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Daesh menace le Maroc d'un massacre

Daesh menace le Maroc d'un massacre

 

 

 

 

Des partisans de l'Etat islamique (EIIL) avaient récemment juré de massacrer leurs concitoyens marocains, mais les forces de sécurité les ont découverts avant qu'ils ne puissent mettre leur menace à exécution.

La dernière vidéo en date réalisée par l'une de ces cellules, "Apparition des soldats du Califat au Maghreb Al-Aqsa", est arrivée le 18 novembre sur YouTube.

Deux des hommes masqués que l'on voit dans cette vidéo brandissent un drapeau de l'EIIL, tandis qu'un troisième porte un sabre. Alors qu'ils prêtent allégeance au leader de Daesh Abu Bakr al-Baghdadi, ils menacent de faire couler un bain de sang dans le royaume.

Cette vidéo a attiré une grande attention. Durant les courts moments où elle est restée disponible en ligne, elle a été vue par des milliers d'internautes et a suscité de nombreux commentaires.

L'un des terroristes qui figure dans ce clip appelle au soutien "des lions du nord et du sud, de l'ouest et de l'est en général, et des habitants de Berkane en particulier".

Cette vidéo est arrivée en ligne quelques jours seulement après qu'al-Baghdadi a diffusé un enregistrement audio demandant à ses partisans de déclarer la guerre contre "les fils de la laïcité", c'est-à-dire tous les Musulmans affichant des opinions différentes de celles de Daesh.

Mais l'attention suscitée dans les médias est rapidement passée de ce trio jihadiste aux responsables de la sécurité marocains qui les ont appréhendés. Quatre jours après la diffusion de cette vidéo, les terroristes ont été traqués puis arrêtés à Berkane, non loin de la frontière algérienne.

Les Marocains se sont félicités de cette capture, estimant que la nouvelle stratégie antiterroriste "Hadar" du ministère de l'Intérieur était efficace.

"Le message audio d'al-Baghdadi était en fait un appel de détresse après les coups et les revers subis par Daesh en Syrie et en Irak", explique à Magharebia Anflous Abdelali, chauffeur de taxi. "Et la chute de ses partisans qui apparaissent dans cette vidéo, remis très rapidement entre les mains de la justice, montre que ce groupe n'a aucun avenir dans ce pays", ajoute-t-il.

"Le proverbe qui dit qu'un noyé ne fait que s'appuyer sur une autre personne en train de couler s'applique parfaitement à eux", ajoute-t-il.

Pour le politologue Lahcen Oussimouh, les menaces de l'EIIL doivent cependant être prises au sérieux.

"Le haut niveau d'alerte et de vigilance sécuritaire que connaît le Maroc depuis début novembre indique que les responsables marocains de la sécurité sont tout à fait conscients de ces dangers", explique-t-il.

La menace terroriste a pris une dimension sans précédent avec l'apparition de Daesh, ajoute cet analyste.

"Nous sommes aujourd'hui sur le point de voir une nouvelle vague de "loups solitaires" plus meurtriers et plus féroces que ce que nous avions jamais connu jusqu'à présent", met-il en garde, ajoutant que "ces nouveaux loups ont été recrutés et formés sur les réseaux sociaux et ont reçu des instructions strictes, rendant leur identification par les agences de sécurité plus complexe et plus difficile".

Mais si Daesh s'en remet à ce modèle des "loups solitaires", il reprendra les méthodes d'al-Qaida. Adil Othmani a été condamné à mort pour l'attentat du 28 avril 2011 au très populaire Café Argana de la Place Djemaa El Fna, première opération de ce type au Maroc.

Cet attentat d'al-Qaida à Marrakech avait tué dix-sept personnes, pour la plupart des touristes étrangers.

Oussimouh s'attend à ce que les partisans de l'EIIL tentent également de "prendre pour cible des personnalités publiques, des touristes, des sites stratégiques et des intérêts étrangers, ainsi que les minorités ethniques et religieuses, en particulier les Juifs marocains, les Chrétiens et les militants amazighs".

La crainte que Daesh ne s'en prenne à des minorités n'est pas infondée. "Toutes les expériences terroristes que le Maroc a connues depuis 2003 montrent que les minorités et les touristes étrangers sont la cible numéro un des attaques terroristes", explique-t-il à Magharebia.

"Les attentats de 2003 à Casablanca visaient un bâtiment de la communauté israélite, l'ancien cimetière juif, le restaurant Positano près de l'ambassade de Belgique et la Casa de España. En 2007, deux attentats simultanés avaient visé le consulat des Etats-Unis à Casablanca et le centre culturel américain", rappelle-t-il.

Et ce ne sont pas là uniquement des informations anciennes. Depuis le début de cette année, indique-t-il, les sheikhs salafistes jihadistes du Maroc ont "lancé plusieurs fatwas accusant les militants amazighs d'apostasie, dans ce qui est vu comme un appel à les tuer".

Un avis partagé par l'un des leaders de la communauté juive de la région de Fès-Oujda-Sefrou, qui ajoute que Daesh ne fait aucune distinction entre Musulmans ou Juifs, Arabes ou Amazighs.

"L'EIIL ne représente pas une menace distincte pour un groupe de personnes, une ethnie ou un groupe religieux en particulier ; c'est plutôt une menace pour chaque homme libre, quelles que soient sa religion ou ses croyances, et pour chaque démocrate tolérant, y compris les Musulmans", explique pour sa part Armand Guigui, président du Comité des communautés israélites.

"Ses partisans massacrent tout le monde en Syrie et en Irak, et personne, que ce soient les Arabes, les Kurdes, les Sunnites, les Chiites, les islamistes modérés ou même les islamistes radicaux d'al-Qaida qui partagent la même idéologie, n'a été épargné", ajoute ce leader juif. "Par conséquent, les Juifs marocains ne pensent pas qu'il existe une menace distincte à leur égard ; ils sont tout autant menacés que n'importe quel autre citoyen marocain, quelle que soit sa secte, sa religion ou son ethnie."

La violence ethnique et religieuse est étrangère à la région, estime Bekkouche Abdessamad, ingénieur agricole de Berkane. Il se dit étonné que l'EIIL apparaisse dans une région réputée pour sa tolérance religieuse et des siècles de coexistence entre les trois grandes religions.

"Oujda est connue pour son église Saint Louis historique. C'est la seule église au monde qui partage le même jardin et la même façade avec une mosquée, dans la même rue", explique-t-il. "Non loin d'elle, le tombeau de Sidi Yahya Benghazi Younis est visité par les adeptes des trois religions : Juifs, Musulmans et Chrétiens."

"Le véritable Islam n'a rien à voir avec ce que prônent ces terroristes", ajoute-t-il.

Le militant amazigh Boubaker Ounghir reconnaît lui aussi que l'EIIL vise chacun sans discrimination, mais affirme que les minorités sont néanmoins exposées à un plus grand risque. "C'est vrai qu'aucune secte n'a été à l'abri de la répression et de la brutalité de l'EIIL en Irak et en Syrie, mais la violence contre les Kurdes, les Yazidis et les Chrétiens a surpassé tous les événements historiques similaires", précise-t-il.

"L'EIIL a commis la forme la plus cruelle de génocide contre ces personnes, et nous avons vu des formes de répression, de brutalité et de haine sans précédent de la part de l'EIIL envers ces minorités. S'y ajoute le fait de prendre des femmes et des enfants comme esclaves, et de ramener l'humanité à la vieille époque de l'esclavage", poursuit cet Amazigh.

"Nous sommes aujourd'hui face à une menace terroriste totale d'un nouveau type ; les opérations terroristes ont connu un changement du fait de l'EIIL, qui a fait de la violence et du règne de la terreur l'objectif même de ses activités", explique Mohamed Benhammou, président du Centre marocain d'études stratégiques (CMES).

Les meurtres et le bain de sang sont devenus une véritable addiction pour les partisans de Daesh, déclare-t-il, comme on peut le voir dans les vidéos qu'ils publient depuis la Syrie et l'Irak.

"On assiste également à un changement dans les moyens utilisés par les terroristes lors de leurs opérations", précise-t-il. "Les terroristes de l'EIIL n'utilisent pas seulement tous les types d'armes et d'explosifs ; ils utilisent tout ce qui peut faire du tort aux autres. Un terroriste peut s'emparer d'une voiture, la lancer à grande vitesse sur un trottoir pour renverser et tuer autant de personnes que possible", ajoute-t-il.

Tout comme la coordination entre les agences de sécurité et de renseignement dans le monde entier est désormais plus nécessaire que jamais, lutter contre l'EIIL exige les efforts de tous, indique Benhammou à Magharebia.

"Ces changements dans les comportements terroristes appellent désormais en réponse la participation de tous les citoyens", poursuit-il. "Chacun, et pas seulement les agences de sécurité, doit être vigilant et sur ses gardes ; l'EIIL et ses partisans sont assoiffés de sang et veulent répandre la terreur d'une manière encore jamais vue."

Par Mawassi Lahcen à Casablanca pour Magharebia 

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