Ména avait été la première à annoncer la destruction, lors de l’Opération "Verger", d’un réacteur nucléaire que le régime baathiste construisait dans la région de Deir ez-Zor avec l’aide de conseillers nord-coréens et iraniens. Or, à aucune de ces occurrences Assad n’avait entrepris la moindre riposte, bien qu’à ces époques, ses moyens de répliquer fussent supérieurs à ceux dont il dispose aujourd’hui.
Ses choix de ne pas se mesurer à Israël étaient alors dictés par les mêmes considérants qui prévalent actuellement. Ce qui nous amène, de même que les stratèges de Tsahal, à considérer que les menaces émanant ces jours de Damas ne sont que des tartarinades destinées uniquement à sauver la face.
Même en prenant en compte l’importance des pressions que les Iraniens exercent sur son régime, de même que sa dépendance vis-à-vis de leur aide, si l’ouverture de nouveaux fronts représente pour Téhéran un contrepoids relatif à la menace israélienne contre son programme nucléaire, pour la dictature alaouite, elle est une initiative suicidaire ne pouvant qu’accélérer sa chute.
Pour y comprendre quelque chose, il faut recadrer les échanges de messages entre Al-Hayat et le NYT dans l’optique d’un affrontement entre Jérusalem et Téhéran. Or, dans cette dynamique, il importait à Jérusalem de réagir très vite et de couper court à tout doute qui aurait pu se faire jour dans l’esprit d’al Assad ; cela, afin d’éviter toute tentative de sa part de "réchauffer" le front du Golan.
Israël a décidé d’agir de la sorte, en usant d’une rhétorique appuyée, non pas pour s’engager dans le conflit interne syrien dans lequel il ne trouve aucun intérêt, mais, précisément, pour éviter de s’y voir entraîner tout en préservant ses positions stratégiques en vue d’une éventuelle confrontation avec l’Iran.
Car d’après tous les indices en notre possession, la théocratie perse se trouverait, dans sa course effrénée à la bombe atomique, à moins de deux mois du point de non-retour. Or mieux vaut, par la dissuasion que par la force – si cela est possible -, empêcher Khamenei d’avoir accès à deux nouveaux fronts aux portes d’Israël. Mais si la pression de Téhéran sur Assad est plus forte que sa capacité à y résister, Jérusalem mettra ses menaces à exécution. A l’approche de l’échéance fatidique, il n’est plus question de se contenter de verbiages, les frappes récentes sur quatre objectifs à proximité immédiate du palais du dictateur alaouite ont probablement convaincu les sceptiques. Israël, seule ou avec ses alliés naturels, ne permettra pas à l’Iran de devenir une puissance nucléaire.
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