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HISTOIRE DES SÉFARADES

HISTOIRE DES SÉFARADES

 

 

 

Substantif et adjectif, l'appellation "séfarade" est appliquée aux Juifs dont les ancêtres vécurent dans l'Espagne médiévale, et plus généralement les membres des communautés juives non ashkénazes. Dans le livre du prophète Abdias (verset 20), le terme "Sefarad" est une localité où demeurent des exilés de Jérusalem. Bien que, pour les savants modernes, ce verset biblique s'appliquât à Sardes en Lydie, il fut rapporté à Ispania ou Ispamia par les premiers commentateurs juifs. En hébreu médiéval et moderne, Sefarad équivaut à Espagne. Aujourd'hui, séfarade tend à supplanter dans l'usage les formes savantes sefardi ou sefaraddi (pluriel sefardim ou sefaraddim ), qui dérivent directement de l'hébreu.
On distingue trois périodes majeures dans l'histoire des séfarades. La première va des origines légendaires (une colonie salomonienne en Espagne) à l'expulsion des Juifs d'Espagne (1492). Jusqu'au VIIe siècle, l'essor des communautés du bassin méditerranéen et de l'Espagne s'accomplit sans encombre, en relation avec les foyers palestinien et babylonien. En 589, à la suite de la conversion au catholicisme du roi wisigoth Reccarède, un siècle de persécution pour les Juifs d'Espagne commence, persécution à laquelle met fin l'invasion musulmane (711). La période comprise entre 711 et 1036, qui coïncide avec l'époque du califat de Cordoue et des royaumes islamiques qui lui succédèrent, est considérée comme l'âge d'or du judaïsme espagnol. Au XIe siècle principalement, le judaïsme séfarade contribue à la renaissance de la langue hébraïque avec ses grammairiens, ses lexicographes et ses poètes (notamment Salomon ibn Gabirol, Moïse ibn Ezra et Juda Hallevi); ce renouveau donne au judaïsme occidental son premier grand talmudiste, Isaac ben Jacob al-Fasi, et son philosophe, Moïse ben Maimon, dit Maimonide.
L'invasion des Almohades, d'une part, la Reconquista, d'autre part, entraînent au XIIe siècle la migration des Juifs de l'Andalousie vers l'Espagne du Nord, qui est chrétienne. Les communautés juives, régies par des fueros (privilèges royaux) et par leurs propres constitutions (ascamot ), y mènent une existence paisible fondée sur une économie très diversifiée (allant du cultivateur au fermier des impôts). Les rabbins espagnols jouissent d'un prestige reconnu dans toute l'Europe, particulièrement Moïse ben Nahman, dit Nahmanide, et Salomon ben Adret. Moïse de León, rabbin à Ávila, transcrit (ou écrit) le maître livre de la kabbale, le Zohar . Les Juifs participent à l'éclosion de la science et de la littérature castillanes, notamment sous Alfonse le Savant (1254-1284). En 1391, une vague de massacres, inaugurée à Séville le 15 mars, déferle sur les communautés de Castille et d'Aragon, déterminant l'apostasie et l'émigration de multiples familles, ainsi que la disparition de communautés entières comme celle de Barcelone.
L'effort de restauration du XVe siècle ne peut empêcher le déclin des communautés espagnoles, dont l'Inquisition réclame l'expulsion. Décrétée le 30 mars 1492 au palais de l'Alhambra de Grenade, l'expulsion des Juifs d'Espagne met fin au foyer majeur du judaïsme médiéval. Elle ouvre une période dite Diaspora séfarade (1492-1776). Désormais dispersé de l'Empire ottoman, son principal établissement au Nouveau Monde (avec des crypto-Juifs d'abord et des communautés déclarées au XVIIe siècle), le judaïsme séfarade conserve une unité de culture, d'organisation de type communautaire, de langue (l'espagnol médiéval devenu le judéo-espagnol ou ladino et le portugais). Les grandes communautés des exilés d'Espagne sont à Constantinople et à Salonique, mais aussi à Venise, à Amsterdam, à Londres, à Pernambouc (au Brésil) et à Curaç ao. La population juive de Terre sainte s'hispanise largement avec la renaissance, grâce à l'immigration espagnole, de Jérusalem, de Safed (où Joseph Caro rédige un code dit Šulhan Arukh - table servie - bientôt adopté par l'ensemble du judaïsme), d'Hébron et de Tibériade. Le XVIe siècle est le siècle d'or pour les communautés de Turquie et de Grèce: les imprimeries qu'elles y établissent diffusent la création intellectuelle du judaïsme médiéval et l'intense floraison hébraïque et judéo-espagnole postérieure à l'expulsion de 1492.

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Au XVIIe siècle, encore que moins peuplées, les communautés "portugaises", (Angleterre, France, Provinces-Unies, Amériques) participent vigoureusement à l'essor du commerce atlantique et constituent une sorte de fédération autour d'Amsterdam, dont l'activité intellectuelle est exceptionnelle, bien que Baruch de Spinoza soit amené à s'en détacher, et dont l'imposante synagogue, l'Esnoga, fait l'admiration des visiteurs européens. En 1666, communautés d'Orient et d'Occident sont prises dans l'effervescence messianique du "messie mystique" de Smyrne, Sabbatai Zevi, Séfarades et Ashkénazes attendant une rédemption imminente. Au XVIIIe siècle, Livourne tend à surpasser Amsterdam comme centre majeur du judaïsme séfarade en Occident par son activité commerciale et par la production de ses presses hébraïques. Cependant, la crise de l'Empire ottoman atteint des communautés orientales qui s'appauvrissent, tandis que les problèmes sociaux accablent celles d'Occident, notamment d'Amsterdam. Avec la dispersion extrême des familles s'est établie une sorte d'organisation mondiale informelle des Séfarades.
Une période nouvelle commence avec l'indépendance des États-Unis d'Amérique en 1776. Ralliés par le rabbin Gershom Seixas à la cause de l'indépendance, les Juifs américains obtiennent un statut d'égalité, offrant ainsi aux Juifs d'Europe un modèle d'émancipation. Le modèle est repris par les Séfarades français, qui font campagne en 1789, de concert avec les Ashkénazes d'Alsace d'abord, seuls ensuite, pour l'obtention des droits de citoyens actifs. L'émancipation des Juifs de France (29 sept. 1791) est en grande partie une œuvre séfarade. Désormais, le modèle français inspire les communautés juives d'Orient et d'Occident en quête d'une émancipation mettant fin à leur statut médiéval. En fait, l'oppression se prolonge en Afrique du Nord et en Orient jusqu'en 1860. Cette année-là est créée à Paris l'Alliance israélite universelle, qui s'attache à promouvoir le régime statutaire, économique et scolaire des communautés orientales: son réseau d'écoles, de l'Afrique du Nord aux Balkans et à la Perse, prépare les Juifs à entrer dans le monde moderne; ses interventions obtiennent un recul de l'arbitraire dans ces pays. Pourtant les centres vitaux du judaïsme séfarade se vident de leurs effectifs avec l'émigration vers l'Occident et l'Amérique, tandis que l'espagnol recule devant les progrès du français chez les séfarades orientaux. Chant du cygne de la culture séfarade, une presse judéo-espagnole, d'une richesse et d'une diffusion prodigieuses, popularise au XIXe et au XXe siècle le patrimoine intellectuel séfarade et l'apport occidental (traductions multiples des romans français, dont ceux d'Alexandre Dumas et d'Eugène Sue). Des courants nouveaux s'expriment dans cette presse, socialiste ou nationaliste (le rabbin Juda Alkalai est un précurseur du sionisme politique).
Comme les communautés ashkénazes, les communautés séfarades sont frappées par l'holocauste hitlérien dans leurs centres les plus authentiques, en Bulgarie et en Grèce surtout (la déportation des Juifs de Salonique a fait disparaître le foyer du parler judéo-espagnol). Aujourd'hui, les communautés nord-africaines sont en cours de liquidation et les groupements séfarades de la Diaspora se trouvent en France et aux États-Unis (plus de 30 000 à New York); près de 60 p. 100 de la population d'Israël sont séfarades. En Israël, si traditionnellement le grand rabbin d'Israël séfarade, dit le Rišon le Sion, a la prééminence sur le grand rabbin ashkénaze, la vie politique, économique, intellectuelle est largement dominée par l'élément ashkénaze, et la disparité des niveaux de vie entre l'un et l'autre élément pose un problème grave. Les études séfarades, longtemps négligées, connaissent un essor spectaculaire avec les travaux de l'institut Arias Montano de Madrid, l'institut Ben Zvi à Jérusalem, l'Institut mondial pour les études séfarades de New York, les enseignements de langue et civilisation séfarades de l'Institut des langues et civilisations orientales de Paris.

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